
Haïti, loin des caméras aujourd’hui… Presque malgré nous, nous avons suivi la journée noire du 12 Janvier 2010 à Port-au-Prince, avec le même effroi que lorsque nous avions vu les tours jumelles de New-York s’effondrer. Ce regard presque voyeur, même si l’empathie reprend le dessus, tentant de comprendre ce que ressent l’autre, là-bas. Et puis cette sensation d’impuissance…Après une overdose d’images, las du spectacle de la misère, on a juste eu envie d’éteindre la télé…
Et puis le monde a continué à tourner avec son lot de catastrophes. Les caméras s’en sont allées, couvrir un autre drame, jusqu’au prochain… Que veut-on savoir aujourd’hui d’Haïti ? Passée la spectaculaire destruction de la capitale haïtienne, deux ans plus tard, beaucoup des téléspectateurs de l’époque ont déjà oublié jusqu’à l’existence même de ce petit bout d’île.
Aujourd’hui, certains haïtiens ironisent, préconisant un nouveau séisme afin, à nouveau, d’attirer les regards et les fonds… D’autres encore, dans le même esprit, parient sur le choléra pour améliorer le système de santé… Combien de temps peut-on survivre sous perfusion ? L’épidémie de choléra sévit toujours, mais la reconstruction du système de santé n’est pas flagrante pour autant… Certes, le vibrion se fera oublier un temps, mais régulièrement, comme au Zimbabwe, il rappellera qu’il est le plus fort sur ce territoire si fragile.
Port-au-Prince, 2 ans après le séisme, se reconstruit donc à son rythme. Tous les bâtiments de la capitale ont été marqués par le sceau MTPCT (Ministère des Travaux publics & Communications et Transports). Selon l’état de délabrement, le sceau MTPCT est en vert, en orange ou en rouge, qui présage de son avenir : à conserver, à réhabiliter, à détruire. Ici et là des tractopelles s’activent, remuant poussières et gravats.
Les sinistrés sont encore 500 000 dans les camps ; sous des tentes pour les plus chanceux, sous des bâches découpées et habilement entreposées, sous des morceaux de tôles pour les autres. La vie s’est organisée, puisque l’aide de la communauté internationale permet de survivre. Hors du camp, la vie dans les quartiers de Port au Prince n’est guère mieux: certes, l’abri en bois ou en béton bien à soi est appréciable, mais l’accès aux distributions par exemple, n’y est plus possible. Feu le président burkinabé Thomas Sankara se trompait-il quand il affirmait que « l’aide doit aider à tuer l’aide » ? L’aide nourrit l’aide. La logique est inversée. L’économie, renversée.
Que penser de ces propos de Michel Martelly lors d’un déplacement récent au Venezuela : « L’argent n’a pas été investi correctement : au lieu de donner à boire et à manger aux gens, nous aurions pu entamer la reconstruction, créer de l’emploi, et ces mêmes gens auraient alors pu acheter à boire et à manger (…). Ce qui a été fait pour sauver des vies était justifié, mais d’un point de vue pratique cet argent aurait pu être utilisé autrement, pour contribuer au développement du pays ». Aujourd’hui, les Nations unies, le CICR, la Croix-Rouge, des centaines d’ONG sont toujours au chevet des Haïtiens.
Haïti est-il un cas d’école pour la communauté internationale ? Certainement. C’est une « occasion » à ne pas manquer pour repenser le système d’aide internationale et d’abord bâtir de véritables politiques de prévention.
« La critique est aisée, mais l’art est difficile »… Ainsi parlent les « Taps-Taps », ces taxis décorés de mille couleurs qui s’expriment dans les bouchons de Port-au-Prince… Depuis deux ans, beaucoup d’encre a coulé sur le thème : la catastrophe ne fut pas si naturelle que ça… Le séisme, le nombre de tués, les destructions massives ont comme rappelé ces décennies de gabegie, de corruption, d’absence de développement, cette irresponsabilité partagée des politiques. Il y a eu un avant-séisme. Y aura-t-il un « après » ? Ce n’est malheureusement pas si sûr…