Alors que la France a promis 70 millions d’euros à la lutte contre Ebola, la Commission européenne 150 millions d’euros et la Banque mondiale 400 millions de dollars, Coordination SUD appelle à la concrétisation rapide de ces promesses de dons pour que soient mis en œuvre les moyens logistiques et humains de contrôle de l’épidémie Ebola.
Le déploiement de l’UNMEER (mission des Nations Unies pour la lutte contre Ebola) est évidemment une bonne nouvelle, et les annonces de deux millions d’équipements de protection, de 470 véhicules tout-terrain et d’au moins cinq hélicoptères qui seront envoyés en Afrique de l’Ouest ne peuvent qu’être saluées.
Mais les besoins sont immenses, l’ONU a estimé avoir besoin d’au moins un milliard de dollars pour lutter efficacement contre Ebola et leur seule action ne saurait suffire. Il faut aujourd’hui une mobilisation de tous les acteurs, organisations gouvernementales, ONG, États, entreprises privées…
Manque de ressources humaines
Le nerf du combat contre Ebola, c’est aussi le manque cruel de ressources humaines. En Sierra Leone où Solthis intervient, nous constations déjà la très grande insuffisance de personnel médical qualifié avant l’épidémie de fièvre Ebola. Ce personnel est aujourd’hui le plus exposé à l’infection et mobilisé en priorité sur Ebola, ce qui provoque notamment un accroissement de la pénurie de médecins dans les autres services. C’est pourquoi les ONG Santé de Coordination SUD s’inquiètent aujourd’hui du sort de tous les malades des pays touchés, alors que l’accès aux soins et le suivi médical sont lourdement impactés.
L’initiative de la France de financer un nouveau centre en Guinée forestière et l’arrivée de médecins chinois et cubains au Liberia et en Sierra Leone sont évidemment de bonnes mesures mais insuffisantes pour combler le déficit abyssal en ressources humaines nécessaires aujourd’hui pour stopper l’épidémie.
La sensibilisation des populations fait bien sûr partie des premières mesures à prendre pour diminuer les risques de contamination et donc de propagation de l’épidémie.
Les mesures à prendre dans les centres de santé sont en premier lieu d’appliquer les recommandations standards de l’OMS et de mettre en place des moyens logistiques de triage, de détection des cas suspects, de traitement et d’isolement, ce qui n’est pas toujours réalisé ou réalisable sur site. Ensuite, équiper le personnel soignant, c’est s’assurer par exemple que toutes les unités/services de centre de santé, notamment les principaux centres hospitaliers, sont équipées et non les seules unités Ebola. Ainsi en Sierra Leone et Guinée, les unités VIH que Solthis appuie au sein des grands hôpitaux de la capitale ou en région n’ont pas encore reçu d’équipements de protection, et nous cherchons aujourd’hui les fonds nécessaires pour les commandes et leur acheminement.
Avec d’autres ONG de Coordination SUD, nous partageons le même diagnostic : il est nécessaire de trouver des voies alternatives pour atteindre les malades qui ne se rendent plus dans les centres de santé. Par exemple, la mobilisation des réseaux communautaires sur la prévention et la continuité des soins est une de ces voies. Il s’agit de former les associations locales pour qu’elles puissent aller à la rencontre des familles.
Une chaîne sanitaire brisée !
À Freetown, à l’hôpital pédiatrique de référence Ola During, le nombre d’enfants suivis en VIH pédiatrique qui ne s’est pas rendu à sa dernière consultation a doublé entre juillet et août. Ainsi, l’équipe de Solthis appuie le réseau NETHIPS (Network of HIV Positives in Sierra Leone) de personnes vivant avec le VIH/SIDA et HAPPY (HIV/AIDS Prevention Project for Youth) pour les aider à rechercher les enfants séropositifs qui ne se sont pas rendus à leur dernier rendez-vous. Solthis forme des bénévoles, fournit des cartes téléphoniques ou encore met à disposition ses véhicules. Nous cherchons à étendre cette action à la recherche des perdus de vue adultes séropositifs.
En Guinée et en Sierra Leone, nous voulons aussi mettre en place des formations à l’hygiène hospitalière et aux modes de transmission du virus Ebola pour les équipes soignantes des centres que nous appuyons.
Il y a une réelle prise de conscience de la gravité de la situation. Des promesses de dons ont été faites par la France, la Commission européenne ou encore la Banque mondiale, mais encore une fois les besoins sont énormes. C’est pourquoi les ONG Santé de Coordination SUD appellent à la concrétisation rapide de ces promesses afin de voir très rapidement leurs effets sur le terrain.
Par ailleurs, nous ne comprenons pas pourquoi le gouvernement français n’autorise pas la reprise des vols sur Freetown et Monrovia. Nous attendons aussi d’avoir l’assurance que la France procédera à des évacuations du personnel soignant international en cas d’infection, indépendamment de sa nationalité. Pour faciliter le départ du personnel soignant international, qui est l’un des enjeux majeurs de cette riposte, cette condition est primordiale.
Nous espérons que l’Union africaine et les pays de la sous-région lèveront les obstacles douaniers au transit du matériel et des ressources humaines nécessaires pour lutter contre Ebola. Si les pays touchés sont isolés, comment l’aide pourra-t-elle atteindre les zones où l’épidémie s’aggrave ?
Sans déblocage de fonds publics ou privés, les ONG ne pourront pas non plus continuer leurs actions aux côtés des autres acteurs pour participer sur le terrain, au plus près des populations, à la riposte contre Ebola et à ses conséquences systémiques dévastatrices. Impossibilité d’accéder aux soins et aux traitements, malnutrition, flambée des prix, ruptures de stocks des marchandises, les impacts sociaux et économiques d’Ebola n’ont pas fini de se faire sentir.
Louis Pizarro
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