Pas de grandes avancées mais de nombreuses petites initiatives lancées pour Le Sommet mondial de l’humanitaire qui s’est tenu les 23 et 24 mai derniers à Istanbul. Pour la première fois, le monde de l’humanitaire, 9000 personnes (selon les Nations Unies) dont des représentants de la société civile, des agences onusiennes, des responsables politiques… se réunissait afin d’engager un processus de réforme d’un système humanitaire en pleine crise.
L’ampleur et la fréquence des urgences humanitaires dans le monde sont en augmentation constante. Les guerres civiles et les catastrophes naturelles, exacerbées par les effets des changements climatiques, font de plus en plus de victimes. Environ 130 millions de personnes dans le monde, dont 53 millions de réfugiés, ont actuellement besoin d’assistance humanitaire (source Nations Unies). Face à ces défis d’une ampleur inégalée, il est nécessaire pour l’aide internationale de s’adapter et d’évoluer.
« Nous devons partager les meilleures pratiques et trouver des moyens novateurs de rendre l’action humanitaire plus efficace et inclusive », déclarait Ban Ki-moon, Secrétaire général des Nations Unies à l’occasion des travaux préparatoires et à l’origine de ce rendez-vous inédit.
23 000 personnes réparties dans 153 pays ont participé aux travaux consultatifs où une large part était laissée à la société civile. Initiés en 2012, ils ont été l’occasion de concertations régionales (en Asie et en Afrique en 2014, puis en Europe et au Moyen- Orient en 2015) et de travaux thématiques (enfants dans les crises, management des risques, efficacité humanitaire, transformation par l’innovation…). Ces travaux se sont clôturés par la Consultation Globale (Global Consultation) qui s’est tenue à Genève les 14 et 16 octobre 2015.
Le résultat de ces consultations, publié par le Secrétaire général Ban-Ki Moon en février 2016 dans un rapport intitulé : Une seule humanité, des responsabilités partagées, ont abouti à 300 recommandations regroupées sous cinq points clés :
- Prévenir et faire cesser les conflits
- Respecter les règles de la guerre
- Ne laisser personne de côté
- Travailler autrement pour mettre fin aux besoins
- Investir dans l’humanité
Les discours
Certes, même s’il a été admis par tous les participants que la réponse aux crises est avant tout politique, l’appel de Ban-Ki Moon aux membres permanents du Conseil de sécurité les poussant à prendre leur part de responsabilités pour le maintien de la paix et le soutien aux plus vulnérables n’a pas eu d’écho… La France reste la seule à s’être engagée pour l’encadrement du droit de veto en cas de crise de masse, malgré l’annonce par André Vallini (Secrétaire d’État au développement) de 95 soutiens supplémentaires. Par ailleurs, dans une lettre adressée à l’ONU, Vladimir Poutine a indiqué que les États membres de l’ONU ne seront pas tenus de partager les engagements approuvés par le Sommet…
Au cours de la table ronde consacrée à la protection des normes humanitaires, Jan Eliasson, Vice-Secrétaire général de l’ONU, a insisté sur la nécessité de respecter le droit international, de renforcer la protection des civils, de garantir l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire en temps de conflit et de condamner les violations du droit international. Mais là encore, il n’y a pas eu de réelle avancée.
Comme l’a évoqué Médecins du Monde, une des principales associations françaises d’urgence humanitaire, pour expliquer son absence à Istanbul : Les participants du sommet seront pressés de faire consensus sur de bonnes intentions, non spécifiques, à « respecter les normes ». Le sommet est devenu une feuille de vigne de bonnes intentions, permettant à ces violations systématiques, par les États avant tout, de rester ignorées
Les mesures prises
Plus d’un millier d’engagements ont été pris dans le cadre de sept tables rondes et de 15 sessions spéciales sur les thèmes contenus dans le Programme d’action pour l’humanité. Parmi ceux-ci :
L’éducation ne peut pas attendre
Ce fonds pour mieux coordonner le soutien à l’éducation des enfants et des jeunes touchés par les urgences humanitaires et les crises prolongées visera à apporter une éducation de qualité au cours des cinq prochaines années à plus de 13,6 millions d’enfants et de jeunes vivants dans des situations de crise. 100 millions de dollars ont été promis pour cette initiative par la Coalition mondiale des entreprises pour l’éducation.
Le Grand compromis pour une attribution plus directe des ressources :
- les ONG du sud recevront plus de financements : l’attribution de 25 % des fonds d’urgence à l’horizon 2020 aux opérateurs nationaux et locaux alors que ces derniers ne percevaient que 4 % de ce fonds.
- Les donateurs d’aide humanitaire se sont engagés à réduire les travaux administratifs associés à la gestion des fonds qu’ils octroient.
- Simplification et harmonisation des exigences en matière de reporting d’ici la fin 2018 en réduisant le volume des rapports, en décidant conjointement d’une terminologie commune, en identifiant les exigences essentielles et en développant une structure de reporting commune.
- Planification et financement pluriannuels
Le grand compromis permettra aussi de tester une planification et des financements pluriannuels auprès de cinq pays à l’horizon 2017.
D’autres projets ont été lancés mais sans feuille de route précise comme « Le Partenariat mondial de préparation » qui permettra de mieux préparer 20 des pays les plus susceptibles d’être touchés par des crises, ou « La Coalition un milliard pour la résilience » qui vise à mobiliser un milliard de personnes afin de bâtir des collectivités plus sûres et plus stables dans le monde entier.
Le canevas de la grande réforme attendue est posé. Reste à savoir si l’élan se poursuivra et avec quelle dynamique.