Otages : cette incertaine médiatisation…

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Six otages français sont toujours aux mains d’Aqmi dans le Sahel, sans doute au Mali. A la tribune de l’ONU, lors de l’Assemblée générale de septembre, François Hollande a tenu un discours très militaire, offensif pour dénoncer les groupes terroristes mettant aussi en danger les otages. En France, leurs familles, leurs proches ont décidé de médiatiser leur lutte pour les faire libérer. Une médiatisation qui peut être à double tranchant.

Meudon la Forêt. Région parisienne. 15 septembre 2012. Françoise Larribe, elle même otage d’AQMI pendant 5 mois et demi, enchaine les interviews. Son mari et 3 autres français, tous employés d’Areva à Arlit dans le Nord Niger sont toujours détenus dans le désert. Journaux, télévisions, radios… toute la presse française est présente à cette cérémonie. 2 ans jour pour jour après la prise d’otages, les familles ont fait le choix « difficile » disent-elles, de sortir du silence. «Ce silence n’a pas été utile, on passe à autre chose» explique la fille d’un des otages. Malgré les conseils des autorités et le discours officiel : «pas de bruits, pas de vagues, on négocie», la nouvelle stratégie c’est donc de communiquer. Parler, raconter la détresse, l’attente, lancer des appels, envoyer des messages.

Un changement de stratégie radical

« C’est une décision difficile, ça fait deux ans que l’on se tait et on est toujours divisé sur la marche à suivre » explique l’un des proches d’un des otages : « certains veulent parler, d’autres non. C’est un débat très tendu entre nous car on le sait tous : parler, ça a forcément des conséquences. Bonnes, mauvaises, les deux. C’est compliqué. Aujourd’hui, je suis incapable de vous dire si c’est la solution.» Pour structurer leurs positions, deux porte-parole ont donc été désignés pour parler des otages d’Arlit. Les autres membres d collectif ont des consignes : garder le silence. « La pression sur les familles des otages est immense. Avoir un proche pris en otage, c’est vivre dans un monde de rumeurs » confirme un membre d’Otages du Monde, une association qui soutient les familles « Il y a des divisions entre eux sur la marche à suivre. Certains se sont isolés, d’autres font de la rétention d’informations. Tout ça peut paraître bizarre mais ce qu’ils vivent, c’est un tel calvaire que l’on ne maitrise pas toujours ce que ‘on fait.»

La veille de cette cérémonie de « sortie du silence », les familles ont rendez-vous à l’Elysée. Depuis son élection en mai, François Hollande veut les rencontrer. Les relations sont tendues, il sait que ces familles demandent à l’état français de communiquer, de transmettre des informations. Pour le président, dans ces dossiers sensibles, il n’y a qu’une seule règle : « la discrétion est la plus sage des décisions ».

Conséquence ou non, les familles ne feront aucune déclaration à la sortie de cet entretien et resteront injoignables toute la journée. Sauf pour France 2. Françoise Larribe est l’invitée du 20 heures de David Pujadas. Les autres médias, notamment Radio France Internationale, radio que les otages peuvent entendre, devront attendre. « Nous avons pris nos responsabilités, explique Françoise Larribe, nous n’avons pas de leçon à recevoir ».

Présent à la cérémonie de Meudon, Hervé Ghesquière,  journaliste de France 3 otages des talibans, est lui extrêmement favorable à la communication. Il l’écrit dans un livre sorti récemment dans lequel il raconte les 547 jours de sa détention : «Je me suis toujours dit qu’un otage oublié est un otage mort» explique-t-il «dès le premier jour au fond de notre trou, nous souhaitions de tout cœur une forte médiatisation». Le journaliste ajoute qu’il faut garder le silence au début de la pise d’otages «pour faciliter les tractations avec les ravisseurs mais quand l’affaire s’embourbe il faut commencer à faire du bruit pour stimuler le pouvoir». Interrogé par Ghesquière, Hervé Chabalier, le fondateur de l’agence Capa, va dans ce sens. «J’entends bien ceux qui disent qu’en médiatisant, on prend le risque de faire monter les enchères. Personnellement, je ne le crois pas. Je trouve ce raisonnement idiot».

Raisonnement idiot pour certains mais légitime pour d’autres : « Je suis en vie car la discrétion a été la base de ma libération ». Otage quelques semaines, ce jeune journaliste préfère rester anonyme. « Oui parler ça fait monter les prix. Oui parler ça ralenti les choses. Les négociations pour moi ont été courtes car personne n’a communiqué sur mon cas, personne n’a donné mon nom. A l’époque, ma compagne a mis une pression énorme sur les patrons des médias pour qu’ils ne parlent pas de cette histoire. C’était, j’en suis persuadé, la meilleure chose à faire. Et c’est ce que je conseille aux jeunes journalistes. En cas de prise d’otage d’un proche, silence radio. »

En France, le cas des journalistes semble à part. La profession sait médiatiser, s’organiser. Les 4 otages du Sahel travaillaient au moment de leur enlèvement pour le groupe nucléaire Areva. Si les familles demandent à l’état français de se mobiliser, c’est aussi pour faire pression sur ce géant de l’industrie française qui ne communique jamais sur ce dossier sensible. « C’est un groupe très puissant qui demandait jusqu’à récemment aux familles de se taire » affirme un membre du comité de soutien.

Familles qui ont aujourd’hui décidé de faire sauter ce verrou, de s’exprimer avec un seul objectif en vue: faire libérer leurs proches.

 

Note de la rédaction:

Début octobre, les familles des otages français ont lancé une pétition sur internet pour demander que les noms des otages soient quotidiennement rappelés dans les journaux des chaînes télévisées publiques. Dès les premiers jours d’octobre, la pétition, mise en ligne fin septembre sur le site www.avaaz.org, avait recueilli plus de 2.300 signatures sur un objectif fixé initialement de 3.000 noms. « La situation des citoyens français retenus en otage dans le monde doit être évoquée et rappelée quotidiennement dans les journaux télévisés, comme le furent celles de leurs prédécesseurs journalistes Florence Aubenas, Hervé Guesquière, Stéphane Taponnier, Jean-Louis Normandin, Jean-Paul Kaufmann etc. et non pas une fois par semaine comme c’est le cas actuellement », affirment les familles dans cette pétition.

Mo Dibo

Mo Dibo

Mo DIBO est journaliste indépendant.

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