Dans l’humanitaire aussi, évitons de donner des leçons…

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Y a-t-il une place pour l’action humanitaire en France ?

Expulsion de Roms dans la banlieue grenobloise.
Expulsion de Roms dans la banlieue grenobloise.

La France, « pays des droits de l’homme », « terre d’accueil », pays qui a la meilleure protection sociale du monde, pays des « french doctors », aurait-elle des besoins en termes d’action humanitaire sur son territoire ? Les ONG françaises sont réputées pour leur efficacité à l’étranger lors des grandes crises sanitaires, ce qui permet à l’État français de souvent se reposer sur elles. Le récent et tardif réveil de l’État français sur la maladie d’Ebola en Guinée après neuf mois d’épidémie en est l’exemple récent et pose de vraies questions de responsabilité et d’efficacité. Qu’en est-il en France de l’exemplarité française dans le domaine de l’action humanitaire ?

Les migrants tentent de venir en France pour toutes les raisons invoquées ci-dessus, surtout quand ils fuient les pays en guerre, même quand les Français en sont les protagonistes ; mais quel accueil leur fait-on ? Quelle solidarité ? Quelle protection des populations ?

La France termine la guerre en Afghanistan, la continue en Irak, a failli la faire en Syrie, l’a faite en Libye, mais elle adresse un message fort aux peuples de ces pays : « Attention, restez chez vous, nos armées vous protègent… et puis on ne peut pas vous accueillir. »

On va bien prendre quelques chrétiens d’Irak, quelques centaines sur 400 000… à condition qu’ils aient une famille en France… et puis aussi quelques Syriens, 3000, soit 1 pour 1000 des Syriens réfugiés à l’étranger ; pourtant la Syrie est un ancien protectorat français… et l’Allemagne reçoit 20 000 réfugiés syriens. Certains partis politiques demandent même de renvoyer les bateaux de Syriens qui s’échouent en Italie.

Et puis pourquoi s’inquiéter sur la qualité de l’accueil en France ? Le dernier sondage Gallup vient de montrer que, sur l’échelle du bonheur, les Afghans se déclarent à 71 % heureux alors qu’en France, nous ne sommes que 43 %, soit à la 58e place sur 65.
Le sondage ne précise pas si les Afghans de Calais ont répondu au questionnaire…

Et puis, il y a la population rom qui fait poser beaucoup de questions en lien avec l’action l’humanitaire…

Les « Roms », étymologiquement « homme » en romani, peuvent-ils bénéficier aussi de cet humanitaire qui selon le Larousse « cherche à améliorer la condition de l’homme » ?

Les avis sont partagés : « Attention à l’appel d’air, attention aux trafics en tous genres… » avertit-on.
Pourtant le nombre de Roms n’a pas augmenté depuis 10 ans, soit environ 20 000 en France. Le problème de « l’appel d’air » ne semble pas se poser… Quant à la délinquance, elle existe peut-être, mais aucune étude n’a encore démontré que celle-ci était plus importante chez les Roms que dans d’autres communautés.

Mais c’est vrai que, maltraités comme les Roms le sont dans notre pays, la France ne donne pas vraiment envie…

En 2013, année où la « gauche humaniste » est au pouvoir en France, il y a eu 21 527 expulsions de Roms hors de leur campement… soit plus que sous N. Sarkozy. Et, plus fort encore, ce chiffre est supérieur au nombre de Roms présents sur le territoire ! Un chiffre qui ne peut s’expliquer que par des expulsions multiples des mêmes familles… qui reviendraient sur notre sol pour le seul plaisir de se faire expulser à nouveau… L’hypothèse qu’ils cherchent à échapper à un sort trop effroyable ne semble intéresser personne.

Et puis, on continue à entendre le discours d’élus aux plus hautes responsabilités, députés, ministres, jamais contredits par les médias, qui continuent à confondre les gens du voyage, traditionnellement nomades, vivant souvent en caravane, Français présents sur le sol français depuis des générations avec les Roms roumains, bulgares ou kosovars, migrants récents, qui n’ont jamais été nomades et qui ne bénéficient pas des lois françaises, notamment celles concernant les aires d’accueil réservées aux gens du voyage.

Ces migrants récents, souvent européens mais pas tous, « vivent » en général dans de vrais bidonvilles urbains, sans eau et sans hygiène.

Quelques histoires locales vécues…

Dans l’agglomération grenobloise, 1000 à 1500 Roms sont présents depuis 10 ans. Ils vont et viennent au gré des expulsions par les communes de droite comme de gauche, et le plus souvent sans bénéficier du « recours à l’hébergement d’urgence » garanti (?) par la circulaire Valls d’août 2012.

Dans une des communes communistes de l’agglomération, après avoir fait démolir au bulldozer en 2006 une station dans laquelle des Roms s’étaient réfugiés après une première expulsion, le maire récidive ; il fait expulser en 2008 ces mêmes Roms d’un terrain communal sans autre solution d’hébergement, avec le soutien du préfet et des gendarmes. Ce même maire publiera dans le journal local un article intitulé : « Traitons les Roms avec dignité » où il menace également les fonctionnaires de sa commune qui ont dénoncé ces expulsions…

Dans une autre commune communiste de l’agglomération qui a également coutume d’expulser cette population, une centaine de Roms se sont installés en 2014 sur une aire sans eau ni toilettes, comme cela se passe souvent. Le service hygiène-santé de la ville dont c’est pourtant la mission (la commune reçoit une dotation de l’État très importante versée sans aucun contrôle pour cette mission de santé publique) ne s’occupe pas de ces personnes. Une épidémie d’hépatite virale survient ; aucun acteur du service ne se déplace et n’envisage des mesures de protection, que ce soit sur l’eau, l’assainissement et même la prévention par les vaccinations qui sont également dans leur mission. Les personnes sont vaccinées par le conseil général, puis la ville les fait expulser avec la bénédiction du Préfet de la République.

Certaines familles expulsées de ce campement arrivent alors dans la troisième commune communiste de l’agglomération. Comme elle est située à 5 km de l’ancienne commune, les enfants ne peuvent plus être scolarisés dans leur commune initiale ; le maire de la nouvelle commune refuse, malgré l’obligation légale, de scolariser ces enfants, puis devant la pression des associations, exige alors d’eux une radio des poumons ! Mais bien sûr, ce n’est pas de la discrimination… Par ailleurs, les enfants n’étant plus scolarisés, les familles ne reçoivent plus d’allocation du conseil général ; merci Monsieur le Maire.

La commune centre, Grenoble, passée en 2014 sous mandat écologiste et citoyen a maintenant une politique différente de la précédente municipalité « socialiste » ; elle fait en sorte d’héberger le plus correctement possible les Roms expulsés… ce qui est plus conforme à la circulaire Valls, mais contrarie Monsieur le Préfet qui doit avoir d’autres ordres et craint l’éternel « appel d’air »… Quelle aubaine pour les autres communes de l’agglomération qui en profitent pour donner les bonnes adresses grenobloises à leurs Roms expulsés… et se débarrasser de cette « population qui occasionne des nuisances graves » ainsi qu’ils la décrivent dans un courrier cosigné par quatre maires de l’agglomération, dont un député-maire socialiste, un maire communiste, un maire UMP et un maire socialiste.

Et que dit le gouvernement « de gauche » vis-à-vis de cette population ?
Manuel Valls en 2013, sur la place des Roms en France : « les Roms ont vocation à retourner dans leur pays et à s’intégrer là-bas. »
Manuel Valls en 2015, à propos du refus du maire d’une commune d’attribuer une concession dans le cimetière communal pour un bébé rom décédé : « c’est une injure à ce qu’est la France ! »… Mais au fait, avant, quand ce bébé était vivant, ses conditions de vie en bidonville, les conditions de la grossesse de sa mère, les expulsions, ce n’était pas « une injure à ce qu’est la France », Monsieur le Premier Ministre ?

Faut-il penser qu’un bon Rom est un Rom mort… ou que le seul territoire qui puisse leur être attribué légalement se trouve dans les cimetières, et encore, quand ils sont morts ?

 

Patrick Baguet

Patrick Baguet

Patrick Baguet est médecin de santé publique et membre de plusieurs ONG médicales et de droits de l’homme.

Patrick Baguet

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