Humacoop, Côte d’Ivoire : une nouvelle répartition des ressources et des compétences

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Humacoop Côte-d'IvoireBasée à Grenoble, l’association Humacoop propose depuis 1996 des formations à destination des professionnels à l’exercice de leurs compétences dans le cadre de missions humanitaires. Devant la demande de plus en plus élevée de candidats venus d’Afrique de l’Ouest, notamment de Côte d’Ivoire, Humacoop a décidé de proposer ses formations à Abidjan dès 2012.

Si les années 1990 ont vu naître un certain nombre d’ONG en Côte d’Ivoire, c’est en 2002 au moment de la première crise politico-militaire que la plupart ont toutefois été créées – la Fédération des ONG de développement de Côte d’Ivoire (Fedoci) regroupe aujourd’hui quelque 886 ONG et associations ivoiriennes. Les organisations internationales ont elles aussi commencé leur action à cette même période trouble pour le pays qui a connu un nouveau tournant tragique après les élections présidentielles de 2010. Depuis, la société civile ivoirienne est consciente de la nécessité de s’approprier le destin de son pays et a choisi l’action à l’attentisme. Objectif ? Être un pays émergent en 2020. Pour cela, il faut agir, apprendre, s’enrichir humainement, confronter ses compétences, se remettre en question, se stimuler intellectuellement, professionnellement, se montrer sans cesse curieux… Et c’est sans doute pour toutes ces raisons que de plus en plus de candidats ivoiriens s’intéressent depuis plusieurs années aux formations proposées par Humacoop.

Une histoire de rencontres

Comme toujours, aux origines d’un projet, l’on retrouve des rencontres et le développement de Humacoop en Côte d’Ivoire ne déroge pas à la règle. Le docteur Joseph Soya, chargé d’études à la direction générale de la Santé de Côte d’Ivoire, vient en 2011 suivre une formation à Grenoble. Des échanges avec Joseph Dato, le directeur de Humacoop, et de Marie Metz, chargée de développement de l’association, ressort cette envie, ce besoin presque, de mettre en place des formations à Abidjan. Le constat est en effet simple : les Ivoiriens sont de plus en plus nombreux à s’inscrire aux formations de Grenoble mais nombre d’entre eux doivent toutefois y renoncer devant la difficulté à obtenir un visa et à financer leur voyage. L’évidence est là : si les Ivoiriens ne peuvent pas aisément venir à Humacoop, alors Humacoop viendra à eux.

C’est ainsi qu’en avril 2012, l’association grenobloise propose sa première formation en Médecine humanitaire (actuelle Santé et humanitaire), grâce à la collaboration sur place du Dr Joseph Soya, du Dr Thomas Biérou, chef de service du Centre de Transfusion Sanguine de Bouaké et également ancien participant d’une formation à Grenoble, et de Pascale Blanchetière, alors chef de mission de Médecins du Monde à Abidjan. Cette première session est très vite suivie, en juillet 2012, d’une formation en Gestion de projet humanitaire qui remporte elle aussi un vif succès auprès des participants et qui confirme un besoin naissant et prégnant de formations dans ce domaine de compétences en Côte d’Ivoire.

Les pionniers des deux premières sessions devant suivre des routes ne leur laissant que peu de temps pour continuer l’aventure, il a fallu ensuite attendre août 2014 avant qu’une nouvelle formation en Gestion de projet humanitaire soit proposée à Abidjan. Vingt-trois participants répondent alors à l’appel, dont deux Françaises venues spécialement de France pour suivre cette formation. Clin d’œil symbolique d’une nouvelle répartition géographique des ressources et des compétences.

Parmi les participants, Martial Gbamele, ingénieur en gestion de l’humanitaire et développement, qui affirme immédiatement son adhésion au projet – il est d’ailleurs nommé secrétaire général de la formation par les participants puis plus tard secrétaire général de la Représentation ivoirienne de Humacoop – et sa volonté personnelle de développer l’action de Humacoop en Côte d’Ivoire. L’aventure peut alors se poursuivre et commencer à conjuguer ses actions au futur. Grâce à l’aide de Martial Gbamele sur place, trois formations ont ainsi pu être organisées en 2015 : « Gestion financière des projets de solidarité internationale », « Gestion de projet humanitaire » et « Santé et humanitaire ».

Après avoir collaboré avec le CIDD (Centre International pour le développement du Droit) en 2012, c’est avec le CCM (Country Coordinating Mechanism – instance de coordination nationale des subventions du Fonds mondial de lutte contre le VIH/Sida, la tuberculose et le paludisme) que Humacoop a établi un partenariat depuis 2014, grâce à la bienveillante implication de la présidente, le Dr Djeneba Ouattara, et de Pulcherie N’Guessan, l’assistante administrative. Ce partenariat est là encore le fruit d’une rencontre, celle de l’un des anciens participants à une formation grenobloise, le Dr Amara Sangaré, et de l’équipe française de Humacoop.

Réseau sans frontières

Depuis la crise électorale de 2010 qui a fait 3000 morts, le pays tente de panser ses plaies et de résolument regarder vers l’avant, vers 2020 qui doit couronner les efforts conjugués de chacun pour mener son pays vers une émergence voulue certes politiquement et économiquement mais également socialement. Alors tous, à leur niveau, s’approprient ce but et dans tous les domaines, l’on retrouve une volonté d’apprendre, d’échanger, d’absorber, de se nourrir de méthodes différentes. Naturellement conscients d’une complémentarité entre une manière de faire « occidentale » et une vision « africaine », les Ivoiriens savent qu’ils ne pourront prétendre à une conquête de leur destin que par une ouverture d’esprit et une grande curiosité vers l’autre, quel qu’il soit. Ainsi lors des formations, ce qui prime, c’est la qualité de l’échange, entre formateurs et participants certes mais aussi entre participants. Les uns viennent du domaine public, d’autres de petites structures, d’autres encore de grosses ONG comme la Croix-Rouge, Médecins du Monde, Norwegian Refugee Council, etc., sans parler de ceux qui souhaitent compléter leur parcours par une connaissance du milieu humanitaire. Tous sont, quoi qu’il en soit, présents dans un même but : apprendre de l’autre.

Le contenu des formations est porté par des intervenants français et ivoiriens qui affichent tous une expertise solide dans leur domaine d’intervention et particulièrement saluée par les participants. Mais au-delà, ces derniers apprécient aussi la bonne ambiance empreinte de respect et d’écoute qui règne dans chacune des formations Humacoop. Beaucoup des participants restent ensuite en contact, deviennent amis, initient un réseau vertueux, personnel mais aussi professionnel, reviennent suivre d’autres formations, s’investissent à leur niveau dans le développement des actions de Humacoop en Côte d’Ivoire. Et c’est bien là tout l’esprit de Humacoop. Tout apprentissage serait vide de sens sans un contexte humain stimulant et pérenne.

Peu à peu, des candidats de la sous-région viennent participer aux formations à Abidjan, chacun revendiquant légitimement la nécessité d’en organiser dans son pays d’origine. Si 2016 sera l’année de la consolidation des actions de Humacoop à Abidjan, elle sera aussi l’année de la réflexion afin d’établir à terme un programme de formations dans toute la région et pourquoi pas penser à un Humacoop Afrique ?

 

Karine Drouet

Karine Drouet

Karine Drouet est Présidente de la Représentation de Humacoop en Côte d’Ivoire.