Le média en Syrie peut-il être le miroir de la réalité?

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journaliste en syrie

Depuis toujours, l’homme a eu besoin de chercher la vérité et d’être au courant de tout ce qui se passe autour de lui, ce qui a fait du média l’oreille par laquelle il entend et l’œil par lequel il voit. De ce fait, ces derniers ont toujours eu un rôle déterminant dans le changement et la construction de la société.

Mais cela n’a jamais été le cas pour les médias syriens, car leur seul rôle a toujours été de polir l’image du régime et rien d’autre. En fait, depuis 1963, aucun journal indépendant n’a vu le jour en Syrie. La première tentative a eu lieu en 2000 avec la publication du journal Al Domari par l’artiste syrien Ali Farzat, mais malgré les promesses de Bachar al-Assad, Al Domari s’est arrêté par une décision judiciaire en 2003.

Sous le régime baasiste, le journaliste est un simple employé qui prend les titres de ses articles des services de renseignement du régime, et reçoit une somme équivalente à six dollars pour chaque reportage ou un salaire mensuel misérable. Les médias syriens, outils de diffusion de l’idéologie baasiste, sont restés pendant très longtemps fermés, isolés et contre le pluralisme et la liberté, ce qui a poussé beaucoup de journalistes qualifiés à quitter la Syrie, à la fin des années 90, pour travailler dans les grands médias arabes.

Depuis le début de la révolution syrienne en mars 2011, on remarque la division des médias en deux camps : les médias pro-régime et les médias libres. On constate donc que pour les médias syriens, il y a un avant et un après la Révolution.

Les médias pro-régime, totalement déconnectés du peuple, ont refusé de dire la vérité et ont décidé de mentir jusqu’à ce qu’on les croie. Au début de la révolution, ils ont nié l’existence des manifestants issus du mouvement civil et les ont accusés d’avoir agi sous l’effet de la drogue ou d’avoir reçu de l’argent des autres pays pour semer le trouble en Syrie.

Le régime syrien a interdit aux médias internationaux et indépendants d’entrer dans le pays, afin de cacher la réalité et de continuer à mentir. Pour justifier ses actes barbares contre le peuple syrien, le régime a inventé des scénarios et a fabriqué de faux complots terroristes comme l’explosion du quartier Al Midane à Damas en 2012 où la mise en scène était tellement mauvaise que les caméras ont filmé, par erreur, les protagonistes en train de distribuer le sang dans les lieux de l’explosion présumée.

La déontologie journalistique est totalement oubliée comme par exemple lors du reportage réalisé par la chaîne privée pro-gouvernementale, Al-Dounia, où une journaliste a interrogé une fille âgée de 5 ans près du cadavre de sa mère…

Indépendance et professionnalisme,
des défis majeurs pour la presse dite « libre »

La presse syrienne libre commence à exister en utilisant principalement les réseaux sociaux sur internet. Ce secteur a attiré beaucoup de jeunes syriens qui sont devenus correspondants des médias locaux et arabes, l’entrée en Syrie étant devenue difficile et dangereuse pour les journalistes professionnels. Les journalistes font chaque jour face au danger. Ils sont des cibles d’attaques et peuvent être enlevés et tués par les groupes terroristes et par les Shabiha, la milice proche de Bachar Al Assad.

Selon l’organisme Reporters sans frontières, la Syrie est le pays le plus dangereux au monde pour les journalistes, car pendant ces quatre dernières années, 469 journalistes ont été tués en Syrie selon le réseau syrien des droits de l’Homme. Parmi eux, 400 ont été tués par les forces du régime de Bachar Al Assad, dont 30 sont morts sous la torture. Enfin, 1030 journalistes ont été kidnappés.

Cependant, ces médias libres nés dans des circonstances extrêmes sont confrontés à des difficultés et à des faiblesses. Même si l’on compte des dizaines de journaux et de magazines en Syrie parmi la presse libre, il est difficile d’avoir une information fiable, car certains d’entre eux sont parfois influencés par leurs sources de financement. Un autre point de faiblesse est le manque d’expérience des journalistes. En effet, malgré une progression remarquable pendant ces 4 dernières années, la plupart d’entre eux n’ont pas de formation spécifique au journalisme.

De ce fait, pour arriver à un niveau de professionnalisme satisfaisant, la presse syrienne libre doit faire des efforts au niveau des formations et de l’indépendance financière pour lui permettre d’échapper à l’influence politique.

Le Centre de Presse Syrien, pour une information indépendante et libre

C’est dans ce contexte que le Centre de Presse Syrien SPC a été fondé en avril 2015 par un groupe de jeunes Syriens.

Le SPC est basé à l’intérieur du territoire syrien. C’est un centre qui défend la liberté d’informer et d’être informé. Il vise à fournir au monde des informations indépendantes sur les événements qui se déroulent en Syrie et à diffuser vidéos et photos de tous les événements qui se produisent là-bas en respectant les normes éthiques et professionnelles les plus élevées.

Le SPC effectue aussi des formations web gratuites pour les jeunes Syriens et Syriennes ainsi que des stages dans le domaine des médias. Il joue un rôle important pour aider à la transformation de la société dans ces zones, car il participe via ses différentes plateformes et sur le terrain à diffuser les principes de la liberté et de la démocratie.

Le groupe du SPC est formé d’une trentaine de personnes, toutes bénévoles, qui assurent depuis six mois le bon fonctionnement du centre avec une grande réussite, ce qui montre qu’ils répondent au besoin de confiance et de crédibilité dans le public. Par exemple, la page Facebook du SCP a environ 800 000 fans et le nombre des visiteurs du site web SCP dépasse parfois les 200 000 par jour.

Cet organe de presse constitue une base importante pour défendre la liberté de la presse et la liberté d’expression dans la Syrie libre et pour diffuser les idées de la démocratie face aux extrémistes de tous bords, religieux comme politiques. Le groupe du SPC porte son rêve avec peu de moyens pour défendre la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias face aux pressions et à la violence auxquelles les journalistes sont soumis sur cette zone de conflit.

 

Ahmad Al Ahmad

Ahmad Al Ahmad

Ahmad Al Ahmad est Directeur du Syrian Press Center.

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