L’impact du conflit syrien sur les secteurs du logement et des villes

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État des lieux et prolégomènes pour la reconstruction

Le conflit syrien est entré dans sa quatrième année. Il s’agit d’une des crises majeures du Moyen-Orient dont il est difficile, en raison de la situation confuse sur le terrain, de saisir pleinement toute la portée. Il s’agit pour nous de présenter l’état de la situation et d’opérer ainsi un premier diagnostic sur l’étendue du conflit armé. Pour pouvoir le faire, il a été nécessaire de confronter les rares données existantes en provenance de Syrie même, celles fournies par les Organisations Non Gouvernementales ainsi que celles en provenance des agences Onusiennes qui s’efforcent de recueillir toutes données susceptibles de fournir un cadre intelligible d’analyse de la situation donnée.

Notre présentation abordera les points suivants : le contexte général en Syrie après quatre années de conflit armé ; l’analyse démographique et les indicateurs urbains avant le conflit ; la performance du secteur du logement en Syrie avant la crise ; l’ampleur des dommages estimés et l’impact du conflit sur le stock résidentiel ; la rupture entre les besoins et l’offre de logements et les besoins d’habitat d’urgence à moyen et long terme. Ce n’est qu’une fois ce bilan dressé qu’il sera possible de s’interroger sur le contexte et les démarches à promouvoir pour faire face aux conséquences du conflit. Nous présenterons dans un dernier temps les objectifs stratégiques pour le secteur du logement en 2025. Il sera alors opportun de s’interroger sur les options et les politiques du logement à promouvoir dans le court terme de l’urgence et dans les moyens et longs termes.

Le contexte général syrien après quatre années de conflit armé

Le contexte général est celui d’une dégradation continue des conditions d’existence en raison de l’importance du conflit dans le temps. Quelques chiffres permettent d’en percevoir les données principales. En mars 2011, avant l’engagement du conflit, le nombre total de la population de Syrie était de 21,4 millions d’habitants.

Après approximativement quatre années de conflit, soit à la date du 22 janvier 2015, ce ne sont pas moins de 12,2 millions d’habitants qui requièrent une aide humanitaire. À cette date, le bilan est le suivant : 7,6 millions de personnes ont été déplacées ; 4,8 millions d’habitants résident dans des zones devenues inaccessibles ; 12,6 millions d’habitants vivent dans une grande pauvreté ; 4,4 millions d’habitants vivent dans une extrême pauvreté.

À la date du 5 décembre 2014, le nombre des réfugiés est évalué selon les organisations internationales à hauteur de 3 252 243 personnes, et à la date du 5 février 2015, la barre des 3 809 339 réfugiés est franchie. Les derniers chiffres à notre disposition, ceux du 2 mars, portent sur 3 828 035 réfugiés. Ces chiffres permettent d’observer une croissance continue d’environ 100 000 réfugiés supplémentaires par mois. Ainsi peut-on parler d’environ 278 000 réfugiés entre décembre 2014 et février 2015. Le nombre de réfugiés dans les pays voisins à la Syrie dépasse début 2015 les 3 millions de personnes.

Ce court bilan des désastres immobiliers témoigne du fait que la crise syrienne représente bien une des plus grandes crises majeures humanitaires du début du XXIe siècle. Cette guerre de quatre années a produit plus de 210 000 morts et au moins un million de blessés, chiffre encore provisoire puisqu’il n’établit le décompte que jusqu’au mois de janvier 2015.

Cette crise humanitaire moderne revêt néanmoins des caractères déjà connus dans des crises de moins grande intensité mais similaires sur le plan des guerres fratricides au sein d’États en décomposition. En premier lieu, elles opposent le monde rural au monde urbain. Le conflit a logiquement débuté dans les villes en raison de la densité des populations, des enjeux de gestion de ressources économiques mais aussi en raison de la densité des institutions représentatives du pouvoir et du gouvernement syrien.

Dans les premiers temps, elle peut être définie comme une « guerre de rues » soit une guerre menée de part et d’autre de lignes de combat plus ou moins mouvantes. L’engagement de plus en plus conséquent des parties adverses dans un conflit mobilisant toujours plus de ressources explicites – comme il en fut le cas dans d’autres contextes, tel le Liban de la guerre civile et de la guerre internationale – a provoqué le passage d’une guerre de rues à une « guerre des villes ». La mobilisation des ressources, la nécessité de construire des territoires d’approvisionnement des fronts ont transformé les villes syriennes en théâtres stratégiques des conflits.

La guerre des villes s’est installée dans le temps. Elle oppose à une extrême mobilité des lignes de conflits une guerre structurée en profondeur dans laquelle les villes sont à la fois ressources et otages des actes de guerre. Les populations civiles demeurées sur place sont du reste fortement éprouvées par la nature des combats et des conquêtes et reconquêtes des groupes armés. Damas, Alep et Homs mais aussi de plus petites villes sont devenues au fil du temps de véritables champs de bataille ininterrompus. Les combats se concentrent dans les quartiers urbains à forte densité de population. L’impact humain de ce désastre est de grande ampleur. Les destructions affectent personnes et biens. La Syrie est entrée dans une phase de destruction et de déstructuration avancée.

Au fil du temps, les objectifs militaires se sont déplacés d’une guerre classique vers la destruction de ressources vitales : des hôpitaux, des écoles, des maisons, des services publics. Le patrimoine architectural et les sites religieux ont été fortement endommagés. Les systèmes urbains sont désormais effondrés. L’économie urbaine est totalement détruite. Les villes ne sont plus que des champs de ruines.

L’analyse démographique et les indicateurs urbains avant le conflit

Ces impacts sont d’autant plus destructeurs sur le plan de la population qu’ils sont à mettre en perspective avec les travaux réalisés par l’Office Central de la Statistique en Syrie qui en 2010 rappelait que la croissance de la population demeurerait forte, comme elle le fut au cours des périodes précédentes. La hausse annuelle de la population entre 1994 et 2004 fut de plus de 414 000 personnes ; entre 2004 et 2010, de plus de 450 000 personnes ; et entre 2004 et 2014, de plus de 475 000 personnes. Le taux annuel de croissance de la population est estimé à 2,3 %. L’augmentation annuelle de la population est estimée jusqu’en 2025 à 500 000 personnes par an.

La guerre marque durablement le cadre démographique syrien en termes de population. Rappelons que dans le contexte dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui, la population totale de Syrie devrait avoisiner les 5 millions d’habitants en 2025 alors que la population totale aurait avoisiné les 28 millions d’habitants en 2025.

evolution de la population syrienne

Figure 1. Évolution de la population syrienne de 1960 à 2014. Source : Roula Maya d’après les estimations du Bureau Central des Statistiques.

Les chiffres donnés pour 2014 sont les chiffres théoriques. Ils s’appuient sur les estimations de l’Office Central de la Statistique en conformité avec les taux de croissance de la population. Selon toute vraisemblance, le nombre de personnes présentes en Syrie devrait être inférieur. Le nombre de réfugiés dans les pays voisins est de l’ordre de 3 millions de personnes au début de l’année 2015.

Le territoire syrien souffre par ailleurs de contraintes qui ne sont pas propres à la guerre. Il s’agit de contraintes structurelles liées à l’histoire et la géographie même de la Syrie et aux conditions de son développement. La répartition des ressources humaines dans les gouvernorats syriens n’a jamais été équilibrée. Elle ne traduit guère la réalité du potentiel des ressources naturelles existant dans la région. De fait, la hiérarchisation des villes syriennes dans le territoire est loin de procéder d’une logique de rationalité construisant un territoire harmonieux et structuré par une hiérarchisation logique des espaces.

population des gouvernorats en Syrie

Figure 2. Nombre de personnes en Syrie par gouvernorats, selon les estimations de janvier 2011. Source : Roula Maya d’après les estimations du Bureau Central des Statistiques.

Il existe d’importants déséquilibres dans le réseau urbain existant. Ces ruptures d’échelles engendrent des impacts et externalités négatives au niveau du développement social et du développement économique. Elles rendent compte de la difficulté à concevoir une politique d’aménagement durable du territoire syrien. Comme bien d’autres territoires des pays du Moyen-Orient, l’urbanisation rapide a pris le pas sur le développement des territoires ruraux et des zones frontalières.

taux d'urbanisation dans les régions syriennes

Figure 3. Taux d’urbanisation selon les régions syriennes. Source : Roula Maya d’après les estimations du Bureau Central des Statistiques.

La densité de population la plus élevée dans les zones peuplées est dans le gouvernorat de Damas. En 2004, on dénombre 77 600 habitants au km². Il existe une grande disparité dans les niveaux de densité de population d’un gouvernorat à l’autre.

densite de population en syrie

Figure 4. La densité nette de la population dans les zones peuplées selon les gouvernorats en 2004. Source : Roula Maya d’après les estimations du Bureau Central des Statistiques.

La performance du secteur du logement en Syrie avant la crise

53 % du stock résidentiel est présenté dans quatre gouvernorats : Alep, Homs, Rural Damas et Damas. La production du logement en Syrie est historiquement basée sur trois types d’acteurs principaux : le secteur public qui a produit 2 % de logements, le secteur coopératif et le secteur privé qui ont produit 98 % des logements.

Le secteur du logement a enregistré un taux de croissance de 11,8 % entre 2000 et 2008. Les dépenses cumulatives dans le secteur du logement en 2008 ont été de 94 958 000 000 S.P., soit 1 899 160 000 dollars US.

evolution logements syrie

Figure 5. Évolution du nombre de logements en Syrie entre 1970 et 2010. Source : Roula Maya d’après les estimations du Bureau Central des Statistiques.

Il faut néanmoins observer que la question du logement en Syrie se heurte au déploiement d’un important secteur informel dans l’ensemble des gouvernorats syriens. Les zones d’habitat informel se sont développées en périphérie des grandes agglomérations urbaines. Elles posent des difficultés de gestion sociale particulièrement importantes.

répartition des logements syrie par gouvernorats

Figure 6. Répartition de logements selon les gouvernorats en 2010. Source : Roula Maya d’après les estimations du Bureau Central des Statistiques.

L’ampleur des dommages et l’impact du conflit
sur le stock résidentiel

Le secteur du logement est un des secteurs les plus touchés par le conflit armé et ses violences. Les zones urbaines sont devenues de véritables champs de bataille explicitant la destruction massive des logements détruits, pillés ou simplement abandonnés dans les zones de combats.

Les dommages sont estimés de la manière suivante : 400 000 logements ont été totalement détruits à la fin 2012. Le chiffre atteint les 791 352 logements à la fin 2014. 4 352 436 personnes ont été privées de leur domicile. 300 000 logements ont été partiellement détruits à la fin 2012. Fin 2014, le chiffre atteint les 565 251 logements. 3 108 880 personnes en ont été affectées. Entre 10 % et 15 % des stocks résidentiels sont endommagés chaque année. Environ 45 % du stock résidentiel syrien est aujourd’hui devenu obsolète.

Les trois principaux gouvernorats ­– Homs, Alep et Rural Damas (groupe A) – cumulent les destructions les plus importantes. Les villes ont été directement impactées par la guerre. Les zones de conflits se sont en effet déployées sur 70 % de leur territoire. En 2011, le gouvernorat d’Homs comprenait 1 763 000 habitants pour un total de 356 000 logements. 35 % du parc de logements a été totalement détruit ­– soit 89 433 logements ­– et 25 % du parc de logements – soit 63 881 logements – sont aujourd’hui partiellement détruits. Il faut encore ici ajouter les dommages causés aux infrastructures détruites à 40 %. Autour de 500 000 personnes ont donc perdu leur logement.

dommages logements syriens

Figure 7. Estimation des dommages dans le secteur du logement selon les gouvernorats syriens à la fin 2014. Source : Roula Maya à partir des analyses du secteur du logement.

La situation n’est guère plus rassurante en ce qui concerne le gouvernorat d’Alep estimé à 4 744 000 habitants en 2011. Le parc de logements est estimé en 2010 à 848 534 logements. 35 % du parc de logements y est totalement détruit – soit 222 740 logements – et 25 % du parc de logements y est partiellement détruit – soit 159 100 logements. 1 225 000 habitants ont perdu leur logement.

Pour leur part, les gouvernorats d’Idlib, Raqqa, Deir al-Zour, Daraa, Hama, Al Hasakeh (groupe B) ont vu les conflits affecter environ 60 % des territoires. Enfin, il est possible de classer dans une dernière catégorie les gouvernorats de Damas, Lattaquié, Tartous, Al Swaida et Al-Quneitra (groupe C) qui présentent des destructions portant entre 5 % et 30 % de leur territoire. Même si les dégradations sont en effet moindres que dans les deux catégories précédentes, il n’en reste pas moins que l’afflux massif des populations réfugiées sur ces territoires conduit à une forte pression de fonctionnement sur les infrastructures et les services. Les conditions de vie y deviennent également précaires.

estimation dommages logements syriens selon gouvernorats

Figure 8. Estimation des dommages dans le secteur du logement selon les gouvernorats syriens à la fin 2014. Source : Roula Maya à partir des analyses du secteur du logement.

La rupture entre les besoins et l’offre de logements et
les besoins d’habitat d’urgence à moyen et long terme

Les écarts particulièrement importants entre les besoins en logements et la réalité de la situation difficile présente s’expliquent par deux données fondamentales :

  • le déficit en matière de production de logements pendant la paix ;
  • le déficit cumulé lié à quatre années de conflit armé.

Fin 2014, compte tenu du conflit, le stock de logements disponible est estimé à 3 337 707 logements. Compte tenu des perspectives démographiques de la Syrie dans le cadre d’un retour à la paix, les besoins nécessaires pour la population sont de l’ordre de 5 538 941 logements. L’objectif principal porterait donc sur la nécessité de pouvoir bâtir 2 201 234 logements d’ici 2025.

Le gap résidentiel, les besoins d’habitat
d’urgence à moyen et long terme

La demande de logements en Syrie est basée principalement sur la croissance de la population, ce qui crée le besoin de logements, et aussi sur la nécessité de compenser la détérioration de logements résultant de la prescription, les logements nécessaires pour réduire la surpopulation dans les unités résidentielles, ainsi que le remplacement de logements dans des quartiers informels. En fait, le taux de croissance annuel de la population pourrait donner la nécessité du logement en Syrie : le taux de croissance annuel de la population est de 2,3 %, de sorte que la hausse annuelle de la population est estimée à 500 000 personnes par an en moyenne jusqu’en 2025.

Dans ce contexte, le nombre nécessaire de logements jusqu’en 2025 pour répondre à la demande de la croissance de la population en Syrie est estimé à 1 million de logements pour une population totale d’environ 28 millions de personnes en 2025.

Le nombre de logements requis jusqu’en 2025 est de 2 201 234 unités résidentielles selon le calcul suivant :

Nombre de logements nécessaires = A +B + C + D

A = 1 000 000 logements pour répondre à la croissance démographique ;

B = 90 000 logements pour la réserve ;

C = 320 000 logements pour compenser la dépréciation des biens existants ;

D = 791 234 logements pour compenser les logements totalement détruits.

Nombre de logements nécessaires = 1 000 000 + 90 000 + 320 000 + 791 234

= 2 201 234 logements.

Les dix défis suivants sont à relever en matière de politique du logement :

  • La diminution de 19 % du stock résidentiel résultant de la destruction totale des logements.
  • La détérioration de 14 % du stock résidentiel résultant de la destruction partielle de logements.
  • La détérioration de 21 % de l’infrastructure urbaine liée au secteur de l’habitat.
  • La demande de logements en réponse à la croissance de la population, soit 128 180 logements par an.
  • La dévalorisation des logements due à la faiblesse des investissements en matière de maintenance.
  • La détérioration des conditions de logement dans l’habitat informel.
  • La faiblesse du cadre réglementaire juridique en matière de propriété et de mise en œuvre d’une politique de la construction.
  • La faiblesse des ressources financières pour la reconstruction et la réhabilitation des logements.
  • La faiblesse de la performance administrative pour construire le cadre de gestion des projets de reconstruction et de construction.
  • L’inadaptation des structures administratives aux nouveaux de la production de logements.
  • La faiblesse des outils de la planification urbaine et des filières techniques de la construction du logement.

L’approche méthodologique pour résoudre les questions de destructions

La relation entre désastres de guerre, gestion post-conflit et reconstruction relève d’une logique complexe. Il est clair que le retour à la paix relève le plus généralement d’un préalable nécessaire pour construire les conditions de retour à la paix. La reconstruction de logements et la mise en œuvre d’une politique de reconstruction des villes sinistrées n’ont de sens que dans une logique de restauration de la paix. Tous les exemples de reconstruction en situation même de conflits ont montré leurs faiblesses chroniques : difficultés d’approvisionner les chantiers en matériaux, impossibilité de reconstruire sur les lieux mêmes de combats, difficultés financières pour penser à la fois la poursuite de la guerre et l’amorce d’un projet de reconstruction sociale, politique et urbain.

Les guerres, comme les catastrophes naturelles et anthropiques, peuvent provoquer des dommages irréversibles de grande échelle qui privent la reconstruction de tous les territoires nécessaires au redéploiement d’une vie sociale de paix et de prospérité.

Néanmoins, toute catastrophe militaire doit engager une nouvelle réflexion sur le plan du développement durable. Les catastrophes et les guerres, malgré leurs impacts négatifs circonscrits dans le temps et l’espace, peuvent offrir aussi des possibilités de développement durable. Les besoins de secours et de reconstruction durable exigent une gestion temporelle de long terme qui facilite à la fois le sauvetage des individus et de leurs biens, la réadaptation et l’intégration des populations dans un dessein collectif. Il s’agit donc bien plus de long terme que de court terme. Ces dispositifs à concevoir ne sauraient néanmoins exclure les enjeux du cours terme de « retour à la normale ».

Le nombre et la nature des conflits armés ont considérablement changé ces dernières années. Les conflits d’aujourd’hui sont pour la plupart des conflits infra-étatiques par opposition aux anciens conflits interétatiques. Le droit de la guerre et le droit humanitaires sont absents. Les guerres ne sont plus sur les champs de bataille entre armées professionnelles, mais sont souvent menées dans les villes et villages par des milices sans traditions militaires, tirées par des idéologies religieuses reliées à des enjeux de prédation économique, financière et sociale.

Si les réponses à promouvoir peuvent être diversifiées en fonction de la hiérarchisation des priorités à 5, 10, 15 ou 20 ans, il n’en demeure pas moins que les réflexions sur la planification des villes et la reconstruction des logements détruits et obsolètes doivent être immédiatement lancées. Elles participent des apports conceptuels, théoriques et pratiques qui faciliteront, une fois la paix revenue, l’engagement immédiat des opérations de reconstruction. Selon la méthodologie proposée par l’UN-HABITAT il s’agira donc de procéder de la manière suivante :

  • L’immédiat est de l’ordre de l’anticipation. Il s’agit d’évaluer les risques, la menace sur l’habitat et la ville, et de penser les outils techniques nécessaires de la reconstruction.
  • La pensée de la guerre et de ses destructions en cours : Il s’agit d’évaluer la destruction de maisons, des infrastructures et des ressources, le déplacement des populations, la perte des moyens de subsistance, les pertes des actifs des ménages. Les secours d’urgence relèvent de cette phase d’analyse préalable à l’action de reconstruction. En se saisissant de l’urgence, il est aussi possible d’évaluer les enjeux à moyen et long terme et de réfléchir notamment aux questions de coordination des efforts au plan international en lien avec la conceptualisation des programmes locaux de reconstruction et de développement.
  • Avec le retour à la paix, peut pleinement s’engager directement la phase opérationnelle de reconstruction.

La vision et les objectifs stratégiques pour le secteur du logement en Syrie en 2025

Compte tenu de l’analyse des incidences du conflit syrien en matière de destruction et des besoins nécessaires pour suturer la situation passée dans le champ des villes et du logement, il apparaît essentiel de fixer comme cadre préalable d’action la nécessité d’assurer un logement décent pour tous les habitants de la Syrie, mais également de participer pleinement à un développement plus équilibré et durable du territoire de telle sorte que l’intégration et la continuité sociale et spatiale puissent être assurées entre les zones rurales et les zones urbaines et entre les petites villes et les métropoles régionales. Dans cette logique, l’approche en matière de durabilité des territoires devrait porter à la fois sur le logement mais aussi sur les enjeux de mixité sociale, de justice spatiale et d’équité territoriale afin de parvenir à une plus grande mixité fonctionnelle de systèmes urbains hiérarchisés et plus équilibrés.

Tout en assurant la conformité avec les systèmes législatifs et juridiques pour garantir les droits privés et publics et fournir un moyen de financement durable pour assurer les services urbains intégrés, il faut parvenir à reconstituer les infrastructures matérielles des routes et ponts, les infrastructures sanitaires et sociales, celles de l’éducation et aussi celles de l’économie même si au demeurant la reconstruction – à l’image de toutes les reconstructions – est un formidable vecteur de développement de croissance et d’emplois.

Dans ce contexte, les objectifs stratégiques peuvent être développés pour répondre aux besoins d’urgence, à moyen terme et à long terme. Il s’agit de fournir un habitat pour tous et d’améliorer les conditions de logement et les moyens de subsistance. Il s’agit également de renforcer les capacités institutionnelles des acteurs potentiels selon les buts suivants :

  • Fournir 56 080 unités de logement mobile temporaire avec leurs services pour les personnes déplacées qui ont perdu leurs logements. L’objectif est de fournir un foyer pour chacune des 336 000 personnes par an qui de retour des camps situés dans les pays avoisinants ne disposent plus d’aucun domicile en Syrie.
  • Entretenir, réhabiliter le parc du logement formel touché par les destructions. Cela représente 565 296 logements à l’horizon 2020, avec une production moyenne de 100 000 logements par an.
  • Entretenir et restaurer l’infrastructure et les services urbains sous réserve d’inventaire plus conséquent des destructions.
  • Reconstruire 791 234 logements jusqu’en 2021 soit un taux de 113 033 logements par an pour loger environ 621 681 personnes par année.
  • Réaliser 128 180 logements par an pour répondre à la demande naturelle en besoin de logements jusqu’en 2025.
  • Prolonger la durée de vie opérationnelle du logement dans les zones formelles.
  • Engager les rénovations urbaines pour parvenir progressivement à substituer à l’habitat informel des programmes de logements de qualité.
  • Engager la mise en place d’une structure législative et de planification pour répondre aux besoins d’urgence et aux réformes foncières à introduire pour favoriser une utilisation optimale du sol selon des principes de gestion durable.
  • Fournir des sources multiples et durables de financement pour le secteur du logement.
  • Améliorer la performance de la structure administrative et institutionnelle du secteur du logement et du développement urbain.

La réalisation de ces objectifs stratégiques requiert la constitution d’outils performants et de politiques efficaces pour définir les démarches à entreprendre selon la priorisation d’objectifs clairement définis.

Les politiques et les options stratégiques pour l’urgent, le moyen et le long termes

Pour la mise en place de cette vision stratégique, l’adoption de nouveaux outils est nécessaire selon les principes suivants :

Politique n°1 : Programmation de la reconstruction et la construction de 2,2 millions de logements jusqu’en 2025.

  • La première option : Combler le gap causé par la destruction de logements et répondre à la demande de logements sur les cinq ans à venir. La reconstruction serait de 158 246 logements par an jusqu’en 2021 pour compenser les 79 234 logements totalement détruits. Il faudrait également construire 282 000 logements par an pour répondre à la demande de logements en raison de la croissance démographique et fournir ainsi un total de 440 246 logements par an.
  • La deuxième option : Combler le gap résidentiel causé par la destruction et répondre à la demande de logements sur les sept ans à venir. La reconstruction porterait sur 113 033 logements par an pour compenser les 791 234 logements détruits. À cela s’ajouterait la construction de 201 428 logements par an pour répondre à la demande de logements liée à la croissance démographique et le remplacement des anciens stocks pour fournir ainsi un total de 314 461 logements par an.
  • La troisième option : Combler le gap causé par la destruction de logements et répondre à la demande de logements sur les dix ans. La reconstruction serait de 79 123 logements par an pour compenser les logements détruits et la construction de 141 000 logements par an pour répondre à la demande de logements et fournir ainsi un total de 220 123 logements par an.

Rappelons que le onzième Plan quinquennal avait souligné la nécessité de réaliser la construction de 880 unités de logement dans les cinq prochaines années, soit une moyenne de 176 unités par an. Il s’agissait de revenir ainsi au volume résidentiel courant de la production en Syrie. De 1994 à 2004, la production était de 124 309 logements par an.

Politique n°2 : Concevoir une politique équilibrée de répartition spatiale du logement et engager la réforme pour concevoir un système urbain durable.

  • La première option : Engager une politique de dispersion des programmes de logements pour atteindre un développement équilibré entre tous les gouvernorats syriens. La construction et la reconstruction de près de 2,2 millions de logements au cours des dix prochaines années devraient se faire sur tout le territoire national syrien. Il serait alors possible d’atteindre la production de 151 384 logements reconstruits en chaque gouvernorat, soit une moyenne de 15 138 logements par an.
  • La deuxième option : Produire des Pôles d’équilibre pour le développement régional dans une structure de planification nationale elle-même équilibrée. Il s’agirait dans un premier temps de déterminer les capitales de développement régional qui devraient bénéficier d’infrastructures renouvelées pour développer les centres industriels et les activités scientifiques et culturelles encourageant la constitution de nouveaux quartiers développés sur la moitié de la construction de logements au cours des dix prochaines années. Le reste de logements à produire seraient distribués dans les autres gouvernorats situés dans chaque région.
  • La troisième option : Maintenir le développement local en fonction de la continuité du scénario précédent des politiques. La construction et la reconstruction de logements détruits seraient menées dans chaque gouvernorat pour répondre logiquement à la croissance à venir de la population. Le rythme de construction reposerait sur le même rythme que celui déployé avant la guerre.

Le choix de la première et de la deuxième option privilégient la recherche d’un équilibre territorial national hiérarchisé jusqu’au niveau régional et local. Il postule de l’opportunité de penser la reconstruction et la modernisation du territoire syrien dans une logique de recomposition durable des villes et territoires.

Politique n°3 : Construire les villes sur elles-mêmes ; la rénovation urbaine selon les systèmes modernes de planification.

  • La première option  Concevoir des politiques d’urgence immédiate par l’installation des logements mobiles ; unités temporaires (caravanes) pour les personnes déplacées et tous ceux qui de retour des camps d’urgence ont perdu leur résidence. Cette opération peut se faire à partir de l’identification des gouvernorats qui seraient rapidement à l’abri des conflits ou qui pourraient être les premiers en cours de sécurisation une fois le conflit en passe de s’achever. Ces gouvernorats pourraient être les premiers moteurs du retour des personnes déplacées. Chaque unité résidentielle doit assurer le confort minimal pour permettre aux familles de vivre dans des conditions décentes. Une famille de six personnes pourrait être logée dans un module de 50 m². Le prix moyen de l’unité est d’environ 6 000 dollars. Au fil de l’évolution des conditions de paix, les unités mobiles pourraient être progressivement déplacées vers d’autres zones d’urgence ou être réaffectées selon de nouvelles logiques et nécessités de fonctionnement. Elles posséderaient un rôle fondamental dans le redémarrage du fonctionnement urbain des villes sinistrées. Elles peuvent tout aussi bien servir d’équipements sanitaires, d’équipements sociaux, d’hôpitaux, de dispensaires, de bibliothèques ou de salles de réunion collectives. Le principe de la mobilité de l’habitat d’urgence est un modèle historiquement éprouvé dans bien des situations de destruction et de reconstruction après-guerre. Il atteint une efficacité immédiate en permettant aux sinistrés de sortir rapidement de leurs conditions de vie précaires. Il permet aussi un « retour à la normale » sans obérer les efforts à fournir pour penser une reconstruction définitive des villes selon des schémas rigoureux mais pour lesquels les moyens matériels et financiers ne sont pas toujours disponibles. Bien entendu, il faut que la parenthèse de l’urgence soit particulièrement bien circonscrite dans l’espace et dans le temps. Un provisoire qui dure au-delà du raisonnable est source de nouvelles contraintes et difficultés.
  • Le principe de la mobilité de l’habitat d’urgence est une nécessité, cette politique pourrait s’engager selon les étapes suivantes :
  • Créez quatre zones dans chaque gouvernorat, qui comprendraient au total 1 000 caravanes pour accueillir environ 6 000 personnes et atteindre les totaux de 24 000 personnes au niveau de chaque gouvernorat. Un total de 56 000 campings-caravanes au niveau de la Syrie serait nécessaire pour abriter près de 336 000 personnes dans une première phase. 80 unités seraient de plus nécessaires pour abriter les services de santé et d’éducation. On aurait un total de 56 080 unités, d’une valeur totale de 336 480 dollars US.
  • Fournir des trousses de secours et des abris afin de répondre aux besoins humanitaires et améliorer les conditions de vie dans leurs régions des rapatriés qui ne disposent que de faibles revenus. Il s’agira aussi de fournir aux chômeurs des emplois dans les chantiers de la reconstruction.
  • La deuxième option : une politique à moyen terme pour assurer la demande de logements dans les gouvernorats de sécurité relative, comme Damas, Al Swaida, Lattaquié et Tartous, dès maintenant et pour une période de trois ans. Il s’agirait dès lors d’appliquer une politique de renouvellement urbain des zones d’habitat informel et de les considérer comme des réserves foncières de grande valeur pour les transformer en zones de développement urbain de premier degré. Elles fourniraient les terrains à bâtir nécessaires pour suppléer leur diminution effective dans certains de ces gouvernorats.

En fait, il existe une corrélation significative entre les zones de conflit et les zones de logements informels qui peuvent être considérées aujourd’hui comme future « réserve immobilière » en termes de disponibilité de terrains pour la réalisation de nouvelles opérations immobilières dans les centres urbains. Ces nouveaux quartiers devraient garantir la mixité fonctionnelle et la mixité sociale. La participation des communautés locales dans le processus de planification serait appliquée. La prise de décision se ferait sur un partenariat éprouvé entre les administrations et les bénéficiaires issus de la population locale et des nouvelles communautés urbaines. La disparition progressive du logement informel laisserait place à des opérations de logements en dur garantissant le retour à une vie urbaine normale fondée sur la durabilité économique et sociale.

Politique n°4 : Développer les législations et les lois régissant le secteur du logement et la propriété, l’utilisation des sols et le développement urbain.

Avant de débuter les opérations de la reconstruction des zones dévastées, il s’agira de déterminer le statut juridique des propriétés des terrains pour assurer la sécurité du régime foncier. Quelques démarches sont nécessaires dans ce stade selon les points suivants :

  • Il est sans doute aisé de le mener dans le cadre des zones bâties sur plan d’urbanisme. Dans le cadre des zones informelles, une autre méthodologie sera nécessaire. Elle devra prendre en compte la situation réelle historique des habitants. Une planification participative aidera à prouver la propriété par la communauté locale. Des mesures adaptées devront être recherchées pour ceux qui ne rentrent pas dans cette logique.
  • La modernisation et le développement du système de cadastre en Syrie émis depuis le 15 mars 1926 et modifié uniquement dans son article 17 le 10 septembre 2008, sans aucune valeur ajoutée, doivent être engagés. Il est opportun de créer un nouveau registre plus simple dans son maniement. Le régime des femmes contenu dans l’article 22 doit lui aussi être révisé tant il les empêche juridiquement d’agir face au rôle et à la responsabilité dévolus aux hommes. La guerre en Syrie affecte particulièrement les hommes en âge de se battre et combattre. La non-révision du statut de la femme dans les affaires de succession et d’héritage est un obstacle majeur au nécessaire transfert de propriété foncière pour pouvoir engager les processus de reconstruction.
  • Il s’agit également de créer les bases de données nécessaires pour comptabiliser les bâtiments dans les quartiers touchés, et les classifier selon la nature de leurs destructions – totalement ou partiellement détruit – et les travaux à promouvoir. Ces banques de données sont aussi nécessaires pour la mise à jour des registres fonciers. Toute information précise sur les destructions permettra d’évaluer les potentialités de réhabilitation du parc ancien.
  • Il s’agit également de constituer les bases de données de construction des bâtiments selon les statuts des occupants – propriétaires, locataires, occupants sans titre – pour garantir la déclaration de statut juridique des propriétés et de leurs ayants droit et permettre aux autorités publiques – nationales, municipales et comités de quartiers – de pouvoir agir en pleine coordination avec les services des États civils.
  • Il s’agit d’établir les listes des propriétés sous conflit – appropriation par défaut des biens d’autrui, occupations illégales de groupes et individus, etc. – et de développer des mécanismes de résolution des conflits afin de pouvoir débloquer toute situation susceptible de ralentir, voire d’obstruer, la construction rapide des logements nécessaires aux villes pour leur reconstruction.
  • Il s’agit de déterminer les densités de population dans les centres urbains, les banlieues et les quartiers à partir de plan de reconstruction, d’équipement et de modernisation des villes. La réorganisation des districts devra être menée dans l’exigence d’application des fondamentaux d’une planification urbaine durable.
  • Il s’agit de développer la politique foncière et la gestion du foncier par l’État et de créer les conditions de la compensation équitable des propriétaires en cas d’expropriation pour des projets d’utilité publique et d’intérêt général.

Politique n°5 : Améliorer la performance du secteur du logement et la constitution de structures administratives efficientes pour la réaliser.

La réorganisation et la restructuration du secteur du logement sont un préalable à toute amélioration de la performance de ce secteur. La production du logement relève d’une chaîne de métiers et d’une structuration exemplaire des entreprises mais aussi de la tutelle publique. Le renforcement des capacités de planification et de contrôle des services des agences gouvernementales centrales et locales est la clé de la solution afin de planifier et d’exécuter les missions de coordination des acteurs pour les inciter à pleinement s’engager dans cet immense chantier que représentent la reconstruction et la modernisation de la Syrie.

Quatre années de conflit ont ruiné véritablement la Syrie. Cette situation de dégradation de son cadre bâti s’observe à la fois dans les métropoles régionales mais aussi dans les petites villes et leurs campagnes. La situation demeure particulièrement préoccupante à la fois pour les populations civiles demeurées sur place et souvent prises en otages par les différentes factions combattantes mais aussi pour les millions de réfugiés disséminés dans les différents États voisins de la Syrie et pour lesquels les conditions d’accueil restent extrêmement précaires.

Cette situation de dégradation accélérée de son parc immobilier mais aussi de ses infrastructures est à comprendre dans la logique de passage de la guerre des rues à une guerre des villes et maintenant dans le processus de dissémination du conflit sur la majeure partie du territoire syrien. La question centrale aujourd’hui réside bien dans une gestion instantanée d’un désastre humanitaire justifiant pleinement une politique onusienne de constitution d’infrastructures d’accueil des réfugiés dans et hors du territoire syrien. L’urgence demeurera encore pour longtemps le seul mode possible de gestion d’une crise sans commune mesure avec les crises précédentes dans le même espace régional.

La reconstruction des villes et de leurs parcs immobiliers ne peut être envisagée sans une sortie de la guerre dont il est aujourd’hui difficile de préciser les contours politiques et institutionnels mais aussi les échéances et les temporalités. Les dimensions régionales du conflit et ses enjeux internationaux rendent aujourd’hui pour le moins difficile la sortie du conflit.

Penser la reconstruction de la Syrie demeure néanmoins une exigence fondamentale dans la mesure où la connaissance de la situation locale au jour le jour est le moyen incontournable de penser l’existence future du pays. Au vu des informations aujourd’hui disponibles, les efforts à fournir en matière de reconstruction devront porter à la fois sur la reconstruction d’un parc immobilier nécessaire au retour des réfugiés et au développement social de l’après-guerre mais aussi sur la reconstruction des villes et collectivités nécessaires pour asseoir un cadre politique, économique et social à même d’intégrer les enjeux du développement durable pour la reconstruction d’un territoire de qualité. Les différents scénarios que nous avons dressés en matière de reconstruction et modernisation immobilière témoignent de la nécessité de repenser globalement la logique et les filières de production du logement pour parvenir à résoudre le déficit entre l’offre et la demande. L’effort incommensurable à produire exigera à la fois l’aide internationale, le redéploiement d’une filière de production nationale et le déploiement des initiatives locales publiques et privées. Il exige de repenser les normes constructives et l’élaboration de nouveaux dispositifs à même de résoudre le défi qualitatif et quantitatif de la production massifiée de logements pour tous.

La situation actuelle de la guerre en Syrie et la détérioration continue et à vitesse accélérée de son territoire débordent aujourd’hui le cadre de ses frontières nationales. Par ses extensions récentes, l’épineux dossier syrien a des répercussions et des impacts critiques sur l’ensemble des pays limitrophes. Il s’agit là d’une véritable menace pour la paix et la sécurité internationale au niveau du Moyen-Orient et à l’échelle mondiale. Arrêter le désastre humanitaire syrien doit devenir un enjeu prioritaire de la communauté internationale.

 

Bibliographie

 

Roula Maya et Rémi Baudoui

Roula Maya et Rémi Baudoui

Roula Maya est Professeur Assistante des Universités, experte de l’Habitat, le Développement Urbain et Régional auprès des Nations Unies Commission Economique et Sociale pour l’Asie Occidentale (UNESCWA).
Rémi Baudouï est professeur ordinaire au département de Science Politique et Relations Internationales de l’Université de Genève.

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