On peut se poser la question en voyant ou en entendant nombre de bourdes, erreurs ou approximations françaises sur la situation malienne.
Florilège. Sans transposer le fameux jeu des sept erreurs sur l’échiquier malien, force est de reconnaître que la première et monumentale erreur a été celle des services de renseignements et autres machiavels amateurs visant à « jouer les touaregs du MNLA », pour mieux « liquider ACQMI ». On sait ce qu’il en a été – et que Bamako reproche encore à Paris : armer et pousser le MNLA à fonder l’AZAWAD – ce foyer national pour un peuple sans Etat, a abouti à faire le lit des djihadistes, qui après s’être alliés aux premiers les ont chassés du Nord Mali.
On aurait pu croire que nos stratèges de la guerre indirecte auraient pu été découragés. Pas du tout ! Les négociations de Ouagadougou, sous l’égide de Blaise Compaoré ont non seulement voulu récupérer le même MNLA , mais se convaincre que Ansar Dine, formé en partie de touaregs maliens, étaient de « bons rebelles » , capables tous deux de se retourner contre AQMI et Mujao… L’intelligence de cette analyse se révéla quand les divers mouvements islamistes déjà cités foncèrent en colonnes de pick ups lourdement armés vers Mopti et Bamako, réunifiés et galvanisés par Iyad ag Ghaly, chef charismatique … d’Ansar Dine !
On sait que la formule fétiche des politiques arrivant au pouvoir est de jurer tout haut que Françafrique et néocolonialisme n’existent plus à l’heure de la mondialisation, et que d’ailleurs la « nouvelle politique », en l’occurrence celle du gouvernement Hollande, va y mettre fin, définitivement. Et que si guerre il y a au Mali, ce sera un conflit « africain », indirect, approuvé par l’univers entier- où à peine se verra un appui aérien furtif et des fournitures d’armes discrètes…
Et d’actionner les pays relais et les clients soumis : comme spontanément, CEDEAO, UA, ONU ont savamment procédé à des déclarations, des décisions, résolutions enchaînées montrant que oui, spontanément et unanimement, la guerre au Mali est un objectif désirable, africain on vous dit et qui se construit lentement fin 2013 par exemple, au nom de l’introuvable « communauté internationale ».
Sauf que… Après la descente vers Bamako des combattants islamistes, rien n’était prêt. Que l’armée malienne allait être enfoncée, tandis que les rebelles armés descendaient très rapidement, « à l’ivoirienne », prêts à mettre à feu et à sang Bamako. Et que l’armée française, déjà là officieusement, allait devoir intervenir en première ligne, en force, en direct.
Maintenant, il reste un certain nombre d’erreurs à commettre, dont certaines sont bien engagées. Privilégier par exemple la solution militaire, au lieu de viser un renforcement politique de l’Etat malien, affaibli à la mesure de l’engagement militaire entrepris. La classe politique malienne exige en effet la tenue d’une Conférence nationale la plus rapide possible, en janvier. Et des élections immédiates, même dans le Mali loyaliste, sans attendre les calendes grecques d’une « libération du Nord » qui pourrait se faire attendre.
S’appuyer sur un président intérimaire, à la légitimité d’autant plus faible que son temps légal d’intérim est dépassé : le président Dioncounda Traoré n’a de pouvoir que celui qu’ont sur le Mali ses parrains extérieurs ; miser sur lui constitue une erreur permanente depuis le début de la crise. Renforcer l’autorité d’un pouvoir fantoche n’empêche pas la volonté de vouloir mener un « double contre coup d’Etat » : non seulement au Nord , mais contre le capitaine Sanogo, ce pustchiste qui a eu tort de renverser le si estimable ATT.
Qu’on leur explique l’islamisation de longue durée de la société malienne, la segmentarité et les retournements d’alliances touaregs, le bon quart de Bamako qui soutient Sanago et se refuse à toute imposition d’armées occidentales ou africaines : de tout cela nos bons stratèges n’en ont cure, soucieux de faire coïncider leur Mali fantasmé au pays réel, et tant pis si les mêmes erreurs vont s’y répéter névrotiquement .
Il reste, il est vrai, à faire exploser le cadre politique : si groupes armés touaregs et combattants islamistes se dispersent dans une guerre nomade en déstabilisant Niger, Mauritanie, Burkina- Libye et Algérie étant déjà concernés, c’est bien tout le Sahel qui s’embrasera. Alors là l’erreur touchera au tragique, voire au grandiose, et pour longtemps.
Michel Galy
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