À l’occasion de la journée des Nations unies de lutte contre le Sida, l’association congolaise SOS Sida et le fonds de dotation African Artists for Development publient l’intégrale de la bande dessinée Les diamants de Kamituga, une histoire captivante qui aborde de façon assez subtile la problématique du Sida en République démocratique du Congo. Les deux tomes ont déjà été distribués à plus de 250 000 exemplaires dans le pays.
Associer l’univers de la bande dessinée à celui des ONG n’est pas nouveau. Ce médium est particulièrement efficace pour faire comprendre au plus grand nombre des problèmes parfois complexes. Dès les années 70-80, on se souvient des campagnes de Gaston Lagaffe (Franquin) aux côtés de Greenpeace ou d’Amnesty International. Plus récemment, le jeune héros Titeuf (créé par Zep) a largement contribué à la notoriété de Handicap International, et la FIDH relate dans des phylactères, chaque année à la même époque, tous les combats qu’elle a menés durant l’année écoulée en mettant l’accent sur les succès obtenus. Mais cette collaboration est complexe, et pour que la magie opère, il faut éviter de tomber dans les écueils du didactisme ou du sentimentalisme. À ce titre, Les diamants de Kamituga sont un modèle du genre.
Créée à l’initiative de l’association congolaise SOS Sida et du fonds de dotations African Artists for Development, la bande dessinée raconte une histoire captivante qui nous entraîne sur les routes du Sud-Kivu (est du Congo) en mettant l’accent sur le contexte guerrier qui y règne. Un père de famille au chômage originaire de Bukavu, Mayele, décide de partir travailler dans les mines de coltan de Kamituga pour nourrir sa famille. Il se retrouve impliqué dans une histoire de vol de diamants. Un thriller meurtrier, qui le mènera, au terme d’une course folle, à rejoindre sa famille, non sans avoir au préalable contracté le Sida, qu’il transmettra à sa femme.
L’histoire se poursuit dans le second tome, jusque dans les rues et maquis de la capitale, Kinshasa, où les Congolais vivent sur les rythmes de la rumba congolaise et s’affrontent parfois dans des rixes violentes. On y retrouve pêle-mêle des « sapeurs » parfois peu scrupuleux, un inquiétant « ndoki », des catcheurs fort sympathiques, avec, toujours en toile de fond, le travail inlassable et indispensable du centre anti-sida évoqué discrètement au hasard d’une case.
Les deux auteurs, le dessinateur d’origine congolaise Séraphin Kajibwami et le scénariste Appollo, qui résident à Kinshasa, ne font pas dans l’angélisme. La réalité du VIH est donc clairement évoquée, mais la maladie n’est traitée ici que comme un des acteurs du théâtre congolais et surtout pas comme une fatalité. « Maintenant, on peut vivre en suivant régulièrement un traitement médical », témoigne ainsi avec philosophie la femme de Mayele, alitée au centre anti-sida, en insistant cependant auprès de ses enfants et de leurs amis pour qu’ils se protègent et n’hésitent pas à se faire dépister.
Pour ceux qui douteraient encore de l’efficacité d’une telle démarche, le premier tome de la bande dessinée a été diffusé gratuitement dans le Sud-Kivu et dans les grandes villes de RDC à près de 100 000 exemplaires. Les mois suivants, les tests de dépistage effectués par SOS Sida ont augmenté de 40 %. Le second tome est diffusé depuis début novembre 2014 à plus de 150 000 exemplaires dans les mêmes régions.
L’intégrale des deux tomes est vendue au profit de l’association congolaise SOS Sida. On peut d’ores et déjà se la procurer à la Librairie-Galerie Congo (23, rue Vaneau, 75007 Paris). Elle devrait toucher un plus large réseau de librairies dans les semaines à venir.
Gaël Grilhot
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