Moyen-Orient : un rapport sur le VIH révèle quelques surprises…

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DUBAI – Les statistiques en matière de VIH/SIDA au Moyen-Orient sont difficiles à obtenir, mais une nouvelle étude lancée aux Emirats arabes unis a tenté de rassembler toutes les données existantes dans différents pays, et les a enrichies d’analyses et points d’action destinés aux décideurs politiques.

«Dans tous les rapports précédents, nous pensions qu’il n’y avait pas de données sur le VIH concernant cette région. Mais il s’est avéré qu’il y en avait beaucoup», a dit Laith Abu Raddad, directeur du the Biostatistics and Biomathematic Research Core du Weill Cornell Medical College au Qatar, et l’un des principaux auteurs de l’étude – pas encore disponible en ligne. «En résumé, cette étude se présente comme une étude épidémiologique scientifique : obtenir des données, des milliers de données que nous avons réussi à collecter dans chaque pays de la région, les rassembler et les analyser pour voir ce qu’elles nous disent en termes d’épidémiologie du VIH».

L’étude, qui dépeint l’épidémie de VIH/SIDA au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, est un effort conjoint de la Banque mondiale, du Programme commun des Nations Unies sur le sida (ONUSIDA) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Elle couvre 23 pays que les trois organisations incluent dans la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord, en anglais).

D’après l’ONUSIDA, environ 412 000 personnes vivaient avec le VIH dans la région MENA en 2008, contre 270 000 en 2001. L’étude note que la plupart des nouvelles infections sont intervenues au sein de populations liées au commerce du sexe et à la consommation de drogues.

L’étude divise la région MENA en deux catégories, en fonction de leur prévalence du VIH : la «sous-région avec une prévalence considérable» (Djibouti, Somalie, Sud-Soudan), et le cour de la région MENA, où la prévalence du VIH est décrite comme «très limitée» (le reste des pays du MENA).

Soudan, Somalie, Djibouti

«Dans le nord du Soudan, nous pensions auparavant que nous avions un problème VIH bien plus sérieux, mais maintenant que les données sont un peu plus complètes, il est clair que le nord du Soudan est à un niveau similaire aux autres pays du MENA. En revanche, au Sud-Soudan, nous pourrions avoir une épidémie généralisée», a indiqué M. Abu Raddad. Une épidémie est dite généralisée lorsqu’elle se propage depuis les groupes minoritaires à haut risque vers l’ensemble de la population.

Un rapport ONUSIDA et OMS en 2003, auquel l’étude se réfère, indique que le Soudan a une prévalence du VIH de 2,6 pour cent.

Selon M. Abu Raddad, Djibouti était «le Disneyland du comportement à risque» et comptait un grand nombre de travailleurs du sexe éthiopiens au service des chauffeurs routiers et des bases militaires étrangères. «Nous avons ce couloir qui est certainement encombré de VIH, mais dans le reste du pays, ça va».

Un rapport de l’ONUSIDA en 2008 a estimé la prévalence du VIH à Djibouti à 3,4 pour cent dans sa capitale, et 1,1 pour cent en dehors.

«Sur le plan technique, les épidémies de VIH à Djibouti et en Somalie sont déjà généralisées, mais le contexte de l’infection VIH et des groupes à risque dans ces pays suggère que la dynamique du VIH est principalement centrée sur des épidémies concentrées au sein des réseaux de commerce du sexe», a dit la nouvelle étude.

Pakistan, Afghanistan et Iran

Le Pakistan est confronté à une épidémie de VIH concentrée parmi les consommateurs de drogues injectables (photo d’archives). Selon l’étude, le Pakistan et l’Iran, où la prévalence du VIH est faible au sein de la population générale, sont confrontés à des épidémies de VIH concentrées parmi les consommateurs de drogues injectables (IDU, en anglais), un mode de transmission du VIH qui s’est aussi révélé significatif en Afghanistan.

«Nous savons que nous avons une épidémie concentrée parmi les IDU au Pakistan, et que l’augmentation a été très rapide au cours des dernières années. A Karachi, par exemple, nous avions un taux [de prévalence] proche de zéro pour cent en 2003 ou 2004, et en six mois il a fait un bond à 24 pour cent».

Cette augmentation pouvait être attribuée au partage de seringues, à la pauvreté et à un manque de sensibilisation.

Egypte et Tunisie

L’Egypte présente un schéma différent en termes de propagation du VIH. Des enquêtes sur les groupes à risque ont montré que la prévalence du VIH était très faible parmi les IDU et les travailleuses du sexe (FSW, en anglais). «Ce n’est pas une surprise pour les FSW. Dans ces pays conservateurs de la région – l’Egypte est l’un d’entre eux – nous remarquons une prévalence du VIH très faible parmi les FSW. Mais avoir une prévalence très faible chez les IDU est une surprise», a dit M. Abu Raddad.

l’Egypte semble avoir une épidémie de VIH parmi les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (MSM, en anglais), avec une prévalence de six pour cent.

«Ce pays présente aussi un schéma intéressant. Généralement, les épidémies de VIH commencent avec les IDU et se propagent ensuite chez les MSM, comme nous le voyons en Iran et au Pakistan. Mais ce n’est pas le cas dans certains pays, comme l’Egypte et la Tunisie, où l’épidémie démarre avec les MSM», a ajouté M. Abu Raddad.

Faiblesse des données

Des experts ont estimé qu’en dépit de toutes les informations, provenant de différentes sources, rassemblées dans la nouvelle étude, la région ne disposait toujours pas de suffisamment de données pour élaborer une stratégie cohérente de lutte contre le VIH/SIDA. L’étude a reconnu que la région MENA «continuait à être vue comme une anomalie sur la carte VIH/SIDA du monde».

«Ceci est dû au fait que nous n’avons pas suffisamment investi pour construire des systèmes de surveillance appropriés, donc nous n’avons pas de système qui détecte et suive réellement cette question», a déclaré à IRIN Hind Khatib, directrice régionale de l’ONUSIDA.

«L’engagement politique devrait être accompagné de ressources et d’investissements locaux dans les ressources humaines, ce qui est limité dans la région. Il faut [que les pays] consacrent de l’argent à leurs programmes et systèmes, et il faut des orientations stratégiques qui se concentrent sur les facteurs qui alimentent l’épidémie», a rajouté Mme Khatib.

Elle a dit espérer voir les gouvernements des nombreux pays à revenu faible de la région allouer davantage de fonds aux programmes VIH, tout particulièrement à un moment où la crise financière rend l’éligibilité des pays au soutien du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, plus compliquée.

Des experts ont estimé que l’un des principaux défis dans la région était la stigmatisation liée au VIH/SIDA et la discrimination à l’encontre des personnes vivant avec le virus.

«Nous devons impliquer les personnes vivant avec le VIH et la société civile. Nous devons faire preuve d’ouverture dans nos réflexions et nos politiques», a dit Mme Khatib.

dvh/ed/cb/ail / IRIN

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