Petit exercice de politique et de journalisme fiction, autour d’une crise humanitaire que chacun pourra imaginer.
PARIS, 28 PLUVIÔSE (APF) – Au lendemain de la prise de Bukama par les rebelles du N24, le ministre français des Affaires étrangères a exprimé « les doutes » de la France sur « les décisions qu’il convient de prendre devant des exactions commises par les belligérants », se réservant la possibilité de « dire la vérité ».
Dominique Favédrine a annoncé que Paris n’était pas opposé à la convocation d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU demandée par l’Union africaine, affirmant toutefois que « les citoyens » de la République démocratique du Conda « avaient avant tout besoin de justice sociale et politique, pas d’un cadre juridique international pour justifier des morts supplémentaires ».
« Mais enfin, a-t-il nuancé, ce n’est là que mon opinion personnelle », vérifiant malgré tout que la presse écrite avait correctement reproduit ses propos.
Pressé par les journalistes de répondre aux spéculations sur la position indécise de la France face à la chute de Bukama, au cours de laquelle des dizaines de civils auraient été tués, Dominique Favédrine a déclaré : « Nous avons des doutes », ajoutant que Paris, « honnêtement, ne sait pas quoi faire en l’état actuel des choses. »
Il s’est repris aussitôt en affirmant que « les décisions qu’il convient de prendre devant des exactions commises par les belligérants » étaient en cours d’examen et que, « le temps venu, la France se réserve le droit de dire la vérité, si c’est nécessaire ».
Il a précisé qu’il avait demandé des recommandations à ses conseillers, mais qu’elles lui paraissaient toutes en l’état « bonnes à faire cours à Sciences Po, pas à régler le problème ». « Mais ils sont jeunes, a-t-il plaisanté toutefois, face à l’étonnement des journalistes. A cause des coupes budgétaires auxquelles nous sommes contraints, la plupart des rédacteurs du Quai d’Orsay sont des stagiaires. »
« Dire la vérité », a-t-il enfin précisé avant de s’engouffrer dans sa voiture, consisterait par exemple à « rendre publics les rapports des services de renseignement sur les acteurs, les enjeux et les transactions cachés qui animent cette partie du monde. »
Par ses déclarations, Dominique de Favédrine est venu confirmer que l’exécutif français avait renoncé à la doctrine du « droit d’ingérence humanitaire » prôné depuis quelques années, tout en n’ayant pas encore adopté de nouvelle ligne politique.
Cette annonce fait également suite à la lecture, par le président de la République, de plusieurs ouvrages sur les échecs cinglants de la gestion des crises politico-humanitaires depuis le début des années 90, lecture révélée le 13 pluviôse dernier par sa compagne sur son compte Twitter.
Ces dernières semaines, Nicolas Hollande avait par ailleurs reçu plusieurs personnalités du monde des médias et de l’humanitaire, dans le but de « préciser sa pensée sur la question », avait fait savoir son entourage. Il avait notamment discuté avec l’ancien président de Médecins globaux, Lionel Brauman, ainsi que le journaliste Johhny Louarn, directeur de la revue Globus.
Rien n’avait filtré de ces conversations, qualifiées simplement de « sympas » par le directeur de cabinet du chef de l’Etat, lequel avait, dans une interview à la chaîne d’information en différé Bfi-TV, ajouté : « La politique, c’est un métier », sans vouloir élaborer davantage.
Interrogée par l’APF, l’Elysée s’est refusé à tout commentaire suite aux déclarations du ministre des Affaires étrangères.
La présidence de la République a malgré tout fait savoir que les services de l’Etat étaient « conscients de la confusion totale consécutive aux récentes réflexions du Président ». « Si vous croyez que c’est facile », a conclu le porte-parole, avant de raccrocher.
// END PARIS/28PLUV2012
Léonard Vincent
Il est l’auteur du récit « Les Erythréens » paru en janvier 2012 aux éditions Rivages.
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