Azerbaïdjan… Spectacle « humanitaire »

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Voilà un pays dont on ne savait encore pas grand chose il y a quelques années. Le type de pays qu’on est bien en peine de situer sur une carte du Caucase tant les réalités politiques, historiques et géographiques sont complexes dans cette ancienne aire d’influence soviétique. Aujourd’hui, la politique d’ouverture prônée par son Président Ilham Aliyev est un succès et l’on parle de plus en plus dans le monde de l’Azerbaïdjan.

Les évènements internationaux s’y succèdent désormais. Les 2 et 3 octobre dernier se tenait notamment à Bakou la seconde édition du Forum Politique Humanitaire, réunissant pendant deux jours près de 700 personnes dans la capitale azerbaidjanaise, plongés dans la réflexion sur les grands enjeux politiques et géopolitiques de notre monde. Si le colloque avait des allures de grand barnum un peu général et pompeux, il avait l’intérêt majeur d’être un prétexte à faire découvrir un pays en pleine campagne médiatique et opération séduction depuis plusieurs mois.

Deux jours de débat sur des enjeux aussi divers et variés que la question des médias, l’humanitaire, les transitions politiques, les nanotechnologies, ont été ponctués d’allocutions prestigieuses : le président Aliyev devenu le meilleur attaché de presse de son pays et défendant son bilan pendant 40 minutes, une brochette d’anciens présidents de pays d’Europe de l’Est, et quelques personnalités « occidentales » tombées là par hasard : Rachida Dati, l’ancienne garde des sceaux de Nicolas Sarkozy et invitée en tant que « représentante des institutions européennes ».

Bien entendu peu de contrepoids officiels ou critiques du pouvoir mais les débats ont largement essaimé entre les participants présents sur la situation du pays. Plus intéressant encore que les propos, la diversité des profils : pléthore de chercheurs, de consultants, de professeurs, de membres d’ONGs, de représentants politiques qui auront pu se faire leur propre opinion.

 Une vitrine économique ouverte sur l’Occident et sur l’Orient

L’Azerbaïdjan met le paquet pour se tourner vers le monde et surtout attirer le monde à lui. En effet, la même semaine avait lieu à Bakou le Festival européen du Film financé en grande partie par la délégation de l’Union européenne en Azerbaïdjan. La même semaine encore, se produisaient dans la capitale les grandes stars internationales de la chanson, Shakira, Rihanna et Beyoncé. Ce n’est tout à fait pas une anecdote, si l’on sait le cachet que prennent ces artistes pour se produire, l’aura mondiale qu’elles ont et la publicité qu’elles procurent à un tel pays, habituellement en dehors des circuits traditionnels des grandes tournées musicales mondiales.

Et le miracle commence dès l’arrivée dans la capitale : bâtiments haussmanniens en pagaille, gratte-ciels ultra modernes dont les fameuses Flames Towers, flammes symboles du pays qui se parent des éclairages animés les plus modernes sitôt la nuit tombée, restauration de la vieille ville clinquante avec des cafés lounge et trendy, nouveau front de mer refait à neuf et ressemblant à la Croisette à Cannes, cinéma à l’architecture futuriste en bord de mer, palais des fêtes HeydarAliyev dont l’architecture fut confiée à l’architecte star Hinda Zahri, grands échangeurs autoroutiers modernes, grande avenue Haliyev reliant l’aéroport à la ville dégagée des bidonvilles relégués à la périphérie, explosion du nombre d’hôtels internationaux comme le Sheraton Absheron en bord de mer ou le Hilton ouvert cette année.

Le boom immobilier sans précédent voit le nombre de grues éclore de jour en jour, les tours défier les lois de l’apesanteur et marquer l’histoire de l’architecture moderne comme dans le Golfe. Les vieilles maisons historiques ou les quartiers pauvres sont détruits ou exfiltrés pour laisser place à la « modernité ». Quant aux mosquées, elles côtoient et parfois même se reflètent dans les nouveaux buildings, et il n’est pas rare de voir d’anciens édifices ottomans comme les caravansérails se frotter aux nouveaux centres commerciaux.

Décidément, le nouveau dragon du Caucase, a décidé depuis l’Eurovision qu’il a accueilli l’année dernière en grande pompe, de s’ouvrir sur le monde et de briller de milles feux pour faire de Bakou, la nouvelle vitrine à l’occidentale du Caucase triomphant. Pays émergent, doté de réserves en hydrocarbures extraordinaires (pétrole et gaz naturel), affichant une arrogante croissance de plus de 9% en 2012, l’ancien satellite soviétique a largement basculé dans l’économie de marché depuis son indépendance il y a 20 ans, pour devenir un pion stratégique sur lequel il faudra compter dans la région encore stable du Caucase, entre Europe, monde russe et asiatique.

Avec près de 90 000 km2 (l’équivalent du Portugal) et 8 millions d’habitants, le tout jeune pays, inséré entre l’Iran, la Géorgie, l’Arménie, la Turquie, est au carrefour des voies stratégique et économiques régionales. Situé sur l’antique route de la Soie,  bordé par l’ancien océan hyrcanien, la mer Caspienne( plus grande mer fermée au monde), l’Azerbaïdjan est en plein décollage et est aujourd’hui intégré dans de nombreuses organisations internationales : membre de l’ONU, du Conseil de l’Europe, de la CEI mais aussi de l’Organisation de Coopération islamique, la jeune république est aussi à la jointure des mondes occidentaux et orientaux.  Ce qui en fait un partenaire de choix, convoité par le Nord et la Russie, l’Ouest et l’Union européenne en quête de relations économiques et politiques accrues, et le Moyen-Orient dont Israël qui en a déjà fait un allié de choix.

L’Union européenne y voit aussi deux intérêts majeurs en l’intégrant dans sa politique de voisinage : une place de choix dans le Caucase énergétique face aux tensions avec la Russie et l’Ukraine, une présence politique dans cette zone géopolitique convoitée. L’idée à terme est bien entendu de passer d’un partenariat stratégique et énergétique à un véritable accord d’association UE/ Azerbaïdjan. Tout cela incluant des clauses liées au respect de l’Etat de droit, à la démocratisation du pays…

 Une tradition « forte » et la volonté de rayonnement par
delà les frontières : forces et faiblesses du nouveau dragon du Caucase

Incorporé à l’empire russe de 1813 à 1991, le pays a basculé d’une relation servile à une autonomisation croissante et rapide de sa politique intérieure, qu’elle ne se laisse presque plus guider par quiconque, malgré les tentatives de la Russie de reprendre de l’influence dans son ancienne aire géostratégique historique. Mais les traces sont bien là. Dès l’indépendance, le jeune pays doit prendre ses marques et se trouve plongé dans le conflit avec l’Arménie autour du Haut Karabakh qu’Erevan finit par annexer. Aujourd’hui encore, l’Azerbaïdjan est coupé en deux, isolant la région devenue plus autonome du Natchivan. Tout un symbole de résistance à l’occupant, puisque le petit territoire, considéré comme un des plus enclavés au Monde, isolé entre l’Arménie occupante, l’Iran et la Turquie, est le berceau de la dynastie Aliyev au pouvoir depuis l’indépendance.

La présence soviétique perdurera par le casting des premiers présidents élus à la tête du pays indépendant. Après quelques anciens secrétaires généraux du Parti communiste, viendra le tour de celui considéré comme le vrai père de la nation : HaydarAliyev, ancien du KGB devient en effet le président qui fera décoller le pays. Puis ce sera le tour de son fils, élu « démocratiquement » à sa mort en 2003: Ilham Aliyev qui dirige depuis le pays d’une main ferme et qui a permis l’éclosion puis l’explosion économique a mis un terme aux différentes manifestations qui égrenèrent la fin de règne de son père. L’opposition depuis semble s’être tue. Homme fort concentrant une grande partie des pouvoirs, Aliyev fut réélu en 2008, malgré des irrégularités de scrutin largement mentionnées par les observateurs internationaux.

Même si l’on ne peut pas retirer à Aliyev d’être parvenu à hisser le pays au rang des pays émergents, il reste de nombreuses failles en termes de démocratie : manque de liberté de l’opposition, multipartisme quasi-inexistant, corruption dramatique. Pour combien de temps ? les hydrocarbures drainent toutes les rentrées d’argent du pays. Il y a un problème de diversification de l’économie flagrant et les premières alertes à la baisse des cours du pétrole peuvent rapidement faire changer la donne.

D’autant que si Bakou est la vitrine du pays, l’arrière-cour est encore largement sous-développée : manque de redistribution des fruits de la richesse créée à l’ensemble du pays, enclavement de certaines régions, quasi-inexistence des productions locales et non-exportation. Quant aux relations avec les voisins, elles diffèrent selon le passif, les conflits, et les intérêts : détestables avec l’Arménie alors que Bakou a l’appui de la communauté internationale pour exiger d’Erevan le retrait du haut Karabakh essentiellement peuplé d’Arméniens ; en dents de scie avec la Russie pour les raisons d’influence historique entre les deux pays ; bonnes avec la Turquie de par l’héritage culturel, moins bonnes lorsqu’Ankara se rapproche d’Erevan, bonnes à variables au sujet des intérêts pétroliers liés à la construction commune du pipeline « Bakou-Tbilissi-Ceyhan » qui part d’Azerbaïdjan et finit en Turquie mais pour lequel l’Azerbaïdjan reproche au voisin turc de ne pas respecter les termes de l’accord gazier de 2010; complexes avec l’Iran au vu de l’importante communauté azérie dans le pays aux visées nationalistes et indépendantistes et des tensions au sujets des frontières en mer caspienne ; étonnantes avec le voisin plus lointain qu’est Israël par exemple (accords gaziers afin de permettre à Tel Aviv de contrer l’instabilité égyptienne actuelle, partenariat stratégique et militaire).

 

 

 

 

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La rédaction de Grotius International.

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