Des milliards d’humains sans accès à la chirurgie vitale

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Selon les experts, plus de deux milliards de personnes, principalement dans les pays à faible revenu, n’ont pas d’accès correct aux soins chirurgicaux qui pourraient leur sauver la vie, ce qui représente un obstacle potentiel à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD).

« Le fait que les pauvres accèdent plus difficilement aux services hospitaliers comme la chirurgie n’est pas nouveau. Mais c’est l’importance de la population concernée qui est choquante, » a dit Atul Gawande, Professeur associé à l’Ecole de Santé Publique de l’Université de Harvard et directeur de l’Initiative de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) Une chirurgie plus sûre pour épargner des vies. Alors qu’au niveau mondial un grand nombre de maladies nécessitent une intervention chirurgicale, ce sont les habitants des régions à revenu élevé qui subissent 75 pour cent des opérations réalisées annuellement, alors que le tiers le plus pauvre n’en représente que 4 pour cent, indique une étude publiée en 2010 par l’Ecole de Santé Publique de l’Université de Harvard.

Une enquête couvrant 769 hôpitaux dans 92 pays indique que les pays les plus riches disposent de 14 salles d’opération pour 100 000 habitants, contre deux dans les régions à faible revenu.

Carences

Une autre étude datant de février 2010 portant sur 132 installations sanitaires dans huit pays (Sri Lanka, Mongolie, Tanzanie, Afghanistan, Sierra Leone, Liberia, Gambie et Sao Tomé et Principe) a révélé que l’infrastructure elle-même n’est que l’une des « énormes carences » qui caractérisent le domaine des soins chirurgicaux d’urgence.

« Y a t-il du personnel pour assister les chirurgiens ? Ont-ils les fournitures et l’équipement nécessaires pour mener à bien les procédures ? Et finalement, le personnel a t-il les connaissances et les compétences pour traiter [les patients] ? » a demandé Adam Kushner, co-auteur de l’étude et fondateur de l’organisation non gouvernementale (ONG) new-yorkaise, Surgeons OverSeas.

L’étude fait état de carences dans tous ces domaines. Parmi les centres examinés, aucun n’a pu faire état d’une alimentation constante en eau et en électricité (et donc en oxygène), et la plupart ont rapporté qu’ils disposaient de ces trois éléments moins de la moitié du temps.

Pour ce qui est de l’OMD 5 (améliorer la santé maternelle) , 44 pour cent des installations offraient la possibilité de césarienne.Pour l’OMD 6 (combattre le VIH/SIDA), 48 pour cent des centres examinés offraient la possibilité de circoncision masculine, recommandée par l’OMS pour combattre la propagation du VIH.

Où sont les chirurgiens ?

Les chirurgiens spécialisés et les anesthésistes sont rares là où on aurait le plus besoin d’eux, par exemple en Afrique sub-saharienne, selon une étude médicale publiée dans Plos Medicine concernant huit hôpitaux régionaux en Ouganda, au Mozambique et en Tanzanie.

En 2008, l’Ouganda disposait de 10 chirurgiens spécialisés et de 350 anesthésistes pour une population de plus de 30 millions. Au Mali, Mamby Keïta, chirurgien dans le plus grand hôpital du pays, l’Hôpital Gabriel Touré à Bamako, la capitale, a dit à IRIN qu’en 2010 il y avait dans tout le pays trois chirurgiens pédiatriques, pour s’occuper d’un nombre d’enfants de moins de cinq ans estimé (en 2008) à 2,2 millions. Quatre chirurgiens supplémentaires étaient en cours de formation mais ne devaient pas terminer leurs études avant 2012.

« Nous avons également besoin d’anesthésistes pédiatriques. L’absence de cette spécialité de techniciens limite les interventions chirurgicales que nous pouvons faire sur les enfants, » a dit M. Keïta.

Des mesures de dépannage

Afin de pallier le manque de chirurgiens locaux, on a recours à des médecins venant d’autres pays avec des contrats à court terme, à des ONG, à des missions humanitaires qui se déplacent, comme Operation Smile ou l’ONG confessionnelle Mercy Ships – un hôpital flottant qui fait escale pour plusieurs mois et offre des interventions médicales, dont la chirurgie – ou encore à des travailleurs sanitaires et des infirmières de niveau intermédiaire. Ce sont des non-docteurs qui ont effectué la moitié des actes chirurgicaux dans les centres concernés par l’étude de Plos Medicine. M. Kushner a dit qu’il était essentiel de préparer les travailleurs sanitaires de tous niveaux à pouvoir effectuer des procédures chirurgicales d’urgence, plutôt que de devoir se passer des soins chirurgicaux.

Et maintenant ?

Une résolution pour la prochaine Assemblée de la Santé mondiale de l’OMS en mai 2011 prévoit de créer un département de soins chirurgicaux et anesthésie à l’OMS ; elle a été distribuée aux ministères de la Santé.

L’Initiative mondiale pour les soins chirurgicaux d’urgence, une collaboration internationale des ministères de la Santé lancée en 2005 pour favoriser le développement des soins chirurgicaux d’urgence comme moyen de réaliser les OMD, doit être abandonnée progressivement. « La chirurgie est un des éléments de la planification de la santé publique qui a été longtemps négligé et il est clair que cela doit changer, » a dit le directeur de l’Initiative pour la sécurité de la chirurgie, M. Gawande.

De plus, les besoins chirurgicaux et les coûts des soins d’urgence sont encore mal compris, selon M. Kushner dont l’ONG prévoit de mener une étude sur l’ensemble des besoins chirurgicaux des différentes communautés, plutôt que de se limiter à la façon dont sont utilisés les centres de santé. « Nous ne pouvons pas vraiment apprécier les besoins d’une population en ne tenant compte que de ceux qui décident effectivement de se faire soigner dans un hôpital et survivent pour profiter de ces soins. Nous pensons que les individus victimes du manque de soins chirurgicaux sont plus nombreux, mais qu’ils meurent en réalité avant d’arriver à l’hôpital. »

pt/mw -og/amz / Irin

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