Quand l’Etat ferme les yeux… Quand l’Etat est lâche…
On ne parle plus de la guerre, ni d’agressions dans le Kivu. Surtout dans les villes où la population vaque plutôt normalement à ses occupations. Certes, dans l’Est de la RDC, des bandes armées étrangères et autres milices sévissent toujours. La vie a-t-elle repris ses droits ? Quelle vie ? La mort hante toujours le peuple congolais. Une mort certaine, comme écrite, inscrite dans les têtes.
Ils ont entre 4 et 13 ans, ces enfants qui passent tout leur temps, sous la pluie comme sous le soleil à courir de 7 heures du matin à 21 heures du soir derrière les taxis qui arrivent et repartent aux arrêts de bus. Leur travail ? Crier pour attirer le client et atteindre cet objectif : réunir 4 à 6 passagers pour empocher 50 francs congolais par course décrochée. Qui se soucie d’eux ?
Les mots n’ont plus de sens. Des millions d’enfants ne connaitront que la pauvreté généralisée, la déscolarisation, la famine, l’insécurité, l’exode rural, le chômage… Ils ne peuvent même pas imaginer qu’il puisse exister autre chose. Et que ces mots ont leur contraire : pauvre, riche, chômage, travail, guerre, paix, école, rue…
Depuis ma petite enfance, j’entends les politiques congolais, les représentants de la communauté internationale à Kinshasa et dans nos grandes villes de province et les expatriés onusiens clamer que «l’enfant est notre bien le plus précieux, que c’est l’avenir etc.»
De quel genre d’enfant parle-t-on ici ? D’un enfant dont la seule instruction est de connaître sur le bout des doigts les circuits du banditisme et de la délinquance ?
Avec quelles conséquences ? Ceux qui avaient 10 ans à la fin des années 90 ont servi dans les milices, les groupes armés. Parfois enrôlés de force, parfois volontairement, histoire de faire quelque chose, de survivre en faisant la guerre, se payer sur la bête, en pillant les villages…
Nos enfants d’aujourd’hui feront la guerre de demain car ils n’auront rien d’autre à faire, rien d’autre pour assurer leur propre survie.
Une fois démobilisés, ces jeunes, pour la plupart d’entre eux, sont à la rue. Hordes grouillantes. Gamins débrouillards qui pourront émerveiller par leur ingéniosité le touriste de passage à Kinshasa parce qu’ils auront confectionné de «si belles petites voitures» avec trois fils de fer et quelques capsules de bière… Gamins débrouillards, c’est vrai, qui passent leur temps à laver des voitures, faire le receveur dans les taxis-bus, faire la sentinelle la nuit…
Certains se battent pour rester propres, ne pas perdre la tête. Beaucoup sombrent. Se livrent à la drogue, consomment de l’alcool frelaté, tombent entre les mains de mafias urbaines et deviennent une main d’œuvre facile. Ils se «spécialisent» vite dans le vol à main armé, dans l’assassinat organisé. Dans le Sud-Kivu, on les appelle les « Finders ». C’est-à-dire les hommes qui trouvent et qui… tuent sans pitié.
Pascaline Zamuda
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