La raison d’être des organisations humanitaires est de porter secours aux populations en danger dans les zones de combat, sur les chemins de l’exode et dans les camps de réfugiés et de déplacés. Jusqu’il y a peu, l’assistance s’adressait en priorité aux besoins vitaux (nourriture, eau, installations sanitaires, soins de santé et abris). Ces dernières années cependant, les acteurs humanitaires sont de plus en plus interpellés par les répercussions des catastrophes naturelles et des conflits armés sur l’équilibre émotionnel et social des individus et des communautés. Cela les a conduits à proposer des programmes de santé mentale.
Bien que toute la population soit touchée par une catastrophe naturelle ou un conflit armé, certains groupes de personnes présentent une vulnérabilité accrue les prédisposant à subir des dommages, des menaces ou des pertes quelconques et/ou à souffrir de leurs conséquences.
Généralement, on compte parmi les individus et les groupes vulnérables les enfants, les femmes, les personnes âgées, les handicapés et les malades (notamment, les personnes atteintes par le VIH/SIDA), les minorités (ethniques, politiques, religieuses, linguistiques, nationales), les ex-combattants, les anciens détenus, les personnes endeuillées, violées ou torturées. Cette liste n’est toutefois pas exhaustive, d’autres groupes pouvant courir un risque particulier dans une situation déterminée. A contrario, tous les groupes cités ne sont pas à risque en toutes circonstances. Soulignons que les individus et les groupes d’individus déjà marginalisés dans leur communauté en temps de paix deviennent généralement plus vulnérables encore en situation de crise. Notons également que lorsqu’un groupe est en situation de risque, il est probable que d’autres soient également affectés.
Les enfants
Les enfants courent un risque important d’être victimes de violences sexuelles et d’être exploités ou recrutés par les parties combattantes. Certains sont contraints d’endosser prématurément un rôle et des responsabilités propres aux adultes. En cas de décès de leurs tuteurs, ils ont à prendre en charge leurs cadets et deviennent ainsi chefs de famille. D’autres doivent pallier pratiquement ou économiquement la déficience qu’entraîne l’absence, le handicap ou la maladie d’un parent. Dans les situations de crise, les filles sont souvent mariées plus jeunes que dans les contextes stables, soit pour assurer leur sécurité (leur famille les placent sous la responsabilité de leur époux) soit par nécessité (en les mariant, leur famille se débarrasse d’une bouche à nourrir). De ce fait elles deviennent souvent mères alors qu’elles ne sont elles-mêmes que des enfants. Les enfants sont également plus vulnérables que les adultes face aux épidémies et à la famine, deux fléaux fréquents dans les situations de guerre, de catastrophe naturelle, d’exode et de déplacement.
Les femmes
Les femmes risquent davantage que leurs pairs masculins d’être agressées sexuellement (viols, esclavage sexuel, exploitation sexuelle, grossesses forcées, services sexuels comme monnaie d’échange, etc.) et de subir des discriminations qui les marginalisent de leur communauté ou limitent leur accès aux diverses ressources disponibles (nourriture, articles non alimentaires, soins médicaux, etc.). Cette considération ne doit toutefois pas occulter le fait que les femmes possèdent des capacités, des compétences et des stratégies efficaces pour faire face à leur situation difficile. Il suffit pour s’en convaincre de penser à la force, au courage et à la ténacité dont elles font preuve en s’engageant comme combattantes, en se mobilisant pour la paix, en bataillant pour améliorer leurs conditions de vie et en luttant pour protéger leurs enfants. Leur vulnérabilité dans les situations de crise est en fait largement tributaire de facteurs environnementaux (normes sexistes, dysfonctionnements sociaux, précarité, promiscuité, etc.). Elles sont d’ailleurs d’autant plus vulnérables dans les contextes de catastrophe humanitaire que leur communauté tolérait déjà tacitement la violence à leur égard avant la crise.
Les hommes
L’intérêt des organisations humanitaires porté au secours des femmes et des enfants frappés par une catastrophe naturelle ou les violences de masse ne doit pas éclipser les dommages et les souffrances endurées par les individus de sexe masculin, notamment dans les contextes de conflit et de post-conflit.
Le personnel combattant des forces militaires nationales, des milices populaires, des forces policières politiques et des groupes armés des seigneurs de la guerre est en grande majorité constitué d’hommes. Ceux-ci sont parfois recrutés contre leur gré. En raison de leurs opinions et de leurs activités politiques ou guerrières, ils sont particulièrement susceptibles d’être blessés ou tués. Plus souvent et plus systématiquement que les femmes, ils sont aussi enlevés par des agents de l’Etat ou par des personnes agissant sous son couvert (disparitions forcées), arrêtés, détenus et exécutés arbitrairement (sans inculpation ni jugement). Ils sont également plus fréquemment l’objet de tortures.
Les combattants démobilisés forment un groupe vulnérable particulier, la plupart ayant été victimes mais aussi auteurs de violence (contre les troupes ennemies, les populations civiles et parfois même, contre leur propre communauté). Ils sont souvent marginalisés et rejetés par leur communauté. En effet, la population peut craindre, parfois à juste titre, ces individus rompus à la violence et perçus comme une menace potentielle pour sa sécurité, voire celle de la région ou du pays. Elle éprouve également de l’hostilité envers ceux qui ont commis des exactions à son encontre, même si ils ont été contraints par l’ennemi et manifeste souvent une arrogance méprisante envers les vaincus. Notons enfin que les catastrophes naturelles et les violences de masse laissent derrière elles de nombreux infirmes, objets de discriminations diverses.
Josse E., Dubois V. (2009), Interventions en santé mentale dans les violences de masse, De Boeck.