En décembre, j’ai participé au second chantier d’Emmaüs International sur le lac Nokoué, au Bénin. Depuis 2006, le mouvement y pilote un programme d’accès à l’eau potable et d’assainissement.
Des compagnons, bénévoles salariés de groupes «Emmaüs» de tous les continents s’étaient donné rendez vous pour constater l’avancée des travaux, rencontrer et travailler avec les habitants et participer à l’inauguration des 2 sites pilotes alimentés en eau potable : le village de Gbessou( 4000 personnes) et Ahomey Gblon (8000 personnes).
En effet, le mouvement Emmaüs International a déclaré l’eau comme droit fondamental et s’est lancé un défi : permettre à 70 000 habitants des villages lacustres du lac Nokoué- soit 9 villages de la commune de Sô Ava- d’avoir l’eau potable, des latrines et d’en assurer la gestion publique et coopérative.
Si les Toffinous, peuple de pêcheurs vivent sur un lac, paradoxalement, l’eau potable est manquante. Le lac est salé et pollué par les déjections et les détritus. Les femmes et les enfants sont obligés de se déplacer dans des localités voisines pour chercher l’eau, ce qui entraîne la déscolarisation de ces derniers. Certaines ONG ont installé des infrastructures mais, sans maintenance, celles-ci sont devenues caduques. En 2006, les habitants sollicitent un groupe Emmaüs Bénin, par le biais d’une association locale : «nous voulons l’eau !». Et ce sont 70 groupes Emmaüs du monde entier qui vont répondre à l’appel : par leurs activités, (ventes solidaires) les compagnons vont récolter des fonds pour financer les travaux. Les plus démunis ici se mettent ainsi au service des plus pauvres là bas.
A Emmaüs, on permet aussi aux plus démunis de se prendre en charge pour qu’ils retrouvent leurs droits et le droit à la parole. Ce qui est valable pour les compagnons d’ici et d’ailleurs l’est aussi pour le peuple du lac Nokoué : les Toffinous ont constitué une association d’usagers de l’eau, ont choisi eux-mêmes les lieux de forages, les sites prioritaires, les latrines, le prix de l’eau… Ils travaillent avec des associations locales d’intermédiation sociale sur les changements de comportement. Malgré les exigences du gouvernement et du FMI qui souhaitent la privatisation de l’eau, celle-ci sera publique et gérée coopérativement. C’est un véritable pas vers la citoyenneté pour ce peuple isolé, souvent oublié par les instances du pays et les divers plans de développement nationaux.
Faire ensemble, dans une alliance internationale, c’est ce qu’ont vécu les compagnons participant aux chantiers : creuser les tranchées pour les canalisations, construire une garderie ou ramasser les déchets plastiques… « J’apporte de l’amour aux gens avec ma sueur et mes mains et la richesse, je la prends au cœur » témoigne David, compagnon français. Loin de l’assistanat, on est bien dans une logique de citoyenneté et de solidarité. Albert Tévoédjré, Médiateur de la république du Bénin a d’ailleurs rappelé à la population, lors de l’inauguration du site de Gbessou que «ce ne sont pas des blancs qui apportent de l’argent aux noirs mais ce sont des pauvres qui viennent s’associer aux pauvres pour vaincre la pauvreté.»
Et ça marche. Emmaüs l’a prouvé et a donné rendez vous à la population en 2015 pour les objectifs du millénaire : les 9 villages auront l’eau potable. Emmaüs prouve ainsi que les pauvres du sud, du nord, de l’est et de l’ouest peuvent se prendre en charge et qu’un autre monde est possible.
Brigitte Grégoire
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- Les compagnons de l’eau de Nokoué – 3 janvier 2011