Au cœur de la crise syrienne, les Kurdes jouent un rôle de plus en plus important. Ils sont au centre d’un des plus vieux conflits régionaux qui remonte à près d’un siècle et qui couve depuis la Première Guerre mondiale. Dans cette période de grands changements en Syrie, qui n’est que l’un des épicentres d’un phénomène géopolitique à l’échelle régionale, certains partis politiques kurdes voient assurément une opportunité historique de réaliser leur rêve autonomiste.
L’objet de cet article sera de montrer que les enjeux qui pèsent sur l’actuelle région syrienne sous contrôle kurde (le Rojava) sont issus de dynamiques de plus en plus transfrontalières qui échappent au cadre national. Les cartes que les partis politiques kurdes tentent de jouer en Syrie, et dans une certaine mesure en Irak, ne dépendent plus des rapports avec un quelconque pouvoir central. L’effondrement des appareils d’État dans ces deux pays laisse de plus en plus d’espace à des acteurs locaux territorialisés qui reconfigurent fondamentalement les relations politiques, les systèmes d’influence et les échanges matériels aux frontières de ces États telles que nous les connaissions avant leur effacement. Nous tenterons de saisir dans ces lignes, la manière dont de nouveaux acteurs ont refait surface sur l’échiquier kurde, dont ils participent à l’élaboration de proto-États et comment ils interagissent pour générer de nouveaux enjeux frontaliers entre ces territoires nouveaux nés du chaos régional.
Le « Kurdistan » de Syrie :
fragmentation et territoire mal défini
En Syrie, les Kurdes constituent la seule grande minorité ethnique présente sur un vaste espace de peuplement. Les estimations donnent une communauté de près de deux millions d’âmes, soit 9 à 10 % de la population syrienne. Mais cet espace n’est pas continu ; il est composé de trois poches distinctes de peuplement kurde, toutes limitrophes de la Turquie constituant ainsi un prolongement du peuplement kurde de Turquie.
Contrairement aux Alaouites et aux Druzes, les Kurdes ne disposent pas d’une assise territoriale stable et définie. Ils sont éclatés entre plusieurs provinces, entre plusieurs petites poches de peuplement, contrairement à leurs homologues d’Iran, d’Irak et de Turquie.
L’éclatement des Kurdes en Syrie ne leur a pas permis de former une communauté compacte (1) territorialement ce qui aurait certainement constitué un atout pour leur intégration territoriale (composition d’une région administrative par exemple) ; contrairement aux Druzes qui possèdent leur propre province alors qu’ils sont démographiquement moins nombreux.
De plus, cet espace ne constitue pas – et n’a certainement jamais constitué – un territoire en tant que tel. Les Kurdes n’ont jamais politiquement contrôlé ce territoire en tant qu’entité : ils n’ont donc pas de mythe fondateur du territoire auquel ils pourraient se référer.
Enfin, certains secteurs sont des zones d’extrême mixité entre Arabes et Kurdes. Il est quasiment impossible, avant 2012, de tracer des frontières incontestables de ce que serait le Kurdistan de Syrie. Un tel exercice ne pourrait être que le fruit de compromis et d’affrontements c’est-à-dire d’un processus long et douloureux.
En fin de compte, l’absence d’une véritable dimension territoriale en tant qu’objet de revendication constituait une faiblesse pour les Kurdes de Syrie avant le début du conflit. Ce manque de cohésion territoriale et donc la quasi-absence d’éléments d’identification à un territoire identitaire – car le territoire en tant que mythe fondateur et mobilisateur d’une communauté créé de l’identité – ont été largement entretenus et alimentés par les stratégies de contrôle du pouvoir central depuis les années 50 : la politique d’arabisation en Syrie dans les années 1950-1960, concomitante à la montée en puissance du nationalisme arabe, a favorisé un déni de l’existence et une marginalisation de la communauté kurde.
En renforçant la fragmentation de l’espace, les régimes successifs ont cherché à priver les Kurdes de territoire, en tant qu’objet de revendication communautaire et identitaire. Cela entraîna inévitablement un mouvement d’exode des Kurdes vers l’étranger et les grandes villes syriennes (Damas et Alep) et un affaiblissement de leur poids démographique en zone kurde.
Structuration de l’horizon politique autour
d’une bipolarité PYD/PDK
Le déclenchement de la révolte syrienne en mars 2011 dans une région arabe sunnite (Deraa) éloignée des zones kurdes du nord ne provoqua pas immédiatement de réactions chez les principaux partis kurdes de Syrie ; ce qui peut paraître paradoxal étant donné que les Kurdes étaient bien organisés en structures politiques d’opposition depuis des années. Mais avec une insurrection qui s’étend à une majeure partie du pays à partir de l’été 2011, les principaux partis kurdes d’opposition, dont la plupart se trouvent en exil au Kurdistan irakien, se réunirent sous le patronage du Président de la région autonome kurde d’Irak, Mr Massoud Barzani, dont le but était de fédérer une opposition kurde syrienne commune.
À Qamishli (Qamishlo en kurde), en octobre 2011, le Conseil national kurde syrien (CNKS) fut créé pour coordonner l’action politique des partis kurdes de Syrie ainsi que celle des mouvements de la jeunesse (2) qui organisaient déjà sur le terrain, et ce depuis le début du mouvement de contestation, les manifestations contre le régime syrien. 15 des 17 partis kurdes rejoignirent ce conseil.
Le PYD (3) ainsi que le petit parti du « Courant du Futur Kurde de Syrie » de Rezan Shaykh Muss (Tayar el mustakbal el kurdi fi Suria) (4) n’acceptèrent au final jamais d’intégrer le Conseil national kurde syrien qui apparaît comme dominé par l’autre grand parti kurde rival du PYD : le PDKS (5). Le PYD reste un membre du CNCD (6), l’autre grande structure de l’opposition syrienne, mais tolérée par le régime de Damas. De même, le très actif mouvement de la jeunesse kurde Avahi choisit de conserver sa stratégie à l’échelle de la Syrie en restant fidèle au CNS (Conseil national syrien) (7).
Durant les mois qui suivirent sa création, la stratégie du CNKS fut de se faire accepter par le CNS. Mais l’opposition syrienne externe lui reprocha toujours sa stratégie régionaliste et son agenda communautaire.
Lors des conférences des amis de la Syrie, organisées à Tunis, Istanbul et Paris entre février et juillet 2012, les partis kurdes réunis au sein du CNKS n’ont jamais pu faire valoir leurs revendications. Le CNS, dominé par les Frères musulmans syriens, est en effet hostile à une reconnaissance politique du projet kurde au sein d’une nouvelle constitution syrienne de l’après Bashar el-Assad.
De plus, la Turquie, alliée du CNS, s’opposa farouchement, à Istanbul, à toute référence à la question kurde au sein de la charte de l’opposition syrienne. La reconnaissance de l’identité kurde et l’assurance d’une autonomie territoriale dans un cadre fédéral constituent pour le CNKS la position de base à toute entente avec l’opposition arabe.
C’est pour cette raison que la quasi-intégralité des formations politiques kurdes n’a pas emboîté le pas du mouvement de contestation débuté dans les villes arabes, privilégiant son propre dessein. Trop proche de ses bailleurs de fonds, comme la Turquie qui l’a créé mais aussi le Golfe, le CNS – et aujourd’hui la coalition nationale unifiée à Doha – n’a jamais été capable de fédérer l’opposition au régime syrien.
Il est probable que le rejet constant du CNKS par le CNS ait favorisé le rapprochement du PYD et du CNKS à partir du printemps 2012. C’est peut-être aussi pour éviter une guerre entre « frères » kurdes sur le terrain syrien que le PYD et le CNKS, qui partagent tout de même l’idée d’une autonomie politique dans une Syrie fédérale et démocratique, s’accordèrent pour unir leurs forces.
Le 11 juillet 2012 à Erbil, sous le patronage une nouvelle fois du président du KRG, Massoud Barzani, le PYD et le CNKS parvinrent à une alliance (l’accord d’Erbil) dont le but est le contrôle du territoire et des frontières par des patrouilles communes et la mise en place d’un système administratif régional commun.
Pourtant, jamais les deux formations politiques ne parvinrent à s’entendre malgré la création d’un organe commun appelé « Conseil suprême kurde (8) ». Le PYD devint progressivement dominant puis hégémonique dans l’ensemble des zones kurdes majoritaires de Syrie.
À partir de 2012, cette structure liée au PKK organise la gestion des trois poches kurdes syriennes et contrôle militairement par l’intermédiaire de son « armée du peuple » (YPG (9)) l’ensemble des secteurs peuplés par les Kurdes qu’il défend efficacement des tentatives d’incursion des groupes paramilitaires islamistes de l’opposition syrienne.
Marginalisé et exclu, le CNKS, dominé par des partis proches du PDK irakien de Mr Barzani, n’a plus aucun moyen d’action sur le terrain syrien.
La fracture PYD/CNKS
et l’autonomie unilatérale du Rojava
Considérant les accords d’Erbil comme périmés, le CNKS, à l’automne 2013, entama des pourparlers à Istanbul avec l’opposition syrienne externe afin d’entrer dans la CNS.
Le but recherché n’était certainement pas le rapprochement avec les milieux islamistes plutôt proches des Frères Musulmans, qui dominaient la CNS, mais bien l’opportunité de faire entendre leur voix devant les représentants de la communauté internationale en prévision de la réunion de Genève 2. Fin octobre 2013, le CNKS fut accepté dans la CNS (10).
Pour la première fois, l’opposition arabe externe, qui avait dû recevoir des pressions de la part de ses bailleurs de fonds pour afficher, en apparence, un front uni en prévision de la réunion de Genève, accepta les revendications des Kurdes sur l’autonomie, le fédéralisme et la reconnaissance de leurs droits.
Fin 2013, le divorce entre CNKS et PYD est prononcé. En entrant dans la CNS, le CNKS indiquait au PYD qu’il avait épuisé toutes les cartes à sa disposition pour le faire évoluer sur sa position hégémonique au Kurdistan syrien.
Pour sa part, comme il l’avait annoncé depuis plusieurs mois, le PYD, allié avec quelques partis kurdes secondaires (PC kurde, deux autres partis de gauche : El Hezb el Yasari el Kurdi fi Suria de Muhammad Mussa Muhammad, et aussi El Hezb el Democraty el Kurdi fi Suria de Djamal Muhammad Baqi), annonce unilatéralement, le 12 novembre 2013, que le Kurdistan syrien (nommé Rojava) dispose dorénavant de sa propre administration autonome.
Trois cantons dotés chacun d’une assemblée législative locale, d’une administration, d’un gouvernement provisoire de transition pour la gestion politique et territoriale (composé de 22 « ministres ») sont créés : celui de Djezireh, de Kobanê et d’Afrin. Ce projet apparaît d’emblée comme novateur dans une région du monde dominée par le centralisme.
Pour la première fois, les théories politiques du leader du PKK, Abdullah Öçalan, sont appliquées : autogestion démocratique locale, émancipation des femmes, anticapitalisme et écologie politique.
Fermeture de la frontière entre les deux proto-États kurdes :
la marque du désaccord
Ni le KRG ni le CNKS ne reconnaîtront, au lendemain de cette annonce, le processus d’autonomie, critiquant une « décision unilatérale ». Il faudra attendre l’automne 2014, après que les YPG soient venus en aide aux peshmergas du PDK contre l’EI à Makhmour et à Shingal, pour que Massoud Barzani reconnaisse la création du Rojava. Bien sûr, ni la Turquie, ni la CNS qui crie à la trahison et à la partition de la Syrie, ni Damas, ni même la communauté internationale ne reconnaîtront cette décision.
Entre novembre 2013 et l’été 2014, les Kurdes de Syrie durent ainsi faire face à un isolement diplomatique se traduisant par un enfermement commercial quasi total, que les Kurdes de Syrie qualifieront de « triple embargo » (côtés syrien, turc et kurde irakien).
Le contrôle des frontières du Rojava est vital pour l’existence même des Kurdes en Syrie. Outre la protection des populations, ils ont besoin de se ravitailler en nourriture, en médicaments, en matériaux de construction et en produits divers. Le PYD cherche ainsi à contrôler tout ce qui rentre au Rojava ainsi que ce qui en sort : commerce, aide humanitaire, réfugiés. Car si l’administration veut avoir une chance de fonctionner, les cantons ont besoin d’un budget. Et les taxes aux frontières sont un moyen direct de récolter des revenus. La circulation des personnes et des marchandises, comme le contrôle de cette circulation entre le KRG et le Rojava, apparaissent donc comme des nécessités, ce que les deux côtés ont rapidement compris. L’ouverture avec l’Irak constitue l’unique bouffée d’oxygène pour le Rojava, tant que la Turquie n’aura pas normalisé ses relations avec le PKK et que la crise syrienne ne sera pas résolue.
À partir de 2013, le KRG se lance dans la construction d’un pont flottant sur le Tigre (le fleuve servant ici de frontière « naturelle ») pour mieux canaliser et contrôler l’afflux de réfugiés syriens, mais aussi pour acheminer l’aide humanitaire au Kurdistan syrien en cas de besoin et peut-être, à l’avenir, édifier un lien stratégique entre les deux régions kurdes en construction. L’ouverture du pont de Simalka, au printemps 2013, permit ainsi d’effectuer des livraisons de marchandises par camions et d’évacuer des blessés alors que jusque-là, les passages s’effectuaient uniquement à l’aide de barges sur le Tigre.
Quand le KRG décide d’ouvrir le passage, à l’insu du gouvernement de Bagdad, seule autorité apte théoriquement à autoriser l’ouverture d’un poste frontalier sur les frontières internationales du pays, Erbil pose d’emblée comme condition l’application des accords d’Erbil à ses partenaires syriens. Traduction : le PYD doit accepter d’intégrer les membres du CNKS dans la gestion politique du Rojava.
Dans ces conditions, rapidement, ce trait d’union devint un enjeu dans les relations politiques entre Kurdes. Avec le conflit syrien et surtout les difficultés économiques et la dégradation des conditions de vie au Rojava, une part croissante de la population kurde de Syrie chercha à venir s’installer au KRG.
Les mouvements de réfugiés, qui avaient débuté en 2012, s’accélérèrent pour atteindre un pic lors de l’été 2013, ce qui eut comme conséquence d’alarmer les dirigeants du Rojava.
Outre le fait que cet exode n’était pas bon pour l’image du PYD, il privait les régions kurdes syriennes de ses forces vives et mettait en danger l’existence même des territoires kurdes qui se trouvaient de plus en plus sous la menace des groupes rebelles islamistes. L’attraction du KRG pour une partie des Kurdes syriens, dans cette période de rivalité entre PYD et PDK d’Irak, obligea les autorités kurdes de Syrie à limiter, voire à empêcher l’exode (11).
Le point de passage nouvellement réactivé devint rapidement un enjeu de pouvoir et un objet de conflit entre les Kurdes du PDK irakien et les Kurdes pro-PKK. Dès octobre 2013, le KRG boucle le pont pour faire plier le PYD alors en conflit ouvert avec les partis du CNKS qui refusent son hégémonie. Les peshmergas irakiens du PDK d’Irak iront même jusqu’à interdire l’accès vers le KRG au leader du PYD, Salah Muslim, qui souhaitait voyager en Europe via l’aéroport d’Erbil (12). La fermeture du pont durera plusieurs mois (13) et sa réouverture partielle n’intervint que début 2014, après un nouveau round de discussions entre le PYD et le CNKS à Erbil fin décembre 2013.
L’offensive des djihadistes de l’EI, en août 2014, sur le Kurdistan irakien modifia temporairement les relations entre le PKK et le PDK. En grande difficulté dans la région de Nineva (ouest et nord de Mossoul), les peshmergas irakiens durent reculer et abandonner de nombreux territoires qu’ils contrôlaient jusque-là, comme le poste-frontière de Rabia, le Djebel Sindjar, Sahel Mossoul et le sud du district de Makhmour.
L’aide rapide et spontanée du PKK et des YPG en Irak a permis aux peshmergas de Massoud Barzani de se réorganiser, de stabiliser le front et de commencer une contre-offensive avec l’aide de la Coalition internationale à partir du mois de septembre et de sauver des dizaines de milliers de Yézidis encerclés par les djihadistes.
Cette union des Kurdes face à la menace djihadiste a débouché sur la reconnaissance du Rojava par Massoud Barzani, président du KRG, mais aussi sur l’ouverture de nouvelles relations entre partis kurdes concurrents.
Ce réchauffement déboucha sur une troisième réunion entre partis kurdes syriens à Dohuk, le 28 octobre 2014, sous le patronage du PDK. Les accords de Dohuk représentent la troisième tentative, toujours aussi fragile, pour réintégrer les partis marginalisés du CNKS dans le jeu politique kurde en Syrie.
Malgré l’ennemi commun et des intérêts communs, les grands partis politiques kurdes (PDK et PKK dans cet exemple) restent fondamentalement divisés. C’est la répartition des rôles régionaux entre ces acteurs politiques kurdes qui se joue, particulièrement en cette période de reconfiguration totale des influences de pouvoir et des territoires.
Conscients, dès le début du conflit, de leur faiblesse liée à leur manque d’assise territoriale et à leur dispersion dans une Syrie en recomposition, les partis kurdes syriens ont œuvré, chacun de leur côté, pour asseoir leur contrôle sur un territoire et des populations.
À ce jeu, le PYD est sorti vainqueur. Il semble avoir compris que le conflit qui se joue en Syrie est avant tout un conflit territorial et politique. Le projet d’autonomie du Rojava offre, pour l’instant, des acquis et des avantages considérables aux Kurdes proches du PYD : contrôle d’une bonne partie du Kurdistan syrien ; protection du territoire et de la population contre le régime syrien et les mouvements rebelles islamistes ; dissuasion face aux opérations militaires de la Turquie (14).
Dorénavant, les Kurdes sont devenus un acteur politique territorialisé de la scène syrienne ; et il faudra compter avec eux, car ils sortent renforcés de ces dernières années de conflit. Et cela le régime de Damas l’a bien compris.
Pourtant, les Kurdes de Syrie ont une marge de manœuvre réduite, car l’édifice politico-territorial demeure fragile pour deux raisons : la première, d’ordre interne, est liée à la composante fragmentaire de la scène politique kurde. La seconde est d’ordre externe ; elle concerne l’environnement géopolitique et stratégique des territoires kurdes de Syrie, à savoir le rôle que joueront, dans les années à venir, les autres acteurs de la région (région autonome kurde d’Irak, rébellion syrienne, Damas, Ankara, Bagdad) pris eux aussi dans des conflits qui se télescopent de plus en plus.
(1) La notion de « minorité compacte », traduction de l’expression anglo-saxonne « compact minority », désigne le regroupement sur un même espace des membres d’une même communauté. Elle est empruntée à A. Hourani (1946) et sera reprise par des auteurs comme N. Van Dam (1979). Hourani A. H., 1946 : Minorities in the Arab World. Oxford University Press, New York, 140 p. & Van Dam N., 1979 : The Struggle for Power in Syria. Sectarism, Regionalism and Tribalism in Politics, 1961-1978. Croom Helm LTD Publishers, London, 147 p.
(2) Il y a cinq mouvements de la jeunesse kurde ; tous ont un représentant au KRG. Avahi est le seul à ne pas faire partie du CNKS. Parmi les autres qui ont intégré le CNKS, nous avons le « Mouvement des jeunesses kurdes » (TCK) ou « Arakat Shebab el Kurd » qui est le plus actif ; l’« Unité de coopération des jeunes kurdes » (« Itihad Tansikiat Shebab el kurd ») ; la « Révolution des jeunes kurdes de Qamishli pour la liberté » (« Tawkhat el Shebab Qamishlu el Huriya ») ; et enfin, le mouvement « Alant » spécifique à la région de Koban.
(3) Partiya Yekitiya Demokrat – Parti de l’union démocratique : c’est le parti kurde de Syrie le plus puissant tant politiquement que militairement. Il représente la composante syrienne du PKK (Turquie), parti avec lequel il partage la même idéologie, la même organisation et la même stratégie.
(4) Dont le porte-parole était Mechaal Tamo, assassiné début octobre 2012.
(5) Parti démocratique du Kurdistan syrien, le parti frère du PDK d’Irak du président Massoud Barzani.
(6) Comité national de coordination des forces de changement démocratique. Il s’agit d’une instance de l’opposition interne et officielle en Syrie qui base sa politique sur les positions russes. Les mouvements politiques réunis au sein du CNCD ne prônent pas le renversement du régime syrien mais plutôt un changement en douceur et progressif, où le parti Baath aurait une place.
(7) Avahi a comme position de « faire évoluer les droits des Kurdes au sein du CNS ».
(8) Desteya Bilind a Kurd. C’est un conseil supérieur composé de cinq membres issus du PYD et de cinq membres du CNKS. Il est notamment censé chapeauter les divers « comités locaux » destinés à la gestion des populations et du territoire, ainsi que les embryons de la nouvelle administration.
(9) Yekineyen parastina gel : unités de défense du peuple.
(10) 11 membres sur les 127 de la CNS sont Kurdes et Abdul Hakim Bashar, leader du PDK de Syrie, est devenu vice-président.
(11) « Par exemple, le CSK [Conseil suprême kurde] a décidé d’interdire aux Kurdes syriens de quitter la région pour le prospère Kurdistan d’Irak voisin, craignant que les zones kurdes de Syrie ne se vident en raison du manque d’emplois, de services et d’électricité. » van Wilgenburg W., 2013 : « Clashes Break Out Between Kurdish Groups in Syria », Al Monitor, April 4, 2013.
(12) Lire à ce sujet le très bon article sur le blog de Sandrine Alexie : Alexie S., 2013 : « Bras de fer du PKK et du PDK sur le terrain syrien », blog Amêdî Kurdistan.
(13) La reprise de Tell Kotcher, fin octobre 2013, alors aux mains des islamistes de l’EIIL (État islamique en Irak et au Levant, ancien acronyme de l’État islamique – EI), fut un moyen pour les Kurdes syriens de rompre leur isolement soudain. En contrôlant le poste frontalier officiel de Tell Kotcher-Rabia, les YPG permirent aux autorités kurdes de Syrie de se rapprocher stratégiquement de Bagdad, alors en conflit ouvert, eux aussi, avec Massoud Barzani au sujet des zones en discussion et des ressources pétrolières qu’elles contiennent. Lors de la bataille de Tell Kotcher, les troupes irakiennes seraient même venues prêter main forte aux miliciens kurdes syriens.
(14) Le contrôle par le PYD du territoire kurde de Syrie est un moyen de contrer la stratégie d’Ankara qui régulièrement relance l’idée de créer une zone d’exclusion dans le nord de la Syrie. Il est clair qu’en cas de percée militaire en Syrie, l’armée turque devra faire face à un double front interne/externe : PYD en Syrie ; PKK sur son propre territoire.
Cyril Roussel
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