Politique humanitaire : les technologies de la communication transforment l’humanitaire

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Depuis l’ouverture du premier réseau de téléphonie mobile en Afrique en 1994, le taux de pénétration de cette technologie a atteint 65 pour cent. L’accès à Internet se développe également à toute vitesse. Aujourd’hui, les technologies de l’information et de la communication (TIC) facilitent grandement les interventions humanitaires et l’aide au développement.

«Les technologies de la communication transforment le monde dans lequel nous vivons», a dit Gabriella Waiijman, du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) en Afrique de l’Est, lors d’un récent évènement sur les technologies, les médias et l’aide humanitaire organisé à Nairobi par l’OCHA et l’organisation non gouvernementale (ONG) Adesco.

«Nous devons développer l’accès aux technologies de l’information et de la communication afin de garantir que les communautés  disposent des informations dont elles ont besoin pour prendre les bonnes décisions pour elles-mêmes et nous devons nous assurer que les moyens de communication adéquats soient disponibles pour qu’elles puissent communiquer avec nous», a-t-elle dit.

L’utilisation des TIC dans le domaine de l’humanitaire et de l’aide au développement serait en train d’atteindre un nouveau stade de maturité : les individus et les organisations partagent des ressources, adoptent des principes de transparence et acquièrent une plus grande efficacité.

IRIN a exploré les nouvelles manières dont les TIC sont utilisées pour favoriser le développement et acheminer l’aide.

SMS : Stephen Wang’ombe, producteur de pommes de terre près de Nyeri, au Kenya, a vu des négociants convaincre des producteurs d’accepter des prix ridiculement bas pour leurs produits. Mais M. Wang’ombe utilise M-Farm, un service d’information sur les prix en temps réel, sur son téléphone portable, pour savoir à quel prix vendre ses produits. Lorsque des négociants lui ont demandé d’accepter de vendre un sac de 120 kg pour 1 500 shillings (17,50 dollars), il a refusé, car il avait appris grâce à M-Farm que les vendeurs de Nairobi obtenaient entre 2 000 et 2 300 shillings (entre 23 et 27 dollars) pour le même poids. M-Farm permet également aux producteurs de se passer d’intermédiaire en les mettant directement en contact avec les détaillants. Les utilisateurs de M-Farm réalisent par ailleurs des économies, car le système les encourage à identifier leurs besoins communs et acheter en gros. « En Afrique, 80 pour cent de la nourriture est produite par de petits agriculteurs », a dit Jimmy Wambua, expert en sécurité alimentaire à M-Farm. « Ils vendent leurs produits à des prix plus élevés et concluent des affaires. »

Approvisionnement par la foule (crowd-sourcing) : Ushahidi est un outil de cartographie de crise en ligne, qui collecte des données sur Internet et par téléphonie mobile lors des catastrophes. Le Conseil danois pour les réfugiés utilise ce logiciel pour obtenir des retours sur ses interventions humanitaires. En janvier, un bénéficiaire du programme de transfert de fonds mis sur pied par l’organisation à Mogadiscio, en Somalie, s’est servi du site pour déposer une plainte par SMS : « L’un de vos employés du bureau de Mogadiscio m’a confisqué ma carte de retrait lorsque je suis allé chercher mes paiements mensuels. Je veux savoir pourquoi il a pris ma carte et je voudrais que vous m’aidiez à la récupérer. L’employé qui m’a pris ma carte m’a accusé d’utiliser un duplicata, ce qui est faux ». Selon Ivanoe Fugali, coordinateur de programme, ce logiciel a donné au bénéficiaire assez de confiance pour formuler sa plainte. Une enquête a permis d’identifier un problème dans le système, que l’organisation a rendu public sur Twitter et Facebook. « Nous obtenons des informations alors que le processus n’est pas encore fini, ce qui nous permet de réaliser des ajustements », a dit M. Fugali.

Twitter : Philip Ogola, responsable des TIC à la Croix-Rouge kényane, a multiplié par 26 le suivi de son organisation sur Twitter au cours de l’année dernière. Ses mises à jour en temps réel touchent désormais entre 50 et 80 millions de personnes par mois. « C’est un outil de gestion des urgences », a-t-il dit. Il informe ainsi le public de tout ce qui pourrait mettre des civils en danger : problèmes de circulation, incendies, manifestations, explosions, etc. « Nous pouvons lancer des alertes pour que [les gens] sachent facilement quels sont les besoins sur le terrain ». Lorsque les conducteurs de transports en commun se sont mis en grève à Nairobi fin novembre, la Croix-Rouge kényane a ainsi financé une campagne sur Twitter, sous le hashtag #CarPoolKE, pour faciliter le covoiturage. L’organisation a également travaillé avec Ushahidi pour créer une carte ouverte des habitants de Nairobi qui offraient ou cherchaient un covoiturage.

Imagerie par satellite : la technologie cartographique a permis au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) de remettre en état et d’étendre un système de distribution d’eau à Walikale, en République démocratique du Congo (RDC), à plusieurs milliers de kilomètres de distance. Le CICR a acheté une image satellite et a demandé à une équipe de bénévoles de l’Humanitarian OpenStreetMap Team de créer une cartographie urbaine à partir de cette image. Les employés de l’office local de l’eau ont ensuite utilisé cette carte pour identifier les systèmes de distribution d’eau, ce qui a permis de gagner du temps et de l’argent. « Les SIG [systèmes d’information géographique] peuvent beaucoup aider, même pour des petits projets comme celui-là », a dit Jean Vergain, du CICR au Kenya, qui utilise également les cartes et images satellites de Google Earth.

Veille d’Internet : en septembre, iHub — un espace ouvert pour la communauté TIC de Nairobi — a entamé une veille sur Internet pour dénoncer les propos incitant à la haine avant les élections générales de mars 2013. Les discours haineux auraient contribué aux violences qui ont éclaté dans le pays après les élections de 2007. Les membres d’iHub ne recherchent pas seulement les commentaires incendiaires provenant du Kenya, mais également ceux de la diaspora. « Il n’est même pas nécessaire d’être là pour véhiculer des informations négatives », a dit Kagonya Awori, d’iHub Research. Elle a ajouté que le nombre d’internautes au Kenya avait augmenté de 82,7 pour cent entre 2011 et 2012 et que la moitié d’entre eux avaient un compte Facebook. Si les avantages d’un meilleur accès à Internet sont évidents, cela peut également représenter certains dangers. Quelques organisations, dont iHub, surveillent ces éventuels problèmes de près. Les propos haineux repérés sont signalés à Uchaguzi, une cartographie de crise gérée par Ushahidi, qui en informe à son tour les autorités électorales ou le personnel de sécurité compétent.

Radio : la radio reste la forme de TIC la plus présente et le moyen de communication privilégié en cas de crise. « Elle peut apporter de l’espoir, des contacts et un certain contrôle de la situation », a dit Jacqueline Dalton, chef réalisatrice de BBC Media Action, l’organisme d’aide au développement de la BBC. En Somalie, BBC Media Action s’est associé avec BBC Somali Service pour mettre au point des émissions radiophoniques d’alphabétisation et pour diffuser des discussions sur les questions de développement et de gouvernance telles que le débat sur la nouvelle Constitution. « Dans un pays avec une culture orale aussi riche et où l’alphabet latin n’a été adopté pour transcrire le somali qu’en 1973, la radio est depuis des générations le moyen de communication le plus important », lit-on dans un rapport de BBC Media Action de 2011. Il en va de même pour de nombreuses zones rurales d’Afrique subsaharienne.

jh/rz-ld/amz

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