Rio + 20 : les absents… seront-ils présents ?

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Comme le dit Doña Xiomara Lizeth Mejilla (Nueva Suyapa, Honduras) : « Les hommes politiques ne savent pas ce que c’est de vivre dans un quartier pauvre avec seulement un lit, deux lits, une seule pièce dans laquelle on dort, on cuisine et on reçoit les invités. » Doña Xiomara Lizeth ne sera pas à Rio de Janeiro ce 20 juin 2012.

Qui est présent… et qui sont les absents de ce grand rendez vous Rio + 2012 qui vient de s’ouvrir? Aucun de ceux qui constituent un enjeu essentiel pour l’humanité…

Selon le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) plus d’un milliard d’êtres humains vivent avec moins d’un dollar par jour. 2,9 milliards de personnes vivent avec moins de 2 dollars par jour. Plus d’un milliard de personnes n’ont pas accès à de l’eau salubre. Chaque jour, 30 000 enfants de moins de cinq ans meurent de maladies qui auraient pu être évitées mais… 20% de la population mondiale détient 90% des richesses.

Qui représentera ou parlera au nom de cette foule immense ? Ces absents seront ils même au cœur des préoccupations de Rio + 20 ? Tel devrait être le véritable défi de ce « Sommet de la terre ».

Certes, les pauvres sont présents à Rio. Ils y habitent. Ils y survivent. Certains, par centaines, dans cette immense décharge qu’on s’apprête à raser filmée avec réalisme par le grand cinéaste brésilien Edouardo Coutinho (« Boca de Lixo »). Beaucoup d’autres vivent dans l’immense banlieue et dans les favelas que l’on pourra bien entendu visiter en toute sécurité comme il y a dix ans, comme il y a vingt ans, sous la conduite de « tour-operators » bien intentionnés. L’une des plus anciennes de ces favelas, Rocinha, est d’ailleurs juste en face du Sheraton.

Dans ces quartiers surpeuplés, les cariocas y dorment plus qu’ils n’y vivent puisqu’ils viennent travailler sur des emplois très précaires en centre ville, au bord des plages paradisiaques, après souvent de longues heures de trajet. A Rio, ce n’est rien de dire que la richesse côtoie la pauvreté… mais celle-ci la voit–elle ? C’est bien toute la question que doit se poser ce Rio+20.

La suppression de la pauvreté n’est pas une option. « L’éradication de la pauvreté est le plus grand défi auquel est confronté le monde aujourd’hui et une condition indispensable pour parvenir à un développement durable » (Résolution des Nations Unies, A/RES/65/236, déc. 2009).

Sur tous les continents, les personnes et les communautés frappées par la grande pauvreté luttent chaque jour pour pouvoir habiter parmi les hommes, alors qu’on ne cesse de les chasser de partout. L’inquiétude est grande pour un mouvement comme ATD Quart Monde,  de constater que ces personnes non seulement survivent dans des sites dégradés mais qu’au fil des ans ces sites sont de plus en plus pollués, où l’eau et l’air deviennent un véritable danger.

Le développement durable ne portera ses fruits que si l’avenir des personnes qui vivent dans les pires conditions est pris comme point de repère de la réussite des politiques engagées, au Nord comme au Sud.

Depuis 1992 des progrès peuvent être constatés dans le développement humain. Pourtant ceux réalisés dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le Développement, laissent de côté une bonne partie des personnes les plus pauvres. Un objectif –non atteint- de réduction de 50% de la pauvreté crée trop d’injustice. Cibler la moitié, cela fait beaucoup de laissés pour compte, beaucoup de personnes qui ne peuvent apporter leur contribution à la solution de ce problème.

Le mouvement international ATD Quart Monde espère vraiment qu’à Rio + 20, le développement humain et le développement durables seront enfin unifiés dans le cadre des Droits de l’Homme, et que l’on portera la plus grande attention à l’intelligence et la créativité des plus pauvres qui font face quotidiennement à cette dégradation des milieux de vie.

Une délégation d’ATD Quart Monde sera présente à ce « sommet de la Terre », composée de membres du mouvement originaires  du Brésil, de Bolivie et de France. Ils y seront présents avec toute leur force de conviction.

Pour ATD Quart Monde, il faut adopter une approche du développement durable basée sur les Droits de l’Homme qui permette d’impliquer d’avantage les Etats. L’inscription de conditions de travail décentes au cahier des charges des stratégies de développement est une étape incontournable, mais non suffisante. Nous demandons la mise en place d’une protection sociale universelle incluant la santé, l’éducation et un système de revenu minimum.

Et surtout: on ne parviendra à l’éradication de la misère et de l’exclusion qu’avec le concours de ceux qui la vivent quotidiennement. Et leur apport sera bénéfique pour l’ensemble du monde.

 

 

Pascal Percq

Pascal Percq

Pascal Percq est chargé de la communication à ATD Quart-Monde.

Pascal Percq

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