Burundi : enfin une commission indépendante sur les droits humains ?

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(Syfia Grands Lacs/Burundi) – Le 14 décembre dernier, l’Assemblée nationale burundaise a voté le projet de loi créant la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme. La société civile reste vigilante. Beaucoup de travail attend la CNIDH, car les violations des droits humains se sont multipliées ces derniers mois.

Après quatre ans de patience et de plaidoyer, les organisations de défense des droits humains burundais ont obtenu une première victoire. Le 14 décembre dernier, l’Assemblée nationale a voté à l’unanimité le projet de loi créant la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme (CNIDH). La société civile relève des améliorations dans le document soumis à l’étude en plénière par rapport au texte transmis par le gouvernement en janvier 2010, mais note également certains obstacles au bon travail de cette nouvelle commission.

Le 15 décembre dernier, dans une conférence de presse, Pacifique Nininahazwe, délégué général du Forum pour le renforcement de la société civile (FORSC) a qualifié par exemple de recul le mode de désignation des commissaires. Finalement, leur candidature sera libre, une commission ad hoc à l’Assemblée nationale déterminera la liste des candidats ensuite élus par les députés. Dans la version gouvernementale, les commissaires étaient élus par leurs pairs, dans les corps d’origine (organisations de défense des droits humains, associations féminines ou de défense des droits de l’enfant, professeurs d’université, etc.). Le projet de loi devant passer au Sénat avant promulgation, le FORSC souhaite que la chambre haute du parlement intègre parmi les commissaires trois catégories importantes selon son délégué général : les syndicats, le barreau et les bashingantahe (conseil des notables).

 

L’ONU tire la sonnette d’alarme

Pour la ligue de défense des droits humains Iteka, le statut des commissaires n’est pas explicite et pourrait être précisé par un décret. Édouard Biha, secrétaire exécutif d’Iteka relève également le fait que le financement de la commission se fera à travers le gouvernement. À ses yeux, cela enlève une certaine marge de manœuvre à la CNIDH. Pour différentes organisations de la société civile, le contrôle devrait plutôt être fait par l’Inspection générale de l’État et la Cour des comptes. Elles saluent cependant le fait que la commission sera régie par une loi organique et non par un simple décret comme c’était le cas d’une ancienne commission gouvernementale. Une avancée d’autant plus importante que les droits humains n’ont cessé d’être violés durant la période électorale et après les élections.

Selon un rapport du Secrétaire général sur le Bureau intégré des Nations Unies au Burundi (BINUB) publié le 9 décembre dernier, depuis les élections communales de mai 2010, 365 personnes ont été arrêtées par les forces de sécurité et/ou les services de renseignement pour motifs politiques ; 213 parmi elles seraient toujours en détention. La majorité de ces arrestations ont été irrégulières, précise M. Ban Ki-moon. Ce rapport note que les exécutions extra judiciaires sont passées de 27 en 2009 à 29 en 2010. Il mentionne également les 18 corps retrouvés dans la Rusizi, en septembre dernier. Sur la torture, alors qu’aucun cas n’avait été signalé en 2009, le BINUB en confirme 18 cette année. Et, s’agissant des violences sexuelles, le rapport onusien souligne qu’entre janvier et octobre 2010, le ministère des Droits de la personne humaine et du genre a enregistré 1 727 viols.

D’autres organisations soulignent par ailleurs l’intensification de certaines restrictions. Dans un rapport publié en novembre dernier, Human Rights Watch déclare : « À la suite d’élections agitées (…), la société civile, les médias et les partis d’opposition sont soumis à une répression accrue. » HRW cite le journaliste Jean-Claude Kavumbagu emprisonné depuis juillet dernier, accusé de trahison pour avoir publié un article critiquant les services de sécurité de l’État. Des leaders de partis d’opposition sont en exil ; les défenseurs des droits humains sont la cible d’intimidation et de harcèlement.

« Garantir l’exercice des droits et libertés »

Dans une déclaration publiée à l’occasion de la Journée internationale de lutte contre la corruption et de la Déclaration universelle des droits de l’Homme des 9 et 10 décembre derniers, une dizaine d’organisations de la société civile demandent au gouvernement de « garantir l’exercice des droits et libertés reconnus par la Constitution et les textes internationaux aux acteurs de la société civile, aux médias et aux partis politiques d’opposition, de libérer les journalistes Jean-Claude Kavumbagu du journal en ligne Net Press, Faustin Ndikumana de la Radio publique africaine, ainsi que tous les autres prisonniers politiques ou d’opinion. »

« La CNIDH a de la matière », résume Édouard Biha. Cette commission a entre autres missions d’enquêter sur les violations des droits humains, de demander aux instances habilitées de sanctionner leurs auteurs et de réclamer des indemnités pour les victimes, notamment quand ces droits sont bafoués par des agents de l’État. Les commissaires auront l’avantage d’avoir l’immunité de poursuites dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions. Ils auront un mandat de quatre ans renouvelables.


Syfia International

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