Institut Panos Paris : l’expérience du Journal du Citoyen en Tunisie

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Le 23 septembre dernier paraissait en Tunisie le premier numéro du Journal du Citoyen (جريدة المواطن), un journal de quatre pages fruit de la collaboration entre le Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT) et l’Institut Panos Paris, bénéficiant d’un financement de l’Union européenne. Transposition au contexte tunisien d’une initiative précédemment conduite en République Démocratique du Congo (RDC) et en Centrafrique, le « JdC » est un exemple intéressant de formation au service de l’information, notamment dans des pays connaissant une forte ouverture du secteur médiatique, comme peut l’être la Tunisie de l’après-14 janvier 2011.

Historique : les précédents congolais et centrafricain

La première expérience de « JdC » a été initiée il y a six ans (1) en République Démocratique du Congo à l’occasion de la tenue des premières élections générales depuis quarante ans. Plus largement l’objectif était d’allier dans un même projet la formation professionnelle de journalistes, l’information électorale et le soutien aux entreprises de presse locale. Affichant le plus gros tirage de la presse papier congolaise avec ses 8.500 exemplaires hebdomadaires et bénéficiant d’une diffusion numérique complémentaire, le journal a ensuite évolué pour se recentrer à partir de 2007 sur les questions d’éducation civique et notamment de promotion de la femme.

Durant six ans et avec près de 200 numéros édités, la formule utilisée à toujours été la même :
– constitution d’une rédaction composée de journalistes (ou étudiants-journalistes), travaillant initialement sur des supports médiatiques différents ;
– réalisation d’une publication à rythme régulier sur des thématiques d’intérêt général ;
– diffusion du journal de façon large aussi bien dans la capitale, Kinshasa, qu’en région.

Dans cette lignée, le premier numéro de Kôngô Ti Doli, le journal des droits de l’homme (2) a été publié en Centrafrique, le 6 avril dernier, dans le cadre d’un projet de formation analogue réalisé avec une équipe de journalistes professionnels et d’étudiants en journalisme centrafricains. Pour l’occasion, la « rédaction » du projet a été scindée en deux groupes, l’un réalisant le journal, l’autre une émission de radio diffusée sur les ondes de Radio Ndeke Luka.

Transposition au contexte tunisien:
premier objectif, le 23 octobre 2011

Le projet d’un Journal du Citoyen en Tunisie a été élaboré, de pair avec le Syndicat National des Journalistes Tunisiens, dans les mois qui ont suivi la chute du régime de Ben Ali. Réunissant des journalistes professionnels issus de tous types de médias privés comme publics : agence de presse, presse écrite papier/web, radio ou télévision, ainsi que des pigistes et des journalistes sans emploi, la rédaction a été constituée en tâchant de respecter une représentation paritaire et équilibrée en terme d’expérience.

Après une semaine de formation consacrée à la pratique journalistique en période électorale, assurée par une équipe de formateurs, les journalistes ont été directement mis à contribution pour la réalisation du premier numéro du journal. Trois semaines plus tard, plus de 2000 exemplaires en arabe et français du « JdC » étaient imprimés et diffusés en version numérique à des lecteurs des deux rives de la Méditerranée. Riche d’articles variés portant sur l’organisation pratique des élections de la Constituante et de points de vue citoyens sur des enjeux actuels comme la place des partis islamistes ou la question de la parité, le journal est diffusé à Tunis comme en régions grâce aux cinq antennes du Syndicat.

La philosophie du journal :
mixer les compétences

L’une des spécificités du Journal du Citoyen, qu’il soit produit en République Démocratique du Congo, en Centrafrique ou en Tunisie est de faire travailler conjointement des profils et des expertises différents. Dans la constitution de la rédaction tout d’abord, mais également dans l’articulation entre ressources locales et internationales.

Faire travailler ensemble pour la production d’un journal papier des professionnels habitués à travailler sur des supports différents est un véritable défi. Afin de pallier les baisses de motivation ou les manques de pratique écrite de certains, la présence d’un encadrement compétent et disponible est primordiale d’autant plus que les rythmes de production (bimensuelle voire hebdomadaire) exigent une vraie discipline.

Cette présence constituée de ressources locales préalablement identifiées est certainement une des clés du bon déroulement de l’initiative. Comme dans l’ensemble des actions que conduit l’Institut Panos Paris, la philosophie d’action n’est en aucun cas de substituer aux personnes locales compétentes des personnes provenant de l’extérieur mais au contraire de constituer des équipes riches et de travailler dans une logique de formation de formateur et de transfert de compétences. Les expertises étrangères sont mises à contribution de façon régulière mais n’interviennent qu’en appui des ressources nationales qui sont les principaux artisans du Journal.

En somme, le Journal du Citoyen dans sa version tunisienne, résultat de la collaboration d’une vingtaine de journalistes, de trois formateurs dont deux tunisiens, de secrétaires de rédaction et de plusieurs ressources administratives, vise, comme avant elle les versions congolaises et centrafricaine, à former et à informer des citoyens responsables.

Les différentes versions du Journal du Citoyen :
– République Démocratique du Congo : Journal du Citoyen ;
– Centrafrique : Kôngô Ti Doli, le journal des droits de l’homme et l’émission sur Radio Ndeke Luka ;
– Tunisie : Journal du Citoyen.

(1) Le premier numéro du Journal du Citoyen est sorti le 30 septembre 2005 avec l’appui des coopérations britannique (DFID), belge et canadienne.
(2) Ce journal est diffusé dans le cadre d’un projet bénéficiant du soutien de l’UE et de Cordaid.

 

 

Charles Autheman

Charles Autheman

Charles Autheman, Responsable de programmes à l’Institut Panos Paris (IPP).