Les achats humanitaires, enjeux de cohérence et de responsabilité

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La responsabilité des organisations humanitaires ne se limite pas à leurs programmes : toutes leurs décisions sont susceptibles d’avoir des effets, positifs comme négatifs, sur la société, l’économie ou l’environnement. Les études réalisées par plusieurs organisations montrent que les achats sont une fonction clé pour réduire les impacts négatifs des opérations humanitaires.

L’inflation sur le marché local ou la raréfaction de ressources autour des camps sont des exemples bien documentés des effets négatifs que peut causer directement ou indirectement une intervention humanitaire. Dans cadre de leurs responsabilités sociales et environnementales, certaines organisations tentent de comprendre et de réduire les effets indésirables de leurs opérations.

Pourquoi se préoccuper d’achats ?

Plusieurs études quantitatives (bilans carbone chez ACF, empreinte environnementale chez MSF-Suisse, analyse de cycle de vie au CICR…) montrent qu’une part importante de ces impacts négatifs sont imputables aux biens et services achetés.  Ils peuvent avoir lieu alors que le produit acheté est en la possession de l’organisation, mais aussi en amont (au moment de l’extraction des matières premières, de la production ou du transport) ou en aval (lors de son utilisation après distribution ou en fin de vie). Les achats ne sont donc pas seulement un maillon important de la chaine d’approvisionnement et de la logistique humanitaire, mais également une fonction clé pour améliorer l’empreinte environnementale d’une organisation et influencer les pratiques de tiers, notamment les fournisseurs et les utilisateurs finaux des produits.

C’est souvent par souci de cohérence avec leurs valeurs et leurs mandats que les organisations humanitaires se dotent de politiques d’achat responsables. Un an après la catastrophe du Rana Plaza, des efforts sont d’autant plus indispensables qu’une ONG, comme tout donneur d’ordre, peut être mise en cause pour les mauvaises pratiques de ses fournisseurs.  Pour l’acheteur humanitaire, c’est un véritable défi : comment trouver un équilibre entre cette exigence et des contraintes difficilement compatibles comme la primauté des besoins opérationnels, le manque de temps et de moyens ou la faible sensibilité des fournisseurs ?

Qu’est-ce qu’un achat responsable ?

Même dans le secteur marchand, les achats responsables restent un domaine en cours de développement et de normalisation. La France y est chef de file avec l’adoption de la norme NF X50-135 qui sert de base à un groupe de travail pour la définition d’un standard international. Cette norme définit l’achat responsable comme un achat qui préserve de manière équilibrée et pérenne l’intérêt environnemental, social et économique de l’ensemble des parties intéressées et sert la performance du donneur d’ordre.

En pratique, un achat est responsable s’il prend en compte trois facteurs :

  1. Les conditions dans lesquelles le produit a été fabriqué : extraction des matières premières, conditions de travail, circuit d’approvisionnement…
  2. Les effets de l’achat sur le marché : inflation, risque de pénurie…
  3. Les impacts prévisibles après l’achat : consommation d’énergie, production de déchets…

Il est difficile d’évaluer et encore plus de réduire les impacts négatifs qui ont lieu en amont de l’achat, d’autant plus qu’il n’existe pas de règles simples permettant de juger des  performances d’un fournisseur : les normes applicables varient très largement d’un pays à l’autre et les textes de référence, comme les conventions de l’OIT pour les aspects sociaux, sont vagues. Les acheteurs doivent donc faire preuve de vigilance, mais surtout rester pragmatiques et adapter leur niveau d’exigences à la situation locale. La connaissance du contexte et le partage de cette connaissance entre organisations sont indispensables : un achat bénin dans un pays peut être sensible ailleurs (c’est le cas par exemple des produits forestiers dans les zones soumises à la déforestation et au trafic de bois).

Quelques bonnes pratiques

Quels que soient les critères retenus, on peut distinguer trois cas : celui où les manquements d’un fournisseur rendent l’achat impossible, celui où le niveau est satisfaisant et le cas intermédiaire où des risques ont été identifiés sans être rédhibitoires. Dans cette situation, le fournisseur doit être incité à améliorer ses pratiques. Idéalement, une approche partenariale devrait se mettre en place permettant, d’une part à l’acheteur de s’assurer que les produits répondent à ses exigences et que la qualité s’améliore, et d’autre part au fournisseur de gagner en compétence et de valoriser ses efforts.

Restent les effets de l’achat lui-même et ses conséquences alors que le produit est en possession de l’acheteur. Ces paramètres devraient être beaucoup plus systématiquement considérés. En particulier, il semble impératif de mieux tenir compte du coût global de possession dès la définition du cahier des charges.

Enfin, les acheteurs et les logisticiens devraient être formés aux achats responsables avant leur départ en mission afin de savoir identifier les achats critiques et les marges d’amélioration. Les acheteurs locaux devraient être incités à visiter les fournisseurs afin de détecter les risques. Sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres, le premier moyen d’action est la sensibilisation.

 

Le Réseau Environnement Humanitaire regroupe des organisations francophones engagées dans l’intégration d’une démarche environnementale dans leur action. Il a pour objectif de favoriser les partages d’expériences et l’intégration institutionnelle des préoccupations environnementales dans le secteur humanitaire.

Cet article est tiré d’une fiche de synthèse  réalisée par le REH suite à une réunion de mars 2014. 

Réseau Environnement Humanitaire

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Le Réseau Environnement Humanitaire regroupe des organisations francophones engagées dans l’intégration d’une démarche environnementale dans leur action. Il a pour objectif de favoriser les partages d’expériences et l’intégration institutionnelle des préoccupations environnementales dans le secteur humanitaire.

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