Les élections générales se sont tenues le 31 octobre dernier en Tanzanie. Si le président Jakaya Kikwete a été réélu sans surprise, un albinos a été choisi pour la première fois par la population pour siéger au Parlement. Une avancée significative pour les albinos, dans ce pays d’Afrique de l’Est où ils sont marginalisés et assassinés.
«Nous avons montré aux gens que nous étions normaux, et que nous sommes comme tout le monde.» «Cette victoire n’est pas seulement la mienne, mais celle de tous les albinos du pays.» Ces messages transmis depuis début novembre par le premier député albinos de Tanzanie, Salum Khalfani Bar’wani, rassurent les 150 000 albinos du pays. Le nouveau député de Lindi (sud-ouest du pays) est leur nouvel héros.
Il a ravi à la majorité une circonscription qu’elle tenait depuis 15 ans. Il apporte surtout à son parti, le Front civique uni, le seul poste de député de la Tanzanie continentale (les autres ayant tous été glanés dans l’archipel de Zanzibar).
Dans une interview à l’AFP, Salum Khalfani Bar’wani n’a pas manqué de souligner le changement dans les mentalités. «Auparavant, les gens ne croyaient pas qu’un albinos ou qu’une quelconque personne handicapée pouvait avoir une telle possibilité d’accéder à un poste de responsabilité sans bénéficier de sympathie ou être favorisée. Maintenant, ils pensent que nous pouvons y parvenir sans bénéficier d’une sympathie particulière», a-t-il dit.
Du changement attendu
Nombreux sont ceux qui espèrent que l’arrivée d’un albinos au Parlement changera l’opinion de la population. Déconsidérés, dénigrés, les albinos sont victimes des pires atrocités. Si l’élection d’un des leurs au Parlement constitue un pas en avant considérable, ces derniers vivent toujours dans la peur permanente de se faire attaquer. Et sont très critiques à l’encontre de leur gouvernement. Pour Ziada Nsembo, la secrétaire générale de la Société des albinos de Tanzanie (TAS), «le gouvernement a failli dans sa tâche». Joseph Masasi, le vice-président de la TAS, va encore plus loin. Selon lui, «aucun parti politique n’a pris au sérieux les problèmes des albinos. Cela montre bien que les albinos ne comptent pas».
Les attaques mortelles d’albinos explosent littéralement ces dernières années. Depuis 2007, près d’une soixantaine d’albinos ont ainsi été assassinés. D’autres l’ont été au Burundi, par des groupes que l’on soupçonne venir de Tanzanie. Des horreurs qui n’ont malheureusement pas épargné Mariamu Stanford, une albinos de 28 ans, en octobre 2008. Deux ans plus tard, elle n’a rien oublié de cette nuit. «Après avoir ligoté mes parents qui dormaient dans la pièce voisine, des hommes, dont un de mes voisins, m’ont sauté dessus avec des machettes. Ils m’ont coupé les bras», témoignait-elle au début de l’année dans la presse tanzanienne.
Dans un documentaire, tourné en Tanzanie par la chaine américaine ABC News, un témoin, Jackson Kanyerere, revient sur les origines des crimes. «L’idée est venue à certains que boire une potion d’albinos peut rendre riche. Ils ont donc déterré certains cadavres d’albinos. Puis, progressivement, ils ont attaqué les albinos. Ils ont créé un véritable business ; ça leur rapporte beaucoup d’argent car la demande est forte.»
Les enfants, visés en priorité
Ces nouveaux sorciers composent leurs breuvages à partir de membres humains d’albinos, et principalement des bras. Les sorciers sont particulièrement sollicités dans la région bordant le lac Victoria, où de nombreux pêcheurs et mineurs sont demandeurs de ces décoctions. Malgré toutes les précautions, les albinos n’échappent pas aux assassinats. Cruels, les agresseurs s’en prennent en priorité aux plus vulnérables : les enfants, jeunes de préférence.
Si certaines croyances ont un rôle indéniable dans les attaques, la pauvreté n’est pas à minimiser. Et c’est bien là le problème : dans les zones les plus reculées, certaines personnes, pour 1 000 ou 2 000 dollars, se laissent facilement convaincre par les sorciers de leur ramener un ou deux bras d’albinos.
Le gouvernement tanzanien, lui, a été amené à réagir, suite aux pressions de la communauté internationale. Première mesure décidée : la condamnation à mort des assassins d’albinos. En septembre 2009, trois premiers meurtriers ont ainsi été pendus en place publique dans l’Ouest du pays. Ils avaient tué un jeune enfant albinos. Le 1er février dernier, le même jugement a été retenu pour quatre tueurs.
Grotius International
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