Un paria pour l’occident à la tête de l’Inde?

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Les Indiens votent. Le nationaliste Modi du Bharatiya Janata Party est d’ores et déjà donné gagnant. 814 millions d’électeurs. 930.000 bureaux de vote. Un véritable marathon électoral… Neuf phases pour une élection – entre festivals, moissons et calendrier scolaire – qui se terminera le 12 mai. Voilà l’Inde. La plus grande démocratie au monde et le deuxième pays le plus peuplé avec 1,2 milliard d’habitants, et membre du G20. Le marathon vient de débuter en cette fin avril.

Les résultats des législatives, d’où découlera la désignation du futur Premier ministre, seront annoncés le 16 mai, quatre jours après la dernière phase de vote. Modi, nationaliste, rejeté par les capitales occidentales, va-t-il diriger ce géant ? Un paria pour la communauté internationale sera-t-il dans quelques semaines à la tête de l’Inde ?

Modi n’en a cure… L’intellectuel Dwijendra Narayan Jha, lui, par contre, n’a pas tort de s’en faire… L’historien qui fut visé par des menaces de mort en 2001 pour un livre sur la vache sacrée, verrait avec une pointe d’inquiétude l’arrivée du parti nationaliste hindou au pouvoir. Après que son domicile eut été attaqué, Dwijendra Narayan Jha a été placé sous protection policière durant trois années. Jha a notamment dû repousser des tentatives d’arrestation lancées par un ancien parlementaire du parti nationaliste hindou, le Bharatiya Janata Party (BJP), pour avoir suggéré que les hindous ont pu consommer de la viande d’un animal sacré ! Le BJP, dans l’opposition depuis 10 ans, est donc donné vainqueur par les sondages. Qui dit BJP dit Modi…

Narendra Modi est un hindou controversé, boycotté par les Etats occidentaux depuis de nombreuses années. La bouderie des occidentaux s’arrêtera là car Modi apparait comme non pas l’’homme providentiel mais comme l’homme de la situation pour cette société indienne au bord de l’éclatement. Donc Modi est – peut-être, le moindre mal…

A 63 ans, ce fils de vendeur de thé est donc donné favori des élections législatives indiennes. Le chef du Bharatiya Janata Party (BJP) qui incarne l’aile dure de son parti, suscite aussi la méfiance chez certains des siens. Donc pas seulement à Washington, Londres, Paris.  Adepte du yoga et végétarien strict, Modi est décrit dans une biographie comme « un moine en mission », imprégné d’une véritable idéologie nationaliste.

Pour rappel, mais les jeux semblent faits : l’adversaire de Modi aux législatives est le fort policé Rahul Gandhi, héritier de la dynastie Nehru-Gandhi, bien sûr formé à Harvard et Cambridge. Sa défaite est acquise. Inutile de s’appesantir sur le personnage car il ne pèse rien ou si peu dans l’avenir de l’Inde. Le monde occidental, Etats-Unis en premier, va devoir – a déjà, intégré Modi dans son logiciel. Modi est le prochain Premier ministre indien.

Autre rappel : Modi a été privé de visa par les Etats-Unis et boycotté par les pays de l’Union européenne à la suite des émeutes communautaires qui ont ensanglanté en 2002 le Gujarat, un Etat qu’il dirige depuis treize ans, et dans lesquelles plus d’un millier de personnes sont mortes, des musulmans en très grande partie. Les pays européens ont repris contact avec Modi en 2012 quand il a émergé comme le probable candidat de son parti au poste de Premier ministre.

Et après ? Ou plutôt, quels bouleversements cela induirait-il ? Sur le plan intérieur, celui des libertés d’abord : l’Inde a une législation stricte sur la censure et l’incitation à la violence communautaire qui remonte à avant l’indépendance de 1947 et est toujours appliquée. Modi pourrait-il remettre en cause cette législation ? Oui. Sans nul doute. L’homme est charismatique, entraine les foules. Reste à connaitre sa capacité à jouer – moduler la dose d’anti-occidentalisme diluée dans ses discours. Et connaitre sa pratique des affaires.

Sur le plan international : le Pakistan, le frère ennemi de toujours. L’’international’ est là, donc tout proche, historiquement, aux portes de l’Inde. Que dire de ce mélange détonnant pour les dix années à venir : un régime nationaliste à New-Delhi et un régime autoritaire et vacillant à Islamabad… Des violences régionales dans cet espace géographique seraient autrement plus désastreuses que la guerre en Syrie.

 

Jean-Jacques Louarn

Jean-Jacques Louarn

Jean-Jacques Louarn est journaliste à RFI.