«Le mécénat est une bonne affaire pour les pouvoirs publics», Olivier Tcherniak, président d’Admical, Carrefour du mécénat d’entreprise

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Au début de l’été dernier, le ministère du Budget envisageait de donner un sévère coup de rabot au système fiscal du mécénat. Admical, think tank et porte parole des acteurs du mécénat, a immédiatement réagi en mobilisant associations, fondations, entreprises et personnalités autour d’une pétition, signée par 3000 d’entre elles en quelques jours. La mesure de Bercy, qui selon l’association aurait provoqué une grave chute des dons, a donc été écartée. Le président d’Admical Olivier Tcherniak analyse les enjeux de cet épisode et envisage l’avenir du mécénat.

Les récentes tentatives de modification de la loi de 2003 sur le mécénat ont ouvert un nouveau chapitre dans la volonté récurrente de Bercy de remettre en cause le principe d’une solidarité entre les personnes privées et l’intérêt général. Considérer la défiscalisation comme une niche fiscale, un cadeau aux mécènes, entreprises ou particuliers, c’est ne pas comprendre l’esprit même de la loi : celle-ci est avant tout le cadre d’un engagement collectif au service du bien commun.

Dans cet esprit, la défiscalisation devient alors, non plus un cadeau mais un moyen de faire s’accroître les dons, et la part engagée par les pouvoirs publics dans un projet commun avec les associations, les entreprises et les particuliers. Il serait d’ailleurs utile, à ce sujet, que les montants défiscalisés soient plus précisément identifiés par Bercy, en particulier dans les projets les plus importants,  afin de bien montrer la part de l’Etat dans cet engagement collectif, mais aussi la part qui revient indirectement à l’Etat lorsque les entreprises soutiennent ses établissements.

Accepter de considérer le mécénat à travers tous ses mécanismes, c’est découvrir qu’il est une bonne affaire pour les pouvoirs publics : il permet à de nombreuses associations de développer des missions complémentaires à l’action publique (et parfois même de service public), pour un coût moindre à celui d’une action de l’Etat ; il permet de créer de l’activité économique, et souvent des emplois !

La défiscalisation doit être maintenue pour que l’engagement collectif perdure, et permette au monde associatif de poursuivre ce travail essentiel dans tous les domaines : solidarité, culture, environnement, santé, recherche, sport que permet aujourd’hui le mécénat.

Un maintien ? oui, mais notre position ne doit pas être comprise comme un simple statu quo. Telle qu’elle est aujourd’hui, la loi est à la fois imparfaite et trop souvent contournée. Imparfaite, nous le disons depuis plusieurs années : elle laisse de côté une grande part du potentiel de l’avenir du mécénat, avec le frein porté à l’engagement des PME/TPE, limité par un plafond de 0,5% du chiffre d’affaire. Il est nécessaire de l’assouplir. Nous avons proposé d’instituer une franchise  de 10 000 euros s’appliquant à toutes les entreprises et au delà duquel s’appliquerait ce plafond. On comprend que ce forfait ne toucherait pas les PME les plus importantes ni, bien sûr, les grandes entreprises. Il ne concernerait que celles dont le chiffre d’affaire serait inférieur à 2 millions d’euros. Et cela sans effet de seuil, contrairement à une solution consistant à relever le montant du plafond pour une catégorie d’entreprises.

Mais, s’il est nécessaire de l’assouplir, il est également indispensable de cadrer plus précisément cette loi, afin d’éviter les dérives trop souvent constatées aujourd’hui et qui la fragilisent. Le bien commun, ou, vu des pouvoirs publics, l’intérêt général, doit impérativement être au coeur de l’engagement de mécénat des entreprises pour qu’elles puissent bénéficier des avantages de la loi. Mais le sujet est délicat et la croissance du parrainage devra faire l’objet également d’un cadrage spécifique, en faisant particulièrement attention de ne pas rompre cette dynamique si utile pour les établissements culturels.

En 2013, nous fêterons les 10 ans de la loi. Si elle a représenté une avancée considérable pour le développement de l’engagement des entreprises, de la solidarité, ainsi que pour le maintien de l’efficacité  et de la croissance du monde associatif, ce sera l’occasion d’en faire le bilan et d’apporter les éléments nécessaires de cadrage et d’amélioration. Dans le droit fil de notre travail sur la Charte du mécénat, Admical a déjà engagé la réflexion nécessaire à cette évolution.

Enfin, le dernier élément que l’on peut tirer de ce positionnement partagé autour du bien commun entre les pouvoirs publics, les associations, les entreprises et les particuliers, c’est bien la nécessité de maintenir cet équilibre entre ces quatre apports complémentaires. La Fondation de France a bien raison de souligner l’importance de la philanthropie privée. Elle est indissociable des politiques de soutien qu’engagent les entreprises. Elle représente, en particulier pour le mécénat culturel, un contre poids à la baisse de l’engagement des entreprises dans ce domaine. Elle doit être défendue de la même façon et au même titre que le mécénat des entreprises parce que, dans les deux cas, c’est la solidarité nationale, la vie associative et la vie culturelle qui sont en jeu.

 

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La rédaction de Grotius International.

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