«Tunisian Girl»…

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Sur l’avenue Mohamed 5, les manifestants secouent les grilles du siège du Rassemblement Constitutionnel Démocratique, le parti de l’ancien président tunisien. La foule se presse, scande l’hymne national et brandit des affiches anti-Ben Ali. Au milieu de ce vacarme, une petite brune, d’aspect frêle, se promène et prend des photos. Souvent les gens la reconnaissent et la prennent en photo.

Lina Ben Mhenni a tout juste 27 ans. Professeur d’anglais à l’Université de Tunis, en quelques semaines, elle est devenue une des icônes de cette révolution, sous le nom de « Tunisian Girl ». Avocats maltraités, journalistes censurés et blogueurs poursuivis, pendant toute cette révolution, c’est Facebook, Twitter et les blogs qui ont relayé l’information puisqu’elle ne sortait plus.

« Au départ, je voulais juste écrire des poèmes, quelques pensées. Puis, je suis partie travailler aux Etats-Unis, enseigner l’arabe. C’est là-bas que j’ai découvert que mon blog était censuré, tout comme ma page Facebook d’ailleurs. Les autorités tunisiennes considéraient déjà que ce que je faisais était dangereux. »

A son retour en Tunisie, elle a choisi de leur donner raison. Dès le début de la révolte à Sidi Bouzid, elle est partie. Avec son appareil photo et son ordinateur, pour témoigner. Une démarche logique, presque, pour cette fille d’opposant. En effet, l’homme qui l’accompagne souvent dans ses déplacements et la protège de la foule, c’est son père, Sadher Ben Mhenni. « J’ai passé de nombreuses années en prison, je me suis battu contre la dictature, mais c’est Lina et tous ces jeunes qui l’ont fait tomber. ».

Plusieurs jeunes sont parvenus à monter sur le toit du bâtiment et commencent à démonter les emblèmes du RCD. Lina monte sur les épaules de son père pour prendre des photos. « Je ne suis pas journaliste. C’est juste que je ne pouvais pas rester sans rien faire. Quand j’ai entendu parler de tout ces gens qui mourraient à Sidi Bouzid, à Tala, à Kasserine,… je suis partie voir. »

Sur son blog, Lina écrit en arabe, en anglais et en français. Parfois, elle n’écrit pas du tout. Les images de massacres parlent d’elles même. Aujourd’hui, son site n’est plus censuré, mais sa vie est toujours menacée. La maison de ses parents a été cambriolée, elle est toujours surveillée par des hommes en civil. Même la nuit. Alors elle se cache chez des amis. Quand les universités réouvriront, Lina retournera enseigner. En tout cas, elle l’espère.

Edith Bouvier

Edith Bouvier

Edith Bouvier est journaliste indépendante, envoyée spéciale en Irak.