Changement climatique: bientôt, chaque village africain saura ce que la météo lui réserve

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Grâce au travail de collecte de données climatiques effectué par des scientifiques à l’échelle planétaire, des informations relatives à l’impact potentiel du changement climatique sur chaque métropole, ville ou village d’Afrique jusqu’au siècle prochain seront disponibles d’ici la mi-2012.

Le programme CORDEX (Expérience coordonnée de réduction d’échelle des prévisions météorologiques au niveau régional), une initiative de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), est désormais à même de traduire les données de modèles climatiques régionaux à l’échelle humaine, celle sur laquelle se basent les décideurs. Ces données aideront non seulement les pays, mais également les communautés à s’adapter aux régimes climatiques en évolution et à concevoir des plans de prévention des risques de catastrophes naturelles adaptés.

Ce travail est destiné à alimenter le prochain rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), dont la publication est prévue en 2014. Bien que CORDEX ait pour ambition de « réduire l’échelle » des données pour toutes les régions du monde, l’Afrique a été identifiée par le GIEC comme étant la plus vulnérable, et comme une priorité pour l’initiative. Historiquement, le continent africain a été l’objet de moins d’études, mais il constituera l’objectif du programme ces deux prochaines années.

Chris Lennard fait partie du groupe d’analyse des systèmes climatiques de l’Université de Cape Town (UCT), en Afrique du Sud, l’un des deux seuls groupes de modélisation climatique réduisant l’échelle des prévisions en Afrique. D’après lui, d’ici la mi-2012, les données climatiques pour les personnes vivant dans un rayon de 50 kilomètres les unes des autres devraient être disponibles pour toute l’Afrique.

L’autre groupe africain, lui aussi en Afrique du Sud, est basé au Conseil de la recherche scientifique et industrielle (CSIR), à Pretoria. «Des climatologues extérieurs au projet réduisent également l’échelle des données à une résolution de 22 kilomètres», a dit M. Lennard. «Cela signifie que nous disposerons de données à l’échelle de la ville. Toutefois, lorsqu’on évalue la vulnérabilité au changement climatique d’endroits tels que Johannesbourg, de nombreux autres facteurs extérieurs à la ville, comme la sécurité alimentaire et hydrique et l’accès à l’énergie, doivent être pris en considération.»

Fonctionnement

Prévoir l’impact du changement climatique est un processus compliqué qui doit prendre en compte les changements dans les moyennes à long terme des régimes climatiques quotidiens et de nombreux autres facteurs. Les modèles climatiques sont utilisés pour simuler des phénomènes survenant dans l’atmosphère, tels que les mouvements d’humidité ou de chaleur, ainsi que l’impact éventuel de la concentration croissante des gaz à effet de serre sur ces phénomènes.

Plus d’une vingtaine de climatologues africains se sont réunis à deux occasions en 2011, afin d’analyser les données du programme CORDEX. Ils ont décidé de diviser l’Afrique en trois régions : le Sud, l’Est et l’Ouest. Ils ont ensuite subdivisé ces régions en fonction de caractéristiques communes à leurs régimes de précipitations. Par exemple, ils ont choisi de diviser l’Afrique de l’Ouest en une région sud et une région nord, car la première connaît deux pics lors de sa saison des pluies, contre un seul pour la seconde.

Les climatologues divisent souvent les régions en fonction de modèles de précipitations communs, car les variables affectant les précipitations (mouvements d’air, pression, température, radiation, taux d’humidité) sont également responsables du changement climatique.

Malheureusement, les pays africains ne peuvent pas tous être évalués en raison d’un manque de soutien scientifique et de données d’observation. Pendant la première phase du programme CORDEX, les scientifiques ont testé la capacité des différents modèles climatiques régionaux à générer des données à partir de statistiques climatiques réelles pour la période allant de 1988 à 2010. « Le cadre historique choisi est trop réduit pour observer des tendances à long terme », a dit M. Lennard. « Nous voulions voir comment les modèles climatiques régionaux simulaient le passé afin de se faire une idée de la façon dont ils simuleront l’avenir ».

Les 14 modèles climatiques régionaux comprennent également des facteurs tels que le niveau de convection à petite échelle et l’interaction entre la surface émergée et l’atmosphère. Les scientifiques peuvent ensuite travailler à partir d’une position consensuelle définie par les résultats obtenus pour l’ensemble de ces modèles.

« Nous avons conclu cette phase et travaillons actuellement à la rédaction des résultats, afin de pouvoir les inclure dans le 5e rapport d’évaluation du GIEC », a dit M. Lennard. Les équipes attendent à présent les résultats des prévisions du changement climatique à l’échelle planétaire de 12 groupes internationaux de modélisation climatique basés en Europe, aux États-Unis et ailleurs.

Ces groupes, notamment le Centre international Abdus Salam de physique théorique de Trieste, en Italie, l’Institut météorologique et hydrologique suédois, l’Institut météorologique danois et l’université de l’État d’Iowa, font partie des plus grandes institutions internationales de modélisation climatique au monde. Elles ont simulé le climat terrestre en remontant jusqu’à 1950 et en se projetant jusqu’en 2100.

« Une fois que les données mondiales du modèle climatique seront disponibles, nous commencerons à réduire l’échelle, et nous partagerons les résultats de cette opération avec les équipes africaines pour les analyser. Nous prévoyons de disposer des premières données à l’échelle inférieure début novembre », a dit M. Lennard.

Donner un sens aux chiffres

Les prévisions sont vitales pour les communautés devant s’adapter à un climat de plus en plus instable avec des ressources limitées. Les premiers rapports d’évaluation du GIEC tendaient à se concentrer sur des modèles climatiques internationaux et des prévisions ne prenant pas en considération les conditions socio-économiques ou la vulnérabilité sous-jacente des communautés, écrit Saleemul Huq, l’un des principaux auteurs du GIEC.

« Ainsi, les impacts physiques déterminés par des modèles aux Pays-Bas ressemblent à ceux du Bangladesh, notamment parce que les deux pays partagent une topographie similaire, avec des deltas plats ; en réalité, il est probable que l’impact sur les habitants et les options dont ils disposent pour s’y adapter diffèrent grandement », a noté M. Huq dans un document d’information pour l’Institut international pour l’environnement et le développement (IIED).

« D’un point de vue technologique et financier, les Pays-Bas sont riches et peuvent s’adapter à l’élévation du niveau de la mer en édifiant des digues. Le Bangladesh, en revanche, n’a pas les moyens de construire des digues tout le long de sa côte, même s’il s’agissait de la meilleure solution d’adaptation ». Des rapports plus récents du GIEC ont opté pour « une vision plus détaillée des pays et régions les plus menacés par le changement climatique ».

L’une des caractéristiques unique de la campagne africaine de CORDEX est que les climatologues africains vont rencontrer d’autres scientifiques africains qui étudient la vulnérabilité, l’adaptation et l’impact du changement climatique sur les peuples afin de traduire les données chiffrées du modèle en une série d’informations exploitables. Des experts du Bénin, du Burkina Faso, d’Éthiopie, du Ghana, du Kenya, du Malawi, du Niger, du Nigeria, du Sénégal, d’Afrique du Sud, du Swaziland, d’Ouganda, de Zambie et du Zimbabwe analyseront les données.

« Ces scientifiques [qui étudient l’impact humanitaire du changement climatique] savent par exemple quels sont les seuils qui, s’ils sont franchis plus fréquemment, peuvent avoir un impact néfaste sur les communautés et si les habitants d’une certaine région sont plus vulnérables à une période de cinq ou huit jours de précipitations continues », a dit M. Lennard.

« Nous nous réunissons afin que les scientifiques qui s’intéressent aux impacts puissent poser leurs questions aux climatologues, qui pourront ensuite analyser les résultats du modèle avec ces questions à l’esprit et leur fournir des informations qu’ils pourront exploiter ». Leurs réponses serviront également à l’analyse incluse dans le 5e rapport d’évaluation du GIEC, qui consacre quatre chapitres à l’adaptation. Le rapport précédent, publié en 2007, ne consacrait qu’un seul chapitre au sujet.

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