Guide interprétatif du CICR sur la notion de « participation directe aux hostilités » en droit international humanitaire

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couverture du livreNils Melzer, conseiller juridique du CICR, est l’auteur du Guide interprétatif du CICR sur la notion de « participation directe aux hostilités » en droit international humanitaire (DIH) [1]. Dans le texte qui suit, Ghislaine Doucet, conseiller juridique – Délégation du CICR en France, présente ce travail important.

Ce guide, qui a été publié au printemps 2009, en Anglais, a pour objectif de clarifier les dispositions du DIH relatives aux personnes civiles qui participent directement aux hostilités en période de conflit armé, international ou non international et, ce faisant de mieux protéger les populations civiles contre lesquels les attaques indiscriminées sont absolument interdites.

En effet, fondé sur le principe fondamental de la distinction entre civils et combattants, le DIH protége les civils des attaques, à moins qu’ils ne participent directement aux hostilités et ce, pendant la durée de cette participation. Cependant, ni les Conventions du 12 août 1949, ni leurs deux Protocoles additionnels du 8 juin 1977 ne précisent quelle conduite constitue une participation directe aux hostilités [2].

De plus, l’évolution des caractéristiques des conflits armés contemporains conduit souvent à ne plus pouvoir distinguer avec précision les civils de certains combattants qui ne s’en démarquent pas par un uniforme ou en portant les armes ouvertement par exemple. En outre, le fait que certaines activités soient parfois confiées par des belligérants à des sociétés privées, peut conduire aussi à accroître la confusion entre civils et militaires.

Il est manifeste que cet environnement obscur est susceptible d’engendrer de graves conséquences tant au regard de la protection à accorder aux personnes civiles que dans les risques multipliés qu’encourent les combattants confrontés à des ennemis qu’ils ne peuvent identifier. Pourtant, si la différence entre la participation directe et la participation indirecte est difficile à appréhender, elle est indispensable au bon respect du DIH et à la protection des civils.

Partant de ces constats, le CICR a organisé, entre 2003 et 2008, plusieurs réunions regroupant une cinquantaine d’experts juridiques gouvernementaux, non gouvernementaux et universitaires et c’est sur ces discussions que le CICR a rédigé son Guide interprétatif. Pour autant, ce document qui présente les recommandations du CICR sur l’interprétation à donner aux dispositions du DIH, ne reflète pas les opinions divergentes qui se sont exprimées[3].

Ce guide expose notamment la position du CICR sur la définition de la personne civile, essentielle à sa protection, détermine les conduites qui, selon l’Institution constituent une participation directe aux hostilités et, par conséquent, entraîne la perte de la protection contre les attaques directes dont jouissent les civils.

Ainsi, selon ce Guide, les personnes sont considérées participer directement aux hostilités lorsqu’elles accomplissent des actes visant à soutenir un belligérant en causant directement préjudice à l’autre, comme, par exemple, endommager des biens militaires, entraver ou perturber le déploiement militaire, la logistique et la communication, par des actes de sabotage, par des attaques des réseaux informatiques, par un travail de renseignements, par des attaques armées ou télécommandées.

En revanche, de l’avis du CICR, la participation à l’effort de guerre, comme la production et l’envoi d’armes, la construction de routes et d’autres infrastructures, le soutien financier, administratif et politique, dès lors qu’il ne cause pas de préjudices direct à l’ennemi, ne constituent pas un comportement de participation directe aux hostilités de nature à entraîner la perte de la protection contre les attaques directes.

Notons enfin qu’en cas de doute sur la qualité d’une personne, celle-ci doit être, selon le CICR, considérée comme protégée contre les attaques directes. De plus, le seul fait pour un civil de participer aux hostilités ne constitue pas un crime de guerre.

Lorsque la protection accordée aux civils par le DIH est perdue, le civil qui a participé directement aux hostilités, non seulement bénéficie pendant la durée de sa participation des dispositions protectrices des combattants, mais peut retrouver la protection du civil dès lors qu’ils ne participent plus aux hostilités.

Soulignons, pour conclure, que bien que les opinions exprimées dans ce Guide ne soient pas juridiquement contraignantes, le CICR espère que les clarifications de la notion de participation directe aux hostilités qu’il a dégagées, offriront aux États comme aux acteurs non étatiques, des directions permettant de contribuer à mieux protéger la population civile contre les dangers des conflits armés.

[1] Le Guide du CICR, disponible en Français et en Anglais, peut être commandé auprès du CICR, à l’adresse :
[2] Pour en savoir plus : voir le n°872 (2008) de la Revue internationale de la Croix-Rouge (RICR) est intégralement consacré à « Participation directe aux hostilités » et est disponible en ligne .
[3] Un compte rendu exhaustif des discussions des experts figure dans des rapports distincts publiés avec le Guide interprétatif et disponible, en Anglais seulement .

Ghislaine Doucet

Ghislaine Doucet

Ghislaine Doucet est Conseillère juridique, Délégation du C.I.C.R en France.