En Californie, la faille de San Andreas ne se repose pas… Minutieusement les habitants se préparent au pire. Des tracts sont distribuer pour préparer la communauté, des cours sont offerts par les organisations humanitaires, la mairie organise discrètement l’après « Big One », et les scientifiques tentent de comprendre au mieux les activités sismiques et les zones à risque. Malgré le fait que l’on ne puisse pas savoir quand cela va arriver, beaucoup de gens travaillent tous les jours sur l’arrivée du fameux Big One… Rencontre avec l’armée de l’après séisme.
Que sait-on du Big One ?
La Californie est la zone dont l’activité sismique est la plus importante de notre planète. Il existe non pas une, mais trois failles qui cisaillent la zone. La plus connue, San Andreas, s’étale sur plusieurs centaines de kilomètres, du Nord au Sud. Elle sépare les deux plaques tectoniques du Pacifique et de l’Amérique du nord, confrontant ainsi leurs côtés latéraux. Déclarée zone à risque, il a longtemps été question d’un séisme dévastateur à venir, on le surnomme le «Big One ». Il frapperait directement le Nord de la Californie. La faille de Hayward située sur la banlieue Est de la ville de San Francisco, serait la cause du futur séisme.
Dans le passé, cette ville a déjà subi une telle catastrophe. En 1906, pendant 90 secondes, la terre tremble. C’est l’aube, San Francisco s’éveille à peine. A cette époque, ville champignon, les bâtiments sont fragiles et souvent construits en bois. Et en seulement une minute, la ville est détruite, à feux et à sang. Certains quartiers furent mêmes rayés de la carte. Les habitants désemparés, trouvent des refuges et commencent à reconstruire, oui, mais avec quoi et comment ? Les infrastructures évoluent, les autorités de la ville commencent pour la première fois à réfléchir sérieusement à l’impact sismique sur les constructions. On décide de renforcer des fondations, pour solidifier les bâtiments. En cette période, c’est le développement industriel, la ville se recouvre de routes asphaltées, de buildings et de ponts. Plus récemment, en 1989, un nouveau tremblement de terre, dont l’épicentre est situé près du pic de Loma Prieta (Santa Clara county) ravage San Francisco, en fin d’après-midi. De magnitude 7.1, il est cependant plus court que le précédent. A cette époque, les dégâts humains comme matériels sont moindres comparé à 1906, mais un grand désastre choque la population : le Bay bridge, cède par endroits… Ce pont, le plus grand de San Francisco, relie la ville à la banlieue Est (ou East bay). C’est une construction de 7200 mètres. Bien que rénové depuis, encore à ce jour, plusieurs projets tentent de le renforcer.
Mais San Francisco et sa baie, bouge beaucoup. « Près de 400 séismes par jour sur la baie » indique Peggy Hellweg du centre de séismologie, « mais ils sont tellement infimes, que nous les sentons à peine. » Le laboratoire collecte les activités sismiques quotidiennement, mais il n’est pas question de dater un futur tremblement de terre. « Nous ne pouvons prévoir quand, mais seulement à peu près où. La seule chose que le labo peut faire à ce jour, c’est de donner tous les détails d’une activité sismique lorsqu’elle se déroule ». San Francisco doit donc prévoir l’imprévisible.
Préparation : un budget, un travail
Plusieurs organisations préparent la communauté au «Big One ». Depuis 1989, elles souhaitent organiser l’état d’urgence et trouver les astuces pour le jour J. La mairie a, pour sa part, publié son rapport de crise en cas de séisme, quelques centaines de pages protocolaires distribuées aux diverses autorités. « Nous ne travaillons pas directement avec notre communauté, mais plutôt sur l’organisation des différentes autorités qui, elles, sensibilisent les gens activement. En prévision du séisme, notre rôle est de distribuer les tâches et d’organiser la synergie entre toutes les organisations », explique Laura Adleman. La mairie est très à l’écoute des futurs besoins générés par la catastrophe. Récemment, elle a créé une application pour informer le public en cas de désastre. Chez les pompiers, le groupe « Neighbourhood Emergency Response Team » est très actif dans la ville. Son but est de sensibiliser la population à préparer le séisme et à répondre aux nécessités de premiers secours.
Par ailleurs, les pompiers ont formé un réseau de volontaires qui pourront agir dans leur quartier, mais qui seront aussi en capacité d’intervenir dans des situations plus complexes, comme les incendies… « Il ne s’agit pas de former des pompiers, les volontaires ont surtout pour objectif de représenter un quartier, et d’établir un lien entre nous et la population. Il est important d’avoir des personnes compétentes pour gérer une communauté en temps de crise, aider les gens, les aiguiller et les rassembler », explique le Lieutenant Erika Arteseros, Coordinatrice du programme NERT.
La croix rouge elle aussi joue un rôle important, au niveau de l’information générale. « Nous tenons des séminaires dans les écoles ou sur les lieux de travail. Notre but est de pouvoir informer les gens, leur permettre de faire face à l’évènement » explique Emily White, qui dirige le département de préparation de la communauté. La croix rouge, et toutes les autres organisations diffusent les mêmes informations pour tous : Faire un plan (en famille, lieu de ralliement, fortifier la maison, désigner un mode de communication, avoir des documents et de l’argent à portée de main…), construire un kit (nourriture, lampe de poches, trousse médicale…).
Les règles sont faciles et permettent de pouvoir s’adapter rapidement à l’évènement. Lors des séances, un animateur explique généralement ce qui se passe lorsque la terre tremble, et où il faut se protéger : par exemple, sous une table ou quelque chose qui sécurise la tête contre les chutes de débris. « Notre rôle à la croix rouge est de trouver un refuge, nous avons de nombreux sites à disposition à San Francisco, écoles, gymnases… Nous devons également ravitailler la population en eau et nourriture et distribuer des vêtements », explique Emily.
Un point de ralliement est également conseillé en dehors du domicile, afin de pouvoir retrouver proches sans prendre de risque.
Des communautés pauvres plus sensibles
Les infrastructures «earthquake safe» à San Francisco sont de plus en plus résistantes. Les ingénieurs et architectes sur place ne manquent pas de savoir-faire et la ville elle-même s’est assurée que tous les bâtiments publics respectent les normes de construction. Et elle reste très active dans la sensibilisation des propriétaires privés. Mais le coût de la mise aux normes s’avère très élevé, et comme la majorité des bâtiments privés sont à disposition de locataires, il est difficile de motiver les propriétaires. « A ce jour, je dirais qu’une grande majorité des deux cent mille bâtiments que compte San Francisco sont sécurisés. Mais la plupart ont été bâtis il y une centaine d’années, et n’ont pas tous été mis aux normes.», nous dit William Strawn, du département des inspections des bâtiments à la mairie.
Les quartiers pauvres, ont beaucoup de vieux bâtiments, comme par exemple les célèbres maisons victoriennes, de San Francisco, faites de bois. « Les constructions les plus inquiétantes pour nous sont les suspensions avec les garages en dessous, qui sont sujettes à un écroulement brusque et dangereux. » ajoute William Strawn. A la croix rouge, Emily explique qu’elle travaille afin de sensibiliser les communautés hispaniques, nombreuses dans les quartiers pauvres « Je déteste dire cela mais selon où l’on vit, on trouve les communautés pauvres localisées souvent dans des lieux comme Richmond, la ville où il y a la raffinerie, ce qui donne une autre dimension au problème. En général tous les facteurs à risque se surajoutent entre pauvreté, environnement et isolation culturelle ». Il existe également d’autres cas de figure qui posent problèmes au niveau des secours.
« Dans l’ensemble, nous essayons de servir le grand public, et nous avons travaillé avec plusieurs organisations spécialisées afin de nous renseigner sur leurs besoins, en particulier concernant les séniors et les handicapés. », indique Laura Adleman, au département de gestion des urgences de San Francisco.
A San Francisco, on attend le Big One de pied ferme, mais avec une très grande inquiétude…
Communiquer et s’informer après un désastre
En cas désastre, la mairie et les autorités seront en lien étroit avec les médias locaux. Il y aura sans doute des pannes d’électricité, des ruptures de réseaux téléphoniques, des problèmes de diffusion hertzienne, tout cela nécessitera de mobiliser tous les moyens de communications dans leur grande diversité. Les médias agiront en synergie avec les autorités. Par ailleurs, il est fortement conseillé à chaque famille, à chaque individu, de sélectionner un contact en dehors de la zone, qui pourra par exemple prendre en charge une famille. Les réseaux sociaux auront un rôle important, ainsi que les radios publiques, associatives et commerciales. La mairie a lancé sa nouvelle application « SF heroes » afin d’informer de tous les accidents et désastres et tenir la population de San Francisco informée des évènements et marches à suivre dans le contexte de cet éventuel séisme.Dans la région de San Francisco, tout le monde a rédigé son plan familial, avec les instructions précises sur la marche à suivre. Il s’agit en général d’une population très avertie. Mais ce n’est pas le cas pour certaines minorités.
Eva Soncin
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