On est sûrement très loin de la série TV prison break, lorsqu’on se rend à Pelican Bay prison. Des murs hauts, blancs et des barbelés de tous les côtés. Aucun droit de visite et une communication vers l’extérieur très contrôlée. Le SHU (Sécurity Housing Unit), équivalent américain de nos QHS de triste mémoire, isole presque totalement les chefs de gangs actifs. Ils ne voient quasiment personne, sont confinés plus de 22h dans une cellule sans lumière, ce qui constitue une incontestable atteinte aux droits de l’homme, comme le dénonce Amnesty International dans son dernier rapport.
En Californie, la population carcérale est nombreuse. Dans les plus grandes prisons fédérales, comme Pelican Bay prison, on retrouve un département appelé le SHU (Security Housing Unit). A l’intérieur sont détenus les délinquants considérés comme les plus dangereux, souvent des chefs de gang actifs que l’on cherche à isoler par sécurité.
LE SHU c’est le QHS français, mais en pire. Si la plupart des Etats américains en possèdent, la Californie impose aux prisonniers une détention particulièrement cruelle. Tessa Murphy a visité Pelican Bay prison en septembre 2011 et rédigé un rapport pour Amnesty International. Elle explique « Nous nous sommes intéressés aux prisons Californiennes car elles gardent leurs prisonniers pendant des durées très longues. Nous avons eu accès aux chiffres, et si le Texas enferme un plus grand nombre en SHU, les prisonniers californiens sont détenus plus longtemps, et ça c’est une grave entorse aux droits de l’homme. » Dans ce rapport, Amnesty International indique que 200 personnes sont restées en SHU pendant plus de quinze ans et 78 autres plus de vingt ans. A ce stade, le confinement a un effet dévastateur sur eux.
Nancy Mullane, reporter radio a visité le mois dernier, non sans mal, la prison de Pelican Bay : « J’ai eu beaucoup de difficultés à obtenir une autorisation d’accès à la prison, cela faisait plusieurs années qu’aucun reporter ne s’était déplacé. Le SHU est une isolation extrême, les prisonniers sont presque tout le temps seuls. Aucun contact avec l’extérieur. La cours de promenade est une vaste zone de béton sans aucune possibilité de voir ce qui se passe derrière ». Nancy Mullane avait demandé à parler à un détenu en SHU, mais la plupart d’entre eux sont des gangsters qui n’ont pas fait acte de « repentance », c’est-à-dire qui n’ont pas confessé les détails de leurs activités dans le gang ni leurs allégeance au groupe. Tessa Murphy ajoute que les prisonniers ne rentrent en aucun cas en contact avec les gardiens, que les portes s’ouvrent et se ferment automatiquement, cela pour éviter les guets-apens. Une lumière naturelle traverse le couloir mais il n’y a que très peu de lumière à l’intérieur des cellules. Lorsque la porte est fermée, il fait sombre.
Le SHU est une punition à l’intérieur de la prison. Etre en SHU n’a aucun rapport avec la condamnation. L’administration pénitentiaire cherche
à sanctionner ainsi ceux qui n’ont pas fait de confession ou qui constituent un danger dans les cellules normales.
Karman Ward, enfermé en SHU pour avoir menacé de tuer les gardiens, témoigne à KALW : « les conditions ici sont horribles et injustes. Quand on est puni, on sait quand la punition se termine. Là, on n’a aucune idée de quand on va pouvoir ressortir ». Un autre prisonnier écrit « Tu gis ici dans une tombe en béton, tu tentes de résister au froid d’hiver, alors que l’endroit ressemble à un cimetière. Le mur à côté duquel je m’allonge est le mur qui donne vers l’extérieur. Un vrai bloc de glace. Parfois, le sol est plus chaud… ».
En été 2011, une grève de la faim s’est déroulée à Pélican Bay prison, afin de demander de meilleures conditions d’incarcération en SHU, affirmant que la solitude imposée en cellule pendant plus de 22h par jour est une torture, véritable atteinte à la dignité humaine.
Tessa Murphy indique que « Les conditions mentales des prisonniers sont troubles. Quelqu’un qui est malade ne devrait pas être isolé de la sorte. C’est aussi un risque pour la communauté, car lorsque ces personnes sont libérées sans aucun programme de réinsertion, elles constituent un danger pour la société ». Amnesty International conclut son rapport en proposant entre autre de ne garder que ceux qui ne peuvent être emprisonnés de manière régulière, d’établir des conditions de détention qui respectent les droits de l’homme et que les détenus aient accès à des programmes éducatifs ou sportifs.
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Eva Soncin
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