La place du genre féminin dans la littérature marocaine de langue française

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Il existe de nombreuses études sur les femmes dans le monde arabo-musulman, animées autant par un souci d’objectivation que par un esprit militant. L’axe principal de la plupart de ces travaux de recherche porte généralement sur la nature, les comportements et les actions politiques de la femme. Toutefois, certaines variables sociologiques sont mobilisées beaucoup plus que d’autres pour penser les pratiques sociales des enquêtées.

Bien souvent, ce sont des variables culturalistes qui sont mises en avant : la nation, la religion, la culture. Or, si la contextualisation des pratiques sociales doit être faite au sein de l’ère géographique où elles ont leur effectivité, elle ne peut à elle seule expliquer tout. Le risque de focaliser les regards sur leur «islamité » ou sur leur appartenance au monde « oriental», pour reprendre l’expression d’Edward Saïd, est de verser dans un hyper-culturalisme expliquant les comportements sociaux de ces femmes uniquement par leur appartenance religieuse ou géographique.

Or, rappeler qu’à côté de cette appartenance – certes complexe et forcément multiple – au monde arabo-musulman, ces femmes sont aussi dotées d’une variable « genre » susceptible d’aider à comprendre non seulement leurs actions mais aussi celles ayant lieu autour d’elles, peut être une piste de recherche apporterait de nouveaux éclairages sur des terrains largement exploités.

Pour réfléchir sur cette question, notre terrain d’enquête portera sur les pratiques sociales existant au sein du champ de la littérature marocaine de langue française comme espace privilégié pour penser le genre à la fois comme ressource politique et comme construction sociale désubstantialisée. La littérature francophone du Maroc est un terrain « transculturel » susceptible de nous aider à sortir des thèses culturalistes et de penser le « genre » et le « trans-genre » en tant que tels. Comme l’ont montré certains auteurs marocains, depuis Khatibi et Driss Chraïbi à Fatima Mernissi et Baha Trabelsi, en passant par Mohamed Choukri, Ghita El Khayat, Mohamed Leftah et Crysultana Rivet, la littérature marocaine de langue française est constituée d’enjeux politiques latents, qui relèvent de la revendication politique partisane (notamment celle liée aux « années de plomb »), de l’émancipation féminine (notamment au niveau de la question de la sexualité) ou bien de la reconnaissance des pratiques homosexuelles.

Dans de nombreux romans, le genre est une ressource mobilisée pour construire des grammaires – au sens où l’entend Boltanski – visant à lutter ou non contre la domination masculine. Ces questions concerneraient d’ailleurs l’homosexualité, qui n’hésite pas non plus à mobiliser consciemment la variable genre – comme le montre l’œuvre de Abdellah Taïa – pour entrer dans des registres radicalement politisés, puisque les enjeux sont ceux de la reconnaissance symbolique mais peut-être aussi légale, des pratiques homosexuelles dans des pays où elles sont pénalement sanctionnées. Notre recherche vise à penser sociologiquement les arguments avancés dans la littérature marocaine, et à comprendre de quelle façon le genre crée des discours, des portraits, des critiques et des légitimations de certaines pratiques

 

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La rédaction de Grotius International.

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