Le Core Humanitarian Standard (CHS) : Pourquoi une norme unique?

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Interview de Véronique de Geoffroy à l’occasion du lancement du Core Humanitarian Standard à Paris.

Geneviève Sababadichetty : Dans quel contexte s’inscrit l’élaboration de cette norme unique ? Comment et avec qui a-t-elle été construite ?

Véronique de Geoffroy : En premier lieu, la question de la traduction du titre même du CHS a été un sujet difficile… Il a été choisi de l’appeler la Norme Humanitaire Fondamentale (et non unique) même si en français le terme de Norme ne correspond pas exactement à la même chose qu’en anglais ou ne porte pas la même connotation. En réalité, je pense que « référentiel humanitaire de qualité et de redevabilité » aurait été plus juste…

Le CHS est le résultat d’un processus animé à l’origine par le HAP, People in Aid et Sphère qui ont décidé d’harmoniser leurs divers référentiels pour n’en faire qu’un, répondant à la demande des acteurs humanitaires et d’un certain nombre de bailleurs de plus de cohérence. Un processus très largement participatif a alors été proposé au secteur humanitaire avec des consultations et la mise en place de groupes de travail. Plusieurs centaines d’individus et d’organisations ont alors participé en commentant les diverses versions du CHS et en le testant.

GS : Quel a été le rôle du Groupe URD dans l’élaboration du Core Humanitarian Standard ?

VDG : Le Groupe URD a tout d’abord animé des réunions de travail en lien avec Coordination Sud et les principales ONG françaises pour commenter la première puis la deuxième version du CHS entre fin 2013 et début 2014. Cette réflexion collective avait conclu alors que la dimension de la qualité des programmes, du point de vue des populations, n’était pas assez centrale par rapport à d’autres considérations plus institutionnelles dans les premières versions du CHS.

Le Groupe URD a alors été invité à faire partie du Groupe d’Appui Technique (Technical Advisory Group) puis du Groupe de Rédaction (Writing Group) qui s’est réuni par deux fois lors de l’été 2014 au siège de l’association à Plaisians dans la Drôme provençale pour des ateliers d’écriture.

Notre travail sur la qualité de l’aide, l’évaluation de programmes et l’apprentissage ainsi que notre expérience accumulée depuis 15 ans pour l’élaboration et l’application du COMPAS Qualité ont été intégrés au processus d’élaboration du CHS. Aujourd’hui, le Groupe URD participe activement à l’élaboration des Notes d’Orientation et des Indicateurs.

GS : Quel est l’intérêt d’une norme unique ? Cela signifie-t-il que tous les autres standards sont caducs ?

VDG : Ce référentiel commun permettra, nous l’espérons, de partager un langage commun entre acteurs. En effet, chaque partie prenante du système de l’aide – qu’il s’agisse des communautés et populations affectées, des autorités locales ou nationales, des donateurs individuels, des opérateurs, etc. – a tendance à considérer sa propre perception des priorités (conformité administrative, « value for money », cohérence avec les politiques nationales, etc.) comme définissant la qualité de l’aide.

De même, les différentes initiatives de qualité et de redevabilité prônaient chacune une dimension particulière de la qualité (gestion des équipes, redevabilité et système de plaintes, etc.). L’idée à présent est de diffuser et partager ce référentiel commun qui embrasse les différentes dimensions de la qualité pour travailler à partir d’un socle commun. Ainsi en effet, les 9 engagements du CHS remplaceront le référentiel du HAP et de People in Aid, les standards communs de Sphère et les 12 critères (la rose des vents) du COMPAS Qualité. Pour autant, les standards techniques de Sphère continueront d’exister après avoir été mis en cohérence avec les CHS, et la méthode COMPAS sera mise à jour pour aider à l’application et l’adaptation de ce référentiel aux contextes. Par ailleurs, les usages du CHS seront diversifiés et devront s’adapter aux différentes situations et organisations.

GS : Une norme unique peut-elle prendre en compte la diversité et la complexité de toutes les situations ?

VDG : Le référentiel est générique et tend vers l’universalité en prônant une aide humanitaire qui s’adapte aux contextes. C’est l’essence même des engagements du CHS : répondre au mieux aux besoins des populations en s’adaptant aux situations à chaque fois différentes. La version révisée du COMPAS proposera des questions clefs par phase du cycle de projet pour stimuler la réflexion des utilisateurs et favoriser l’adaptation des réponses aux contextes mouvants et complexes de l’aide humanitaire.

GS : Cette norme unique prend-elle en compte la différence de moyens entre les petites structures et les ONG internationales ?

VDG : Cette adaptabilité aux différents types de structures a fait partie des objectifs et exigences lors de l’élaboration du CHS. Ainsi les responsabilités organisationnelles et les actions clefs restent peu prescriptives tout en guidant les utilisateurs vers les pratiques reconnues comme nécessaires pour garantir la qualité de l’aide…

Mais votre question soulève aussi celle des usages. Comme rappelé lors du lancement à Paris ce 19 mars mais déjà auparavant à de multiples occasions, le Groupe URD reste dubitatif sur la capacité de la certification à réellement favoriser l’apprentissage et l’amélioration des pratiques. Nous pensons que les enjeux résident dans l’utilisation concrète de ce référentiel par les acteurs, au niveau individuel mais surtout organisationnel, dans un esprit d’apprentissage et d’amélioration continue. Plus qu’un outil, c’est d’une « révolution culturelle » de la Qualité, au service des populations affectées, dont le secteur a besoin aujourd’hui et qu’il s’agit de stimuler et d’accompagner. Dans ce cadre, il nous semble que des systèmes de revues ou d’échanges entre pairs pourraient utilement collaborer à cet objectif, tout en préservant la capacité du système à s’adapter et innover.

GS : Concernant l’accès au plus grand nombre, dans combien de langues cette norme sera-t-elle traduite ?

VDG : À ce jour, le CHS existe en français, en anglais, en espagnol et prochainement en arabe. Comme pour le projet Sphère, il est souhaité que des initiatives locales proposent d’elles-mêmes d’autres traductions. Mais je n’ai pas d’information au-delà et vous conseille de voir avec le HAP…

Geneviève Sababadichetty

Geneviève Sababadichetty

Geneviève Sababadichetty est co-fondatrice de Grotius International.