Le boom des blogues gazaouis

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En 2006, alors qu’il n’y avait encore qu’une poignée de blogueurs dans la bande de Gaza. Ils sont aujourd’hui plus de 50, dit-il. Au cours de la dernière année, les médias sociaux ont connu un Sharif Al Sharifvéritable boom à Gaza. Des jeunes femmes et des hommes comme M. Sharif envahissent le Web pour communiquer avec une communauté mondiale de laquelle ils sont autrement exclus. Les internautes du monde entier sont de plus en plus nombreux à les lire.

Si M. Sharif s’est toujours intéressé à la politique, il n’a jamais aimé parler publiquement de ses opinions. Lorsqu’il a lancé son blogue, il n’avait pas d’agenda politique : « Je voulais simplement être entendu. Lorsque j’ai commencé à bloguer, j’ai senti que j’avais ma place dans ce monde, même si ce n’était qu’une place virtuelle. J’écrivais pour être reconnu ».

M. Sharif raconte son expérience de la vie quotidienne à Gaza et rédige souvent des critiques d’albums de musique ou de films qu’il a vus et aimés. Bref, il écrit à propos de tout ce qui lui tient à cour. Vu le contexte dans lequel il vit, les sujets politiques et humanitaires sont inévitables. « Tout ici est lié à la politique : c’est dans l’air qu’on respire. Il est impossible de ne pas y penser », explique-t-il.

Après la prise de pouvoir du Hamas en 2007, les frontières avec l’Égypte et Israël ont été fermées et la circulation des personnes et des biens a été soumise à des restrictions très sévères. Plus de 1,5 million de personnes vivent maintenant confinées dans un territoire de 360 kilomètres carrés.

D’après M. Sharif, ce qui est le plus satisfaisant dans le fait de bloguer, c’est la possibilité de communiquer avec une vaste communauté en ligne : « Les jeunes Palestiniens ne vivent pas comme les jeunes du reste du monde. Ils n’ont pas la même expérience de vie. Alors, nous nous créons une vie sur Internet pour remplacer ce qui nous fait défaut ».

© Phoebe Greenwood/IRIN

Tout comme M. Sharif, Ola Anan, 25 ans, tient un blogue depuis 2006. Son anglais est parfait, mais elle préfère écrire en arabe. Son objectif premier est de créer un forum en ligne pour ses semblables afin de s’attaquer aux problèmes qui les touchent de près. Selon elle, « les blogueurs locaux sont nombreux à écrire en anglais pour être lus par des gens de l’extérieur de Gaza, et en particulier de l’Occident. Je n’aime pas cette idée. Nous devons discuter de ces questions entre nous, et c’est pourquoi j’écris en arabe ».

« Ceux qui écrivent pour l’Occident ressentent toujours le besoin de parler de politique, mais il y a tant à faire au niveau social, comme d’ouvrer à la réconciliation [entre le Hamas et le Fatah, les deux factions rivales]. Je pense que nous devons résoudre ces problèmes nous-mêmes avant d’en parler aux gens de l’extérieur ».

Elle admet que les blogueurs palestiniens se montrent parfois réticents à s’attaquer aux problèmes locaux parce qu’ils craignent d’être lus par les mauvaises personnes. M. Sharif est du même avis : « Un de mes amis a abordé des questions très délicates sur son blogue et il s’est attaqué à certaines personnes [au pouvoir à Gaza] sur le plan personnel et professionnel. Il a reçu un avertissement de la part d’un ami d’un ami, qui lui a dit de se calmer et de laisser tomber ».

Public international

Qu’ils le veuillent ou non, les blogueurs de Gaza attirent de plus en plus de lecteurs étrangers. Pendant l’opération Plomb durci (entre le 27 décembre 2008 et le 18 janvier 2009), la dernière incursion militaire israélienne dans la bande de Gaza, les journalistes se sont vu refuser l’entrée à Gaza. Les blogues gazaouis ont alors connu une popularité sans précédent auprès des lecteurs du monde entier qui souhaitaient connaître la réalité au-delà des gros titres.

Ola Anan étudiait alors en Belgique, mais elle a réussi à communiquer quotidiennement avec sa famille à Gaza. Pendant les trois semaines qu’a duré le conflit, elle a trouvé du réconfort dans l’écriture de son blogue et les commentaires postés en réponse à ses articles. Le nombre de visiteurs sur sa page est passé de 50 à 1 500 par jour. « Les nouvelles ne disaient pas tout, au contraire. Par exemple, des blogueurs en Égypte ont demandé si les Gazaouis recevaient les dons qu’ils faisaient. Mes parents m’ont dit que des entrepôts de nourriture avaient été bombardés et que les hôpitaux étaient tous à court de fournitures », a-t-elle dit. « Même si on envoyait de l’argent à Gaza, les habitants n’avaient aucun moyen de le récupérer parce que les banques n’avaient pas de réserves d’argent. J’avais le moyen de diffuser cette information », a-t-elle ajouté.

Les médias sociaux comme exutoire

Les blogues et les médias sociaux servent de plus en plus de soupape pour évacuer la pression. C’est ce que le groupe de jeunes Gazaouis Gaza’s Youth Breaks Out, apparu sur Facebook fin 2010, a clairement démontré avec son manifeste passionné : « Nous, les jeunes de Gaza, on en a marre d’Israël, du Hamas, de l’occupation, des violations permanentes des droits de l’homme et de l’indifférence de la communauté internationale ! »
« Nous voulons crier, percer le mur du silence, de l’injustice et de l’apathie de même que les F16 israéliens pètent le mur du son au-dessus de nos têtes, hurler de toute la force de nos âmes pour exprimer toute la rage que cette situation pourrie nous inspire ».

Le groupe Facebook a désormais plus de 18 000 fans et les blogueurs gazaouis sont très présents sur le Web. C’est pourquoi, aussi longtemps qu’Israël maintiendra son blocus et limitera la circulation des personnes, Internet permettra d’entretenir un lien crucial entre les Palestiniens de Gaza et le monde extérieur.

Irin

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