Le monde au regard de l’art

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Grotius International inaugure en cette rentrée 2011 une nouvelle rubrique, « Arts et humanitaire. » Pourquoi cette volonté ? D’abord parce que l’art touche à tout ce qu’il y a de plus sensible, de plus profondément humain, en nous. Parce que l’art, sous toutes ses formes, nous fait sortir de nous même, réfléchir, vibrer, nous agacer, nous questionner, sur un certain état du monde… et un monde dans tous ses états. Ne parle-t-on pas de « l’artiste engagé » ?

L’art n’est-il pas un puissant vecteur de messages qui renseignent sur la place de l’homme dans la cité tout autant que dans son individualité ? N’a-t-on pas souvent la tentation de prendre la température de notre Terre à l’aune du discours d’un artiste ? Si faire métier d’artiste est de donner à voir, à sentir, à dénoncer, à révéler, alors s’interroger sur l’articulation entre « art » et « humanitaire » a toute sa place dans Grotius International.

Au moment de lancer cette ouverture vers d’autres champs d’analyse, on se remémore la prise de parole de l’écrivain Lyonel Trouillot, un an après le séisme en Haïti, dans un dossier que Grotius International consacrait à son île dévastée : « Un an après la catastrophe du 12 janvier 2010, Port-au-Prince, la capitale haïtienne, est peuplée de journalistes qui posent les mêmes questions : où étiez-vous le 12 janvier 2010 à 16 heures 53 ? Où en est la reconstruction ? Comme s’ils ne connaissaient pas les réponses. Quelque part où la mort m’a raté, mais n’a pas raté une connaissance ou un voisin, un amour ou un parent proche. La reconstruction ? Il n’y a qu’à regarder. De quelle évidence témoigne votre regard derrière la caméra ? »

Et de s’interroger : « Faisant partie du petit groupe souvent sollicité par les journalistes, se pose à moi la question de la légitimité de ma propre parole. Qui suis-je ? Qu’ai-je fait et qu’est-ce que je fais ? » Un écrivain saisi par son pays, son histoire et ses drames perpétuels… Membre très actif du collectif « NON » créé en 2003 au moment des événements qui ont donné lieu au départ d’Aristide, Lyonel Trouillot, intellectuel de longue date engagé sur le front de la résistance à la dictature et de la reconstruction démocratique de son pays, n’a de cesse de mettre sa notoriété et son action au service d’une cause dont il est sans conteste l’un des porte-parole les plus écoutés.

Au-delà de cette question permanente et toujours pertinente, nous avons aussi la volonté de nous interroger sur l’utilisation de l’art dans des programmes humanitaires, comme,  par exemple, avec ces spectacles de mise en situation pour lutter contre les violences faites aux femmes. De comprendre comment la présence de l’art dans les camps, dans les situations de crise, persiste comme un espace de liberté, de résistance, d’expression de l’humanité. Le désir aussi d’analyser comment l’art peut devenir un puissant ciment culturel du vivre ensemble.

Cette nouvelle rubrique se veut également le lieu par excellence que nous investirons pour des critiques de films, d’expositions, pour faire le portrait d’artistes présents ou passés engagés dans la défense d’une cause. Le lieu où nous avons, aussi, l’ambition de proposer des textes signés par des réalisateurs, des sculpteurs, des photographes… En attendant, on ne saurait trop vous recommander de vous précipiter, du 4 au 9 octobre, au cinéma Louis-Daquin du Blanc-Mesnil, en Seine-Saint-Denis, pour « Action », festival du cinéma engagé, dont le thème retenu cette année est « Justice et cinéma ». Ou comment le septième art interroge le jugement de l’homme sur ses semblables.

 

Sarah Elkaïm

Sarah Elkaïm

Sarah Elkaïm est journaliste, Chef de la rubrique Arts & humanitaire de Grotius International. Elle collabore régulièrement à Afrique magazine et à Critikat.com.