A l’heure de cette nouvelle rentrée universitaire, les commentaires des évaluations des étudiants de master de coopération internationale dont je viens de prendre connaissance, viennent se confronter aux représentations populaires de ce que ce sont devenus ces humanitaires.
Pour un étudiant débutant son master, il s’agit ni plus ni moins d’un ensemble de personnes ou d’idéaux voués au service de l’humanité dans le but de lui venir en aide, sous entendu qu’ils en ont réellement besoin et que nous en sommes à la fois les principaux acteurs et spectateurs.
En cours d’année et en fin d’année les choses se compliquent, les différents intervenants s’étant chargés au passage de ramener la réalité à sa plus juste place et surtout les étudiants à leurs lectures et réflexions pour améliorer leurs performances de raisonnement et surtout de critiques à l’égard de cette image encore trop angélique et messianique du personnage humanitaire. Alors que les étudiants se penchent sur la question au fil des mois et abandonnent progressivement l’idée de partir à l’autre bout du monde pour aider, secourir les populations dans la détresse, le désarroi ou la course à l’aide internationale, l’opinion publique elle, n’est pas loin de cette représentation trop souvent simpliste.
De là m’est venue l’idée de faire des recherches, des lectures et des écrits sur ce qui avait pu tant modifier, bousculer les esprits au point de ne plus savoir qui est qui, qui fait quoi, au nom de quoi et pourquoi au juste ?
Excepté la croix rouge qui semble détenir le palmarès des traces mnésiques, les autres ONG disparaissent sous l’appellation globale d’aide aux pauvres, même les médecins sans frontières se sont évaporés alors qu’il y a à peine quelques années on associait l’aide humanitaire à nos médecins volontaires et courageux, prêts à intervenir tel le SAMU sur tous les points de la planète. Une étude sociologique, pluridisciplinaire autour des champs des sciences humaines, des sciences politiques et économiques me semblerait tout à fait pertinente pour comprendre et suivre l’évolution à travers ces 30 dernières décennies sur les représentations que l’on se faisait des humanitaires et ce qu’ils sont devenus aujourd’hui.
Il me semble qu’à travers ma pratique quotidienne du contact avec des humanitaires et l’enseignement universitaire, je constate un décalage certain entre l’humanitaire des années 1980 et celui des années 2012. Aurait-il suivi la même tangente que notre économie en crise ? Nos défaillances humaines et nos errances idéologiques ? Certes l’idée d’aide, de service à l’autre, de secours demeure, mais élaborée à partir de quels besoins ? De quelles demandes ? Dans quel but ?
Les réponses sont difficiles à obtenir, la réflexion bloque à la base, car sous-tendue par le principal désir de vouloir agir ailleurs, autrement, en se rendant utile, en faisant autre chose, différemment, mais sans trop appréhender la portée ni l’impact de cette décision.
Est-ce le manque de perspective d’avenir, de visibilité sur les orientations politiques, économiques mais surtout humaines à moyen et long terme qui fait défaut dans notre société ? Manquons-nous d’idéologie si cruciale pour mener des missions de cette envergure, de créativité ou sommes-nous en train d’abandonner l’humain dans la démarche d’aide au profit d’enjeux économiques devenus prédominants et conditionnels ?