Mali : le bulletin météo, c’est aussi de l’information…

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Par Issoufi Dicko… Pendant longtemps, les Maliens sont restés indifférents aux prévisions météorologiques, préférant attribuer la pluviométrie à la Providence. Mais avec les pluies diluviennes enregistrées récemment dans la région sahélienne et ses conséquences –  importants dégâts matériels et pertes humaines, beaucoup s’intéressent désormais aux bulletins et autres programmes météorologiques…

Dans notre imaginaire – où «s’entremêlent» culture et religion, le ciel et la Providence ne font parfois qu’un. Certes, nous sommes loin cependant de faire des sacrifices aux génies, d’invoquer la clémence du Tout-Puissant ou de toute autre puissance pour bénéficier d’une pluviométrie exceptionnelle… Mais ne dit-on pas : prions le ciel pour que tombe une petite pluie ?

Or, il y a quelques semaines, alors que personne n’a eu besoin de «taper à la porte» d’une quelconque divinité, l’Afrique de l’ouest a enregistré des précipitations d’une rare intensité. Le Mali, le Niger, le Burkina et le Sénégal se sont littéralement retrouvés sous les eaux. Faute d’infrastructures, ou parce qu’elles sont défectueuses quand elles existent, le tribut à payer est lourd dans chacun des pays concernés : des pertes en vie humaine, des populations sinistrées, des dégâts matériels évalués à plusieurs milliards de francs CFA.

Pourtant, les services techniques de la météorologie nationale avaient donné l’alerte. Seulement voilà, les populations n’y ont prêté qu’une oreille distraite. Et pouvait-on même imaginer ce qui allait arriver ? Les populations avaient-elles les moyens de réagir ? Les médias ne sont pas en cause. La télévision nationale, par exemple, diffuse un bulletin quotidien d’informations météorologiques, juste après le journal, et ce en français et en langue bambara, la principale langue du pays. De même, la radio nationale, plusieurs fois par jour  touche, dans toutes les langues, les populations les plus éloignées dans le pays.

Pourquoi alors ces pluies torrentielles de début septembre ont-elles causé tant de dégâts ? Serait-ce dû à un défaut d’anticipation ou à un refus d’accorder un quelconque crédit aux prévisions météo ? Il est vrai que l’homme de la rue pense à tort ou à raison que ces prévisions sont rarement avérées. Quand le présentateur du bulletin annonce un «vent de direction sud-est avec des manifestations pluvio-orageuses souvent accompagnées de pluie»,  de nombreux citadins et même les autorités préfèrent sourire.

Début septembre, des dizaines de personnes et de maisons ont été emportées par les eaux. Les pompiers, les forces d’intervention et les autres agents de la protection civile n’ont jamais été aussi inquiets et débordés. A l’intérieur du pays, les provisions des villageois ont été noyées après l’effondrement des greniers et des troupeaux entiers  ont été décimés. Combien de drames humains ? Quand le ciel gronde maintenant, les Maliens tremblent. Les citadins, très certainement, prendront plus au sérieux dorénavant les bulletins d’information météorologique.

Un outil pour les populations

Le monde rural a depuis quelques années une attitude plus responsable à l’égard des informations météorologiques. Les prévisions des services techniques servent de repères aux paysans pour l’organisation du calendrier agricole et le choix des variétés à semer. Grâce au programme  d’assistance météorologique du Mali, les agriculteurs savent à quoi s’en tenir tout au long de la saison des pluies : ils reçoivent de précieuses données sur le seuil pluviométrique pour mettre en place les semis, sur les techniques d’observation et sur les choix à opérer. Ces avis et conseils météorologiques auraient fait croître de 20 à 25% les rendements de certaines céréales sèches telles que le mil, le sorgho et le maïs.

Aujourd’hui, plus que jamais, les paysans ont besoin d’une information claire, ciblée et fiable sur la pluviométrie là où ils vivent et travaillent. Dans cette approche de proximité et de service rendu, les radios de proximité pourraient légitimement prendre le relais des médias publics. Mais les radios locales ne font pas de l’information météorologique leur priorité.

A côté des exploitants agricoles, les femmes dans le monde rural ont besoin de ces informations météorologiques pour planifier leurs activités génératrices de revenus : teinture, séchage et conditionnement des aliments, vente de charbon de bois ou de bois de chauffe entre autres activités.

Sur le plan sanitaire, les pluies torrentielles sont très souvent synonymes de propagation de maladies diarrhéiques. Dans de nombreuses localités, les cours d’eau débordent et les points d’approvisionnement en eau potable (les puits surtout) sont très vite infestés.

Autre perturbation enfin, avec l’effondrement des maisons en banco ou construites dans le lit du fleuve, ce sont bien souvent les écoles qui servent d’abri aux populations sinistrées. Le calendrier scolaire est alors mis à mal…

Le bulletin météo a encore de beaux jours devant lui…

Issoufi Dicko est journaliste au Ségovien (Ségou, Mali)

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La rédaction de Grotius International.

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