La société civile au Niger : quel accès aux médias?

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Par Moussa Tchangari… Au Niger, la démocratie est fragile et constamment menacée. Pourtant, d’une logique de substitution aux manquements de l’Etat, les organisations nigériennes sont passées à une dynamique de plaidoyer et de dénonciation. Si l’accès aux médias publics reste verrouillé, les médias associatifs offrent un espace d’expression, porteur de changement.

A Niamey, la constitution de la société civile a été perceptible à partir des années 1990, à la faveur de combats démocratiques. Ces luttes s’inscrivaient dans une logique d’opposition aux politiques d’ajustement structurel. Face à l’émergence de nombreuses organisations nigériennes, les partenaires et les bailleurs internationaux ont senti la nécessité d’une plus grande délégation de responsabilités.

On parlait alors de coopération décentralisée : promouvoir le développement dans les pays du Sud passait nécessairement par des intermédiaires. Les ONG sont alors venues remplacer des Etats de plus en plus inefficaces et déclarés irresponsables, notamment sur le plan social. La société civile nigérienne a suivi ce mouvement et s’est développée pour pallier les manquements de l’Etat. Au Niger, on disait que les ONG s’étaient spécialisées dans la captation de l’aide. Les pays « fournisseurs » de cette aide n’ont toutefois pas tenu leurs promesses et la situation est devenue déplorable.

Aujourd’hui, une conscience nouvelle est en train de naître. Les acteurs de la société civile ont fini par réaliser que l’Etat est irremplaçable et qu’il a l’obligation de garantir l’accès aux droits essentiels. Jusqu’à présent, pour les puissances dominantes, le rôle des organisations nigériennes se limitait à colmater les brèches pour maintenir le système. Maintenant, un nombre de plus en plus grand d’organisations de la société civile commencent à s’opposer au système et interpellent ouvertement l’Etat à assumer ses obligations envers les citoyens.

Outre l’émergence d’une société civile active, il importe de souligner que les changements démocratiques en Afrique se sont caractérisés également par le développement d’une presse plurielle (journaux, radios, télévisions). Les médias les plus importants en nombre sont les médias associatifs. Ainsi, une centaine de radios associatives coexistent au Niger contre une trentaine de stations privées.

La société civile a créé ses propres médias communautaires que les bailleurs ont soutenus, à la condition qu’ils ne traitent pas de politique.

Connivence entre le pouvoir et les ONG

Que les médias communautaires puissent être des espaces de débats, que l’on puisse y discuter des politiques publiques et qu’ils permettent une prise de conscience politique du citoyen, tels sont pourtant à mon sens leurs principales raisons d’être. Ces médias sont donc réduits à un rôle d’information sur les questions de développement, ce qui en dit long sur la connivence entre le pouvoir et les ONG.

Au Niger, la distinction entre ONG et association a son importance. Pour être reconnue, une ONG doit présenter un plan d’action qui s’inscrit dans la droite ligne des options politiques du gouvernement, qui elles-mêmes sont inspirées des politiques internationales. A contrario, une association pourra prendre position sur des questions politiques. Elle conserve son autonomie et sa capacité de mobilisation.

Dans la plupart des pays africains, les médias publics sont restés sous le contrôle des gouvernements. Les acteurs sociaux et politiques n’y ont pas accès. Un reportage  réalisé sur une question d’actualité, comme par exemple le changement de constitution, n’aura aucune chance d’être programmé par une radio publique. D’autres sujets sensibles comme la sécurité alimentaire subissent la même censure. Suite à la crise alimentaire qui a frappé le Niger en 2005, nous avions réalisé un documentaire qui démontrait la responsabilité du gouvernement. Comme c’est la pratique au Niger, nous étions prêts à payer pour sa diffusion. Les médias publics l’ont toutefois refusé. La liberté d’expression est encore bien loin d’être acquise.

Moussa Tchangari est journaliste nigérien, secrétaire général d’Alternatives Niger, groupe de média citoyen. L’auteur a participé récemment à un séminaire à Paris (les 16 et 17 juin 2009) organisé par le Comité français pour la solidarité internationale (www.cfsi.asso.fr) au cours duquel il a développé la thèse soutenue dans cet article.

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La rédaction de Grotius International.

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