Politique humanitaire : Comment mesurer les tremblements de terre ?

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Si l’échelle de Richter est la mesure la plus facilement reconnaissable pour la magnitude des tremblements de terre, selon les sismologues, plusieurs méthodes plus dynamiques l’ont éclipsée depuis qu’elle a été développée il y a plus de 70 ans.

L’Integrated Regional Information Networks (IRIN) examine les meilleures pratiques qui existent actuellement dans le monde, des indicateurs de magnitude standards qui ont remplacé l’échelle de Richter aux modèles de prédiction qui permettent d’évaluer les répercussions économiques d’un séisme.

Échelle de magnitude du moment (Mw)

De nos jours, la méthode la plus couramment utilisée pour calculer la magnitude – c’est-à-dire la quantité d’énergie libérée par un tremblement de terre à sa source – est l’échelle de magnitude du moment (Mw).

Développée dans les années 1970 par Hiroo Kanamori, professeur émérite à l’Institut de technologie de Californie, elle a été conçue pour succéder à plusieurs échelles de magnitude, et notamment à celle de Richter, qui date des années 1930 et dont le modèle est simplement basé sur la géologie de la Californie, où se produisent surtout des séismes superficiels. En prenant en compte la dimension de la faille rompue, l’échelle de magnitude du moment fournit une mesure plus cohérente des tremblements de terre, indépendamment de la profondeur à laquelle ils se produisent.

« Les médias continuent d’utiliser l’échelle de Richter, mais les sismologues emploient seulement la magnitude. Et celle-ci peut être calculée à l’aide de différentes formules », a dit à IRIN Takeshi Koizumi, un sismologue de l’Agence météorologique japonaise (JMA). Selon M. Koizumi, ces données sont très importantes pour les sismologues. Elles leur permettent notamment de prédire les tsunamis et autres dangers liés aux tremblements de terre.

Échelle d’intensité de Mercalli modifiée (MMI)

Contrairement à l’échelle de magnitude du moment et à celle de Richter, qui évaluent la taille du séisme en termes de magnitude, l’échelle de Mercalli modifiée permet d’évaluer l’intensité des tremblements de terre. La magnitude s’exprime en nombres arabes et l’intensité, en chiffres romains. Selon Peeranan Towashiraporn, ingénieur sismologue au Centre asiatique de préparation aux catastrophes (ADPC), basé à Bangkok, l’intensité – un concept totalement différent – permet de connaître la force des secousses ressenties et le niveau de dommage dans un endroit précis.

« Les gens sont nombreux à croire qu’un séisme de magnitude élevée fait forcément plus de dommages, mais ce n’est pas toujours le cas. Cela dépend de l’endroit où il se produit. Si vous êtes loin de l’épicentre, l’intensité peut être faible et il se peut que vous ressentiez très peu la secousse », a expliqué M. Towashiraporn.

D’après Amod Dixit, secrétaire général de la Société nationale de technologie sismique du Népal (NSET), il est plus facile pour les non scientifiques de comprendre l’intensité d’un séisme. « ‘‘Magnitude’’ est un terme qui appartient au langage scientifique. Les gens comme vous et moi se préoccupent plus des conséquences pratiques d’un tremblement de terre », a-t-il dit.

Ainsi, l’utilisation de la magnitude pour mesurer les tremblements de terre entraîne souvent une sous-estimation de leur impact. « Ici au Népal, ajoute M. Dixit, les ingénieurs prétendent construire des maisons capables de résister à des séismes de magnitude 7.0, mais cela ne veut pas dire qu’ils peuvent résister à une intensité IX. Les tremblements de terre de faible magnitude peuvent parfois provoquer des secousses de forte intensité ».

M. Towashiraporn reconnaît que les données de magnitude employées seules peuvent être trompeuses et cite comme exemple le séisme de magnitude 6.1 qui a frappé Christchurch, en Nouvelle-Zélande, en février 2011. Il explique : « Un tremblement de terre modéré de magnitude 6.1 peut causer des dommages importants et faire des victimes s’il se produit en surface et très près d’une zone densément peuplée ».

Selon les statistiques de l’Institut de veille géologique des États-Unis (United States Geological Survey, USGS), le tremblement de terre de Christchurch a fait au moins 181 morts et 1 500 blessés. Environ 100 000 édifices ont été détruits ou endommagés.

Échelle d’intensité sismique de l’Agence météorologique japonaise (JMA)

L’échelle de la JMA mesure l’intensité en utilisant des valeurs dites « shindo ». La seule différence entre l’échelle dite de Shindo et l’échelle MMI est que la première utilise des valeurs de 0 à 7 et la seconde, de I à XII. Si l’échelle MMI est utilisée dans le monde entier, celle de la JMA n’est employée qu’au Japon et à Taïwan. D’après M. Koizumi, elle permet de connaître l’intensité d’un séisme plus rapidement qu’aucune autre méthode au monde.

« Nous avons une première estimation à peine 1,5 minute après la survenue du tremblement de terre. Puis, après quelques secondes, un avertissement au grand public est diffusé à la télévision », a-t-il expliqué, ajoutant que des sismographes ont été installés dans l’ensemble du pays afin de permettre un calcul encore plus rapide de l’intensité sismique.

Selon David Wald, sismologue à l’USGS, ShakeMaps, développé par l’USGS, peut également calculer l’intensité d’un séisme presque en temps réel. ShakeMaps est une carte générée automatiquement permettant de connaître la force des secousses et l’intensité d’un séisme. Elle combine les mesures des instruments et des informations sur la géologie locale et sur les tremblements de terre qui ont eu lieu dans la région.

Évaluation rapide des tremblements de terre afin de déterminer le niveau de réponse nécessaire (Prompt Assessment of Global Earthquakes for Response – PAGER). En 2010, après dix ans de débat sur la pertinence d’utiliser l’échelle de magnitude ou l’échelle d’intensité pour obtenir une meilleure mesure des séismes, l’USGS a développé cette nouvelle technologie.

PAGER prend en compte les statistiques démographiques, les types de bâtiments, ainsi que les pertes humaines et économiques des précédents séismes pour estimer la distribution des secousses, le nombre de personnes et de villages affectés et les pertes humaines et économiques potentielles.

Si la plupart des gens ne connaissent pas encore ce système, l’information qu’il offre est utile pour les gouvernements et les organisations d’aide humanitaire. D’après M. Wald, « PAGER utilise un code de couleurs pour exprimer les différents niveaux d’alerte en fonction de l’estimation qu’il a faite. Les acteurs locaux, nationaux et internationaux peuvent ainsi déterminer le niveau de réponse nécessaire. PAGER permet aussi de savoir quelles sont les structures les plus vulnérables qui doivent être améliorées, ce qui est particulièrement important dans les pays en développement, où les codes du bâtiment ne sont pas toujours respectés ». En effet, en plus de fournir des données permettant d’atténuer les conséquences du désastre, il offre des informations qui contribuent à une meilleure préparation à d’éventuels tremblements de terre. En ce sens, il est supérieur aux autres échelles de mesure.

Néanmoins, et toujours selon le même interlocuteur, « ce système exige une plus grande prise de conscience de la part des gouvernements, de la communauté scientifique et des médias, car les concepts de magnitude et d’intensité ne suffisent pas à communiquer la gravité des tremblements de terre ».

 

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