Tanzanie : Radio Kwizera n’oublie pas les réfugiés

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Lancée en 1995 dans l’ouest de la Tanzanie, dans le but d’informer le million de réfugiés venus du Burundi et du Rwanda, Radio Kwizera continue toujours sa logo de la radiomission première. Le Burundi comme le Rwanda sont à une trentaine de kilomètres à vol d’oiseau, mais les fameuses Mille collines, elles, font déjà partie du paysage. Ngara, chef-lieu d’un district du même nom dans l’Ouest de la Tanzanie, est bien connu des anciens réfugiés burundais et rwandais ayant fui les conflits des années 1990. Si tous les camps du district ont fermé, tout comme les bureaux du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) des Nations-Unies à Ngara, Radio Kwizera (RK) continue d’émettre.

Kwizera signifie «espoir» en langue burundaise et rwandaise. Et c’était pour en apporter au million de réfugiés burundais et rwandais que fut créée la radio en août 1995 par les Jésuites. Informer, rassurer, leur permettre de communiquer : telles sont les missions de RK, qui émet aujourd’hui au Sud du Rwanda, à l’Est du Burundi et dans la province Sud-Kivu, en République démocratique du Congo. Le succès populaire des programmes ne se dément pas.

Comme nous le confirme à Ngara, dans des bureaux neufs, le Père Damas Missanga, le directeur de la radio. «Nous avons près de 6 millions d’auditeurs», annonce celui qui a pris en 2006 la tête de la station. Un tour de Ngara, un bourg très étendu, suffit : la population, dans son ensemble, écoute Radio Kwizera sur 97.9 FM. La radio emploie 35 personnes, dont 18 journalistes. Parmi eux, des anciens réfugiés. Radio Kwizera a ouvert deux bureaux dans le sud-ouest tanzanien, à Kibondo en 2003 et Kasulu en 2006, là où vivent encore aujourd’hui des réfugiés burundais et congolais.

Les programmes suivent l’origine géographique des réfugiés puisqu’ils sont réalisés en quatre langues : le kiswahili, que tout le monde comprend au Congo et en Tanzanie, le kirundi (Burundi), le kiyarwanda (Rwanda), et le français, avec le décrochage quotidien de Radio France Internationale (RFI). En parallèle, le staff de Kwizera réalise chaque mois un bulletin papier d’une dizaine de pages qu’il distribue dans les camps.

Une audience très forte parmi les réfugiés
Directeur de la radio
Damas Missanga

Emmanuel Buhohela, rédacteur en chef et bras droit de Damas Missanga, est fier des résultats obtenus par sa radio dans le camp de réfugiés de Kasulu. «Nous y avons une très grosse audience, appuie-t-il. Pour vous dire, la radio y est plus populaire qu’à Ngara, notre siège. Certains nous écrivent, nous envoient des SMS pour nous poser des questions sur la santé. Nous leur répondons à l’antenne.»

Si le programme hebdomadaire sur le HIV «Vous et moi, ensemble nous pouvons», animé par le Burundais Jean-Paul Basabose, est très populaire et utile, la revue de presse du soir intéresse également les réfugiés. «Les Congolais sont très contents d’avoir des nouvelles du Sud-Kivu», complète M. Missanga. La station propose encore aux réfugiés l’émission «C’est le temps», où l’on évoque le retour au pays.

«Les réfugiés ont des droits mais ils sont méconnus. On explique donc les modalités pour l’enregistrement auprès du HCR pour les nouveaux», détaille le Père Missanga. Radio Kwizera sert aussi de révélateur. L’an passé, le Congolais Baruani Ndume du camp de Kasulu, alors animateur de l’émission dominicale «Enfants pour enfants», remportait le Prix international de la paix pour les enfants de l’Unicef. Agé de 17 ans, il a perdu ses parents lors de l’exil en Tanzanie en 2000. Radio Kwizera a en tout cas suscité chez lui des vocations puisqu’il veut devenir journaliste radio.

Les enfants peuvent s’exprimer

C’est d’ailleurs le week-end que la radio donne le micro aux enfants. Ils viennent exposer leurs problèmes à l’école, dans leur famille, leurs rêves, leur avenir. Le samedi, ce sont les enfants des écoles, et le dimanche, la parole est donc laissée à ceux du camp de réfugiés de Kasulu.

Damas Missanga reconnaît que Radio Kwizera s’ouvre de plus en plus à la population rurale. «De très nombreux réfugiés sont rentrés chez eux, explique-t-il. Pour ceux qui restent, nous avons conservé des programmes, sur la réconciliation par exemple, mais nous évoquons aussi la participation aux élections, les droits humains, et la santé avec des conseils très précieux.»

Radio Kwizera, qui tendrait à devenir commerciale bien que toujours dans le giron des Jésuites pour son financement, ne veut pas s’arrêter en si bon chemin. Des transmetteurs attendent d’être posés sur les bords du lac Victoria, où vivent d’importantes communautés de pêcheurs. Là-aussi, parmi une population au taux de séropositivité élevé, Radio Kwizera aura une mission.

Arnaud Bébien

Arnaud Bébien

Arnaud Bébien est journaliste (Tanzanie)