Clara Egger, lauréate du Prix de la Recherche du Fonds Croix-Rouge

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© Virginie Troit

Clara Egger, enseignante-chercheure invitée, Observatoire sur les missions de paix et les opérations humanitaires, Chaire Raoul Dandurand en études stratégiques et diplomatiques, Université du Québec à Montréal (UQAM), sous la direction du Pr Charles-Philippe David (2014) ainsi qu’à l’Université Pierre-Mendès de Grenoble (2011-2014), est la première lauréate du Prix de la Recherche attribué par le Fonds Croix-Rouge.

Grotius International : Que va apporter selon vous le Fonds Croix-Rouge à la recherche dans le secteur humanitaire?

Clara Egger : Le Fonds Croix-Rouge est très utile à la recherche dans le secteur humanitaire à plusieurs titres. Sur le plan financier tout d’abord, il permet de doter des chercheur.se.s de fonds non affectés pour mener leurs recherches sur des sujets souvent négligés ou sur des terrains difficiles.

Au-delà du soutien financier, le fonds permet de doter ces recherches d’une plus forte visibilité et de valoriser des trajectoires et des sujets de recherche parfois atypiques ou considérés par le monde académique comme mineurs.

Enfin, le fonds permet de construire des passerelles entre monde académique et monde opérationnel au sein du secteur humanitaire. Ces passerelles sont un outil indispensable pour exercer un regard critique, distancié et circonstancié sur l’action humanitaire.

Pour les universités, ce fonds agit comme un signal : il n’est pas vain de vouloir mener des projets de recherche sur ces sujets qui sont valorisés hors du monde académique.

J’espère que le fonds va susciter plus de vocations auprès de jeunes chercheur.se.s qui souhaiteraient se lancer dans ce type de recherche mais ne le font pas, par manque de moyen ou à cause de préjugés faisant passer ces projets de recherche pour irréalisables.

GI : Le prix récompense les recherches considérées comme « novatrices »… Dans quelle mesure pensez-vous que vos travaux sont innovants ?

CE : Je pense que mes recherches ont un potentiel novateur dans la mesure où elles portent sur un phénomène négligé, bien que crucial : l’impact du développement des missions de paix intégrées sur les acteurs humanitaires. Il s’agit d’évaluer les effets de ces missions sur les acteurs humanitaires sur le terrain : assiste-t-on à une redéfinition des priorités d’action sous l’effet de financements subordonnés à un objectif politique ? Quel est l’impact sur la liberté d’action des acteurs humanitaires, sur les rapports de pouvoir au sein du système humanitaire ?

Ma recherche adopte une démarche originale, car rares sont les chercheur.se.s qui font le choix de s’engager dans une démarche de terrain. Ainsi, l’objectif de mon travail est de m’immerger au plus près du quotidien des acteurs de la gestion de crise qu’il s’agisse du personnel d’ONG, des Nations Unies, de l’Union européenne ou de l’OTAN. Cette méthodologie est indispensable pour reconstruire de façon fiable les réseaux d’acteurs sur les terrains et les relations formelles et informelles qu’ils entretiennent entre eux.

Plus largement, ma recherche pose un nouveau regard sur l’importance et l’influence du contexte politique sur les acteurs humanitaires (recomposition du système humanitaire, impact des structures de coordination, arrivée de nouveaux acteurs) et sur leur capacité à répondre aux besoins des populations affectées par les crises.

GI : Quel est votre projet de recherche ?

CE : Mon travail de thèse porte sur l’injonction à la coopération dans le cadre du développement des missions intégrées et des approches globales dans la gestion des conflits. Un premier aspect du travail consiste à évaluer comment l’ensemble des acteurs de la gestion de crise est en relation sur le terrain et comment ces relations sont perçues. Ce volet de ma recherche permet de rompre avec certains mythes, notamment celui d’un système humanitaire chaotique et fragmenté.

Ensuite, je me penche en particulier sur l’importance de la distinction entre coopération formelle et informelle. En effet, le développement de ces missions et nouvelles approches s’est accompagné de la création de nombreux mécanismes de coopération souvent contractuelle et repose sur une certaine contrainte. Ces outils ne sont pas neutres : ils ont souvent pour effet d’accroître les asymétries de pouvoir et affectent l’autonomie des organisations les plus faibles relativement. Dès lors, il est intéressant d’évaluer comment les acteurs sur le terrain cherchent à résister à la coopération en développant des mécanismes de coopération informelle.

Enfin, je m’interroge sur la place laissée aux acteurs locaux au sein de ces mécanismes et à la façon dont ces missions sont perçues par les populations locales.

 

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La rédaction de Grotius International.

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