L’Albinos en Afrique : La blancheur noire énigmatique

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On constate dans certaines sociétés africaines que le fait d’être blanc est signe de richesse, et que la dépigmentation volontaire de la peau chez les africains est une pratique courante et acceptée, notamment en Afrique de l’Ouest. Mais être né blanc avec des traits négroïdes n’est-il pas acceptable ? Marque d’une étrangeté, l’albinos est couramment défini comme « un être blanc aux yeux rouges » auquel on attribue diverses croyances. Mais cette maladie à l’origine de nombreux handicaps chez ses porteurs, semble surtout méconnue et incomprise. Ainsi, l’ignorance de sa définition scientifique a eu pour corollaire l’éveil de préjugés et discriminations qui rendent impossible le classement de ces individus « ni Noirs ni Blancs », et leur appartenance à un groupe.

Dans nos sociétés, la vie n’est jamais facile notamment pour les personnes atteintes d’un handicap. Souvent exclues, mises à l’écart, leur intégration sociale est difficile, car cette différence qui les caractérise lorsqu’elle est rapportée à un terme référent, à une prétendue normalité, en fait des personnes à part et hors norme. C’est le cas de l’albinos, cette personne née avec une anomalie génétique, devra vivre toute sa vie avec un handicap physiologique parfois doublé d’un handicap psychologique. En effet, l’albinisme oculo-cutané provoque de nombreux handicaps au niveau médical (visuel, cutané, photosensibilité), qui constituent souvent un lourd tribut pour la construction personnelle et sociale des albinos.

Cette affection universelle qui touche 1 cas sur 20 000[1] naissances dans le monde et plus particulièrement les populations africaines et sud-américaines, déclenche des réactions très partagées selon les pays, les régions, voire d’une personne à l’autre.

L’albinos, qui en Europe passe quasiment inaperçu, suscite, a contrario, de vives émotions en Afrique. En effet, sur ce continent, la symbolique attribuée à cette maladie a connu de nombreuses variations historiques : du protégé du roi, au mauvais présage, en passant par l’enfant des dieux des eaux ou au fantôme de l’homme Blanc. L’albinos est alors caractérisé par une identité ambivalente et tripartite, partagée entre le céleste, le terrestre et une association à l’homme Blanc. L’albinisme n’a alors jamais pu être banalisé et occulté en Afrique où la maladie semble avoir un impact socio-culturel beaucoup plus important.

D’une part, cette blancheur caractéristique de l’albinisme ne peut être qu’en contraste direct avec l’Afrique, souvent présenté comme un monde de couleur. D’autre part, la naissance d’un enfant albinos a très souvent un fort impact psychologique sur sa famille, qui déclenche la plupart du temps un sentiment de honte, de mépris et de rejet, allant parfois jusqu’à l’infanticide.

L’impact causé par la naissance d’un enfant blanc dans une famille noire a également des conséquences sur l’enfant albinos. Première victime de ce rejet familial et communautaire, il ne pourra jamais être considéré comme « normal » alors qu’il est visiblement « anormal ». Cette anomalie pèsera sur la construction de son identité, et l’acceptation de sa différence.

Différentes formes de discrimination

Cette pathologie génétique qu’est l’albinisme a des effets discriminatoires bien au-delà du corps de l’individu et de son apparence physique. Ces discriminations interviennent aussi bien au niveau social, de la santé, de l’éducation et de l’intégration.

Le rejet de l’albinos dès son plus jeune âge par ses pairs ou sa famille, les problèmes médicaux qu’il rencontre tels que la myopie ; responsable des échecs scolaires ; ou les infections cutanées ; signes précurseurs du cancer de la peau ; sont autant d’obstacles à son développement personnel. Les stigmates physiques de l’albinos contribuent alors largement à la détérioration de son image dans la société et sa marginalisation. Par conséquent, les fonctions sociales très élevées lui sont très difficiles d’accès. De plus, les pratiques courantes dans le milieu du travail en Afrique ne garantissent pas l’accès à l’emploi aux personnes handicapées et vulnérables.

La non-discrimination qui est un droit fondamental, est pourtant souvent bafouée envers les albinos africains. Cette discrimination dont ils font l’objet enfreint alors un certain nombre de droits de l’Homme, tels que : le droit à la différence, le droit inaliénable à la vie, à la santé, à l’éducation ou encore au travail. Ainsi, elle engendre souvent une privation de libertés, voire des traitements cruels et dégradants pour les albinos.

L’identité de l’albinos africain

Porteurs de représentations, d’imaginaires symboliques et significatifs, l’albinos met en relation les représentations sociales avec sa propre individualité, étouffant ainsi un développement sain de son identité individuelle. Cette quête identitaire semble alors difficile, car son identité sociale lui rappelle constamment l’ambivalence qui le caractérise et le fait qu’il n’appartient à aucun groupe défini. Etant rejeté par la société, ils traînent tout au long de sa vie des frustrations, et des souffrances psychologiques qui ne facilitent guère son intégration sociale. L’albinos doit alors se libérer de cette identité sociale où le complexe d’infériorité est prépondérant. Il doit construire son identité individuelle afin de s’accepter avec ses différences.

Cette minorité, oubliée et délaissée, alors victime de discriminations doit se battre pour assurer la construction de son identité individuelle. Elle doit lutter contre les handicaps que lui infligent sa maladie, le rejet de sa famille et de la communauté, les diverses croyances dont elle fait l’objet, l’ambivalence qui règne autour de son appartenance et les différentes séquelles psychologiques causées par la maladie. Mais le fardeau de l’albinos africain ne s’arrête pas là. En effet, dans certaines zones d’Afrique notamment dans la région des Grands Lacs ou encore au Cameroun, ces discriminations non seulement verbales et morales sont sources de violences physiques souvent barbares et meurtrières.

 

Bibliographie :

Ninou CHELALA, « L’Albinos en Afrique, la blancheur noire énigmatique », l’Harmattan, 2007.
M. KASSIR, D.N. DOGREDINGAO : « L’albinisme dans la province centrale du Cameroun : du diagnostic au conseil génétique ».
Léonardo ARRIETA, « De certaines variétés de l’idiotie. Aux origines des pathologies psychiques de l’enfance », | érès | Cliniques méditerranéenne 2007/2 – N° 76.
Pascale JEAMBRUN et Bernard SERGENT, «Les enfants de la lune : l’albinisme chez les Amérindiens », Inserm-Orstom, 1991.
Pascale JEAMBRUN, « L’albinisme oculocutané : mises au point clinique, historique et anthropologique », Arch. Pédiatr., 1998.
Denis POIZAT, « L’Afrique, le pittoresque et le handicap » |érès | Reliance 2007/2 – N° 24.
Rapport de l’UNICEF pour le Ministère de la Famille et de Solidarité Nationale, « Etude sur l’infanticide au Bénin », janvier 2011.
Ambroise PARE, « Des monstres et prodiges. Chapitre I », Animaux, monstres et prodiges, 1573.
Article, Courrier International du 5 novembre 2010 : Mali, le combat des « Noirs à la peau blanche ».
Poème de Léopold SEDAR SENGHOR « Cher Frère Blanc ».

Sitographie :

Site de l’ASMODISA, www.asmodisa.org.
Site internet d’Albinos sans Frontières, www.asf-awb.org/fr.
Site d’Amnesty international www.amnesty.fr.
Site de Village Enfant Albinos du Cameroun www.veac-cm.com

 

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Référence : Ouvrage de Ninou CHELALA, « L’Albinos en Afrique, la blancheur noire énigmatique », l’Harmattan, 2007.
(1) M. KASSIR, D.N. DOGREDINGAO : L’albinisme dans la province centrale du Cameroun : du diagnostic au conseil génétique.

 

 

Candice Duprix

Candice Duprix

Candice Duprix est diplômée du Master CSI de l’Université d’Evry.

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