L’homéopathie, une médecine tout terrain…

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Jean-François Masson, médecin homéopathe de renom exerçant à Paris, membre de l’association Homéopathes Sans Frontières et de l’Institut National Homéopathique de France, explique dans cet entretien le rôle de l’homéopathie dans des situations d’urgence. Loin des clichés qui l’associent à une médecine douce pour patients aisés, l’homéopathie se révèle d’une grande efficacité à moindre coût sur des terrains humanitaires. Propos recueillis par Virginie Gomez.

Virginie Gomez : en quoi l’homéopathie peut-elle être humanitaire ?

Jean-François Masson : L’homéopathie est peut-être une médecine douce – appellation qui  ne me plait guère – mais ce n’est certainement pas une médecine molle, ni une médecine lente.  Premièrement et contrairement aux idées reçues, l’homéopathie est une médecine ultrarapide en aiguë, beaucoup plus qu’un médicament chimique. C’est ce qui m’a convaincu au début de ma carrière de poursuivre dans cette voie. Elle peut  guérir en urgence des vomissements et des diarrhées aiguës, des otites, angines, pneumopathie et fièvres.  Elle est efficace dans le traitement de plusieurs pathologies tropicales – diarrhées, parasitose…  Deuxièmement, sur les pathologies communes – otite, bronchite, gastro-entérite etc. – l’homéopathie est aussi efficace en France qu’en Afrique. Il y a six millions d’enfants qui meurent dans le monde de mort « évitable ». Cela signifie qu’ils sont victimes de maladies qui pourraient être soignées. Ils y succombent car les antibiotiques sont indisponibles ou contrefaits, et le terrain très affaibli. Si on apprend aux gens sur place à réagir rapidement en cas de bronchite, d’otite, ou de diarrhée, cela constitue une avancée importante. Troisièmement,  l’homéopathie consiste aussi à tonifier le terrain du patient, et contribue à la diminution de la fréquence des poussées d’hépatite virale par exemple.

L’homéopathie peut-elle être utilisée pour des interventions humanitaires d’urgence ?

Elle l’a été récemment en Haïti, pour lutter contre l’épidémie de choléra (encadré ci-dessous). Le choléra est particulièrement bien soigné en homéopathie. Les kits internationaux de réhydratation comprennent 5 litres de liquide. Avec l’homéopathie, on n’a besoin que de deux litres. Ces résultats ont été publiés par les pédiatres homéopathes du Nicaragua. Lors d’une épidémie il y a une quinzaine d’années, ils ont montré que les centaines d’enfants qui étaient soignés par des granules homéopathiques étaient guéris beaucoup plus rapidement que les autres. (1)

Dans quelle mesure l’homéopathie est-elle complémentaire de la médecine allopathique?

Prenons l’exemple du  VIH-Sida ou des hépatites B ou C. Si on donne le virus du sida d’un même génotype à quinze personnes différentes, on observera quinze trajectoires différentes : certaines vont voir leur état de santé se dégrader en peu de mois, d’autres tiendront le coup pendant des années. La différence ne tient ni au virus, ni au traitement qui sont les mêmes pour tous, mais à la résistance de chacun vis-à-vis de la maladie. Le rôle de l’homéopathe dans ce cas-là est de dynamiser au mieux le terrain en tenant compte de tous les facteurs qui ont pu le détériorer. Aidés par l’homéopathie au niveau non pas du symptôme, mais du terrain en général, les gens résistent beaucoup mieux. Je l’ai constaté en Afrique, comme je l’avais déjà constaté en France C’est un exemple de complémentarité. Il faut aussi tenir compte du contexte. Bien sûr, si des antipaludéens de synthèse sont disponibles, on ne va pas hésiter à s’en servir. Mais en brousse, ça m’est arrivé de voir des gens avec des crises de palu et des armoires à médicaments vides: qu’est-ce qu’on fait alors ? On essaie ce que l’homéopathie propose, et on s’aperçoit que le paludisme dure beaucoup moins longtemps avec des remèdes de fièvre.

En quoi consiste l’intervention d’HSF ?

Le but de HSF est de former des médecins, en envoyant des homéopathes sur place. Une fois que ces médecins sont formés, ils en forment d’autres à leur tour. On intervient dans un pays parce qu’on y est appelé par un groupe de médecins du Sénégal, du Togo, du Burkina Faso ou d’ailleurs.  La prochaine mission que nous lançons est au nord du Bénin, à l’hôpital de Tanghieta qui compte 60 médecins et des centres de soins de pointe. Ces gens ont entendu parler de ce que nous avons fait à Cotonou et ils nous ont demandé de venir. Nous irons une fois par mois pendant trois ans. Les médecins que nous avons formés à Cotonou viendront nous aider à former ceux de Thangieta.

Comment concrètement les médecins ou le personnel soignant en brousse peuvent-ils utiliser l’homéopathie ?

Nous leur apprenons à analyser un symptôme de façon homéopathique. En  homéopathie, ce n’est pas la fièvre qui compte, mais la manière dont cette fièvre se manifeste:  Le malade est-il excité ou abattu ? Transpire-t-il ? Mange-t-il ou non ?  Quel est son comportement au niveau mental et émotionnel ? Un faisceau d’indices permet de trouver le remède adéquat, que le médecin formé par HSF va être capable de fabriquer sur place. A partir d’échantillons de base, il procèdera comme le faisait autrefois les pharmaciens à Paris, en imprégnant de liquide des granules neutres. Quelque 200 médicaments de base utiles pour les cas que nous traitons là-bas peuvent ainsi être fabriqués. C’est une médecine très peu onéreuse. Suite à mon exercice en gynécologie à l’hôpital Bichat, j’avais écrit dans Le Monde il y a une dizaine d’années un article où je comparais le coût d’un traitement d’une crise d’herpès par homéopathie et par allopathie. Le traitement homéopathique était dix fois moins cher du fait de l’efficacité rapide du traitement symptomatique, mais également parce que les crises étaient moins fréquentes. C’est par excellence une médecine qui s’adresse aux plus démunis.

 

L’homéopathie, mal comprise dans l’humanitaire

En janvier 2011, alors que l’épidémie de choléra était installée puis déjà plusieurs mois en Haïti, HSF décida d’envoyer une équipe sur place. « La vocation première d’HSF est de former des soignants. Mais nous sous sommes rendus en Haïti car il y a en homéopathie une tradition d’efficacité dans le traitement des épidémies, en particulier du choléra » explique son président, le médecin Frédéric Rérolle. C’est en effet dans la lutte contre le choléra que l’homéopathie s’est faite connaître en Europe au19ème siècle. Plus récemment, des études ont validé ces résultats, au Nicaragua et au Pérou entre autres.

Première difficulté pour les médecins débarqués en Haïti, l’homéopathie n’est pas connue sur place. « Il y avait déjà une structure de prise en charge du choléra par les centres de traitements tenus par des ONG européennes ou nord-américaines, et nous n’avons pas pu être acceptés dans ces centres », explique Frédéric Rérolle.Il ne s’agit pas pour les homéopathes de remplacer le traitement en vigueur, mais d’agir en complémentarité, pour faciliter la guérison. Peine perdue. Soit ils sont accueillis par des ricanements, soit on leur oppose un protocole officiel auquel il est impossible de déroger.

C’est finalement au cours d’une deuxième mission en février 2011, que l’ONG put avoir accès aux patients de l’hôpital Saint François de Salle. Ses médecins montrèrent l’efficacité de l’homéopathie en traitant plusieurs cas avec succès: « La guérison est beaucoup plus rapide avec le renfort de l’homéopathie, et si le traitement homéopathique est pris au début, la réhydratation n’est parfois pas nécessaire » explique Frédéric Rérolle. Selon le compte rendu du docteur Edouard Broussalian, qui mena cette deuxième mission, le directeur de l’hôpital Jean Marie Caïdor et son équipe furent favorablement impressionnés par ces résultats, au point de souhaiter apprendre la méthode. Leur mutation dans le courant de l’année 2011 a pour l’instant empêché le projet de se concrétiser.

Selon Frédéric Rérolle, les mésaventures d’HSF en Haïti s’expliquent essentiellement par une incompréhension. L’homéopathie est perçue comme une médecine de « confort », « ce qui n’est pas du tout le cas ». Il reconnaît qu’un énorme travail d’information reste à faire sur les relations entre homéopathie et médecine humanitaire.

 

(1) Voir encadré.  C’est notamment en prescrivant des remèdes contre le choléra que s’illustra le fondateur de l’homéopathie, le docteur Samuel Hanhemann, entre la fin du 18ième et le début du 19ième siècle.  L’efficacité de l’homéopathie contre le choléra a également été testée en 1996 à Lima au Pérou.
(2) HSF a été fondé en 1984 et est devenu HSF-France en 1994. Elle intervient en 2011/2012 au Bénin, Burkina Faso, Togo, Sénégal, Maroc ainsi qu’à Haïti.

 

Virginie Gomez

Virginie Gomez

Virginie Gomez est rédactrice en chef de la revue « inexploré ».

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