«Normes et rivalités diplomatiques à l’ONU. Le Conseil de sécurité en audience», de David Ambrosetti (Bruxelles, P.I.E. Peter Lang)

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Par David Ambrosetti… Sur la scène internationale comme ailleurs, les compétitions pour le pouvoir se nourrissent d’idées à succès. Ces idées permettent en effet à des individus et des organisations de capter, auprès de larges audiences, diverses ressources matérielles et sociales. Ces ressources sont indispensables à la reproduction et l’expansion des institutions qui font vivre toute organisation, ainsi qu’à la conquête et la préservation des positions de pouvoir en son sein.

L’idée humanitaire, comprise dans son acceptation la plus large (qui inclut l’actuelle responsabilité de protéger), constitue une de ces idées, source de comportements individuels et collectifs utiles, sous la forme de larges élans de mobilisation ou de simples – et non moins utiles – acquiescements tacites. Cette idée s’est transformée en véritable récit légitimateur sur la scène politique internationale contemporaine, au fil des usages répétés qui en ont été faits par différents agents sociaux, par sédimentation.

La multiplication des agents impliqués dans la gestion des conflits armés « périphériques » et dans l’assistance internationale d’urgence est aujourd’hui bien connue, de même que le rapprochement entre ces agents sur le terrain. Le conflit ou à tout le moins la compétition n’en disparaissent pas pour autant entre eux. Mais ils doivent composer avec la nécessaire protection de ce récit, qui sous-tend une grande partie de leurs activités internationales aux yeux des audiences qui acceptent d’y consacrer des ressources relativement importantes (a) .

Pour soutenir cette perspective générale, nous ne proposons pas une déconstruction «littéraire» de ce récit humanitaire. L’existence de ce dernier est tenue pour acquise, pour autant qu’elle se manifeste dans la pratique des agents engagés dans la gestion des conflits armés. Notre propos vise au contraire à mesurer l’effort que constitue, pour les décideurs diplomatiques et autres professionnels de la politique étrangère, l’ajustement à ce récit, les risques et les opportunités que ce dernier génère dans des pratiques politiques bien institutionnalisées.

Les pratiques internationales de gestion des conflits armés ont cela d’intéressant qu’elles sont sans cesse placées sous le signe de l’obligation morale, souvent dotées d’une forte charge émotionnelle. À la façon dont Norbert Elias repérait les compétitions politiques entre groupes rivaux à la cour du Roi dans les pratiques d’apparat, et notamment les marques de sensibilité (b), nous voulons cerner les enjeux de reconnaissance collective et de légitimation, les contraintes d’image, les craintes pour le discrédit et le déclassement, dans les pratiques des diplomates exposés au jugement de leurs pairs.

Car les relations internationales méritent d’être analysées comme des pratiques produites par des décideurs, qui se reconnaissent des positions sociales réciproques, qui entretiennent des attentes les uns par rapport aux autres en vertu de ces positions sociales, qui mobilisent des ressources pour répondre à ces attentes et ainsi conforter leurs positions, qui sont susceptibles de sanctionner négativement les comportements apparaissant comme des « déviances ».

En somme, les décideurs de la politique internationale forment ensemble des groupes qui exercent une pression normative sur leurs membres, souvent sans même le rationaliser. Ce cadre d’analyse permet d’éclairer certaines pratiques de la régulation des conflits armés, dans leurs relations avec le récit humanitaire qui innerve ce domaine de coopération internationale. Il conduit en particulier à interroger les différentes « audiences » qui interviennent dans la reconnaissance et la sanction sociale quotidienne des positions de chacun, ce qui soulève aussi la classique question du poids respectif du traitement médiatique et des enjeux de politique intérieure.

En effet, plutôt que juger une politique dans son ensemble sur la base des résultats atteints comparés aux prescriptions portées par l’idée humanitaire, nous préférons reprendre les processus de prise de décision diplomatique en cause, en vue d’identifier les ressources mobilisées et mesurer le poids des différentes audiences qui, collectivement, fournissent ces ressources.

La relation entre ressources et audiences soulève la question des « règles d’usage » de ces ressources reconnues par ces audiences. Cette question des règles d’usage conduit à son tour à celle des risques qui pèsent sur les décideurs diplomatiques au moment où ils agissent, c’est-à-dire des risques induits par un usage qui serait jugé profondément « anormal ».

C’est cette perspective que nous appliquons aux décideurs diplomatiques français placés en interaction régulière avec leurs homologues étrangers au Conseil de sécurité à l’ONU, grâce à une observation de cette interaction au sein de la diplomatie française à New York. Les situations étudiées relèvent d’un domaine plus particulier de la politique étrangère de la France à l’ONU, sa politique africaine du début des années 1990, du fait des fortes routines qui la guidaient précédemment et ont en partie vacillé au cours de la décennie.

Une séquence plus précise sert de trame à notre propos. Elle commence avec l’engagement militaire et diplomatique de François Mitterrand aux côtés du régime rwandais de Juvénal Habyarimana dès octobre 1990. Cet engagement se traduit par un long déploiement militaire français, ainsi que par une activité diplomatique à l’ONU au profit d’une opération de paix dans ce pays dès juin 1993.

En plein génocide des Rwandais Tutsis, au printemps 1994, la France lance sa propre opération « militaro-humanitaire ». Le génocide prend fin, mais les violences reprennent sans tarder, en particulier au Zaïre / RDC en octobre 1996. Cette fois, sans déploiement de casques bleus, et sans interposition de quiconque. Favorables à une intervention au Zaïre, les Français connaissent parallèlement une perte d’influence diplomatique et militaire dans la région.

Le déploiement d’une nouvelle opération de paix au cœur de la nouvelle guerre en RDC, en 1999, offre à la diplomatie française l’occasion de gagner une nouvelle influence au Conseil de sécurité à propos de cette région, à la faveur d’un bouleversement des alliances politiques régionales. À cette séquence, nous avons joint une comparaison en mode mineur, à travers les choix diplomatiques britanniques dans le conflit en Sierra Leone (1991-2002).

Apparaît une façon en partie nouvelle d’assurer un rôle diplomatique moteur au Conseil de sécurité sur une opération de paix, c’est-à-dire une modification partielle des règles d’usage du maintien de la paix onusien en ce début des années 2000. Cette relative nouveauté renvoie précisément au récit humanitaire, et à la nécessaire protection que lui doit l’institution qui le mobilise si souvent.

L’apprentissage français est ici incontestable : son retour à l’influence en RDC s’accompagne d’une réapparition de l’humanitaire armé « salvateur », mais sous une forme davantage contrôlée, en lien étroit avec l’ONU et l’Union européenne. Certains parleront de changement cosmétique, non sans une part de raison. Au quotidien, le travail diplomatique pour l’influence ne correspond plus à ce qu’il a pu être en 1990, toutefois.

Agir sans l’ONU : les enjeux de la politique bilatérale française au Rwanda

Le génocide des Rwandais Tutsis et le « politicide » (Michael Mann) des figures politiques Hutus opposées au Hutu Power, commis au printemps 1994 en présence de Casques bleus de l’ONU et sans réaction internationale, illustrent le fossé qui peut exister entre le « projet » humanitaire et les enjeux quotidiens propres à l’espace diplomatique international.

Dans ses prémisses comme dans ses prolongements, cette séquence est riche d’enseignements sur les attentes collectives et les risques politiques et professionnels qui accompagnent les pratiques interventionnistes dites « humanitaires », et plus largement celles de gestion des conflits.

La perspective ici défendue invite à comprendre les attentes qui pèsent sur les décideurs qui ont en charge des situations de conflit armé « périphérique », comme au Rwanda en 1990-1994, et qui décident d’intervenir diplomatiquement mais aussi militairement dans ces conflits. Dans le cas de l’action de la France au Rwanda, action qui fut d’abord essentiellement bilatérale (1990-1993), cette perspective permet de pointer des erreurs proprement politiques qui ont été commises, en amont de son issue tragique.

Notre premier constat est la banalité avec laquelle les autres membres du Conseil de sécurité accueillent, dès 1990, les choix des autorités françaises au Rwanda. Ces choix renvoient en effet à des normes informelles (c’est-à-dire des attentes collectives) bien établies dans la pratique des délégations du Conseil de sécurité.

Ces normes ont trait aux garanties de sécurité offertes par des gouvernements disposant de capacités de projection militaire suffisantes. C’est bien le cas des autorités françaises dans de nombreux États issus des décolonisations en Afrique francophone dont les régimes sont incapables d’assurer seuls leur sécurité. Le Rwanda du général-président Juvénal Habyarimana rejoint ce club d’État en 1975.

En octobre 1990, lorsque la rébellion du Front patriotique rwandais (FPR) menace ce régime, la Présidence française privilégie une ressource, sa force armée, qu’elle utilise sur une base bilatérale. Par ce geste, la Présidence, l’état-major des armées et l’ambassade de France à Kigali jouent la continuité vis-à-vis des chefs d’État d’Afrique francophone placés sous leur giron protecteur. Même après la chute du Mur, même après le discours de

La Baule du 20 juin 1990, le « don sécuritaire » français perdure, conformément au traditionnel partage de compétences entre membres permanents du Conseil de sécurité. Ce choix est initialement d’autant plus facile que l’irruption de combats dans ce petit pays de l’Afrique des Grands Lacs intéresse peu les élites politiques et médiatiques françaises et internationales, comparé au conflit armé en cours dans les Balkans.

Dans les faits, l’effondrement du bloc soviétique et les nouvelles offensives néolibérales en matière de coopération internationale pour le développement fragilisent les relations entre le gouvernement français et ses amis africains. Les partenaires occidentaux de la France, États-Unis en tête, n’ont en effet plus de raison de soutenir ce monopole sécuritaire français. Et au sein même de l’appareil d’État français, des hauts fonctionnaires soutiennent la nécessité d’adaptation à ces changements, essentiellement pour des raisons budgétaires (c).

Un tel contexte limite les possibilités de soutien armé au profit du Rwanda. Les objectifs politiques privilégiés au quai d’Orsay ont vraisemblablement concerné, non pas la victoire militaire totale sur le FPR, mais l’évitement d’une défaite militaire rapide des forces armées rwandaises, et le renforcement de leurs positions sur le terrain militaire et diplomatique, en vue d’un partage négocié du pouvoir à Kigali.

C’est là un schéma classique des négociations de paix. On le retrouve d’ailleurs dans le soutien jadis apporté par Paris à la sécession biafraise (d) . Ce climat de discrétion et de désintérêt général a toutefois exposé cette action au risque de dérive. Les logiques – parfois contradictoires – portées par les officiers engagés dans les opérations ont ainsi pu gagner en autonomie vis-à-vis du cadre politique grossièrement fixé (e).

En fait, l’outil militaire ici utilisé est contraint par la configuration des ressources à disposition des décideurs politiques français. Car toute ressource sociale induit le respect de règles sociales formelles et surtout informelles qui s’y attachent et les font exister en tant que ressources.

Sans règle sociale, aucune ressource ne perdure en tant que telle. L’inverse est tout aussi valide : sans ressources pour les « fixer », les règles sociales flotteraient dans les airs, sans matérialité, sans ancrage institutionnel et pratique (f). Dans le cas franco-rwandais, l’outil militaire mobilisé répond initialement aux règles de la relation de clientèle entre États.

Cette relation d’échange, par définition inégal, ne suppose pas nécessairement une supériorité écrasante et immuable des moyens du patron par rapport à ceux de ses clients. Tout dépend de ceux qui, au sein de l’appareil d’État, occupent effectivement les positions de patron et de client dans ladite relation, et des ressources qu’ils parviennent à mobiliser. La relation entre eux peut même s’inverser avec le temps (g) .

Or, en ce début de décennie 1990, les décideurs qui assurent ce rôle de patron dans l’entourage du président français se trouvent effectivement confrontés à une réduction des ressources politiques disponibles pour leur permettre de soutenir la reproduction pérenne de ces règles du jeu clientélaire avec les régimes africains francophones (règles du jeu clientélaire en vertu desquelles l’outil militaire est mobilisé, rappelons-le). Cela se manifeste plus cruellement encore avec les clients de second ordre tels que le régime rwandais (par rapport à des pièces du « pré carré » autrement plus centrales).

Ces ressources politiques manquantes tiennent donc à l’apparition d’une nouvelle génération d’élites politiques et bureaucratiques françaises, nous l’avons dit, mais également aux nouvelles réticences des autorités américaines et d’autres régimes occidentaux vis-à-vis de ce rôle de patron régional quasi exclusif qu’ils ont jadis reconnu aux Français pour des raisons de guerre froide.

Ces réticences rappellent d’ailleurs que les positions de patron et de client existent aux yeux d’audiences plus larges, et non dans la seule relation entre le patron et son client. Elles sont exposées à l’évaluation permanente du groupe de clients, et au-delà, à celle des gouvernements tiers intéressés par les événements, patrons rivaux ou clients potentiels, qui observent.

Dans le cas du conflit rwandais, serait-il exagéré de dire que cette volonté des conseillers de François Mitterrand de tenir leur rôle de patron protecteur défié, comme si de rien n’était, en refusant d’anticiper la réduction de leurs ressources politiques et diplomatiques, pourtant nécessaires pour permettre à l’armée de remplir cette mission efficacement, est la principale erreur politique française à la source de l’échec subi?

Entre 1991 et 1993, la solution bilatérale armée française devient de plus en plus difficile, à mesure que l’agresseur FPR s’installe dans une « guerre d’usure », exploitant la faiblesse militaire de son adversaire. En mars 1993, la diplomatie française obtient de ses partenaires au Conseil de sécurité de l’ONU le déploiement d’une opération de paix pour prendre le relais des forces françaises.

Les décideurs diplomatiques français ont, en tout état de cause, échoué à obtenir par anticipation une modification progressive des attentes entretenues par leurs protégés africains dans une période où les ressources politiques et diplomatiques nécessaires à l’Élysée pour assurer son rôle protecteur connaissaient une rapide détérioration.

Cet épisode nous renvoie à la source du choix politique de recourir à l’ONU. Il apporte en cela un éclairage particulier sur le multilatéralisme, sur la décision d’entrer dans le jeu multilatéral, une décision faite de réajustements de circonstances. Les effets de cette décision dépasseront toutefois le seul dossier rwandais.

Le jeu multilatéral de l’influence à l’ONU et l’adossement au récit humanitaire

Avec la mobilisation du Conseil de sécurité de l’ONU, on assiste certes à la mobilisation d’un nouveau levier, d’un nouvel instrument, de la part des décideurs diplomatiques qui sollicitent l’ONU pour la gestion d’un conflit dont ils ont la charge. C’est là une façon pour eux de socialiser les coûts d’intervention. Mais on observe également l’entrée de nouvelles institutions et de nouveaux agents sur la scène politico-militaro-diplomatique intéressée par ledit conflit. Les discussions au Conseil de sécurité sur le projet d’une mission de paix engagent en effet les diplomates des autres États siégeant au Conseil, mais aussi des États principaux contributeurs de troupes de l’ONU, des États impliqués dans la préparation des budgets des missions de paix de l’ONU à l’Assemblée générale, et bien sûr les fonctionnaires du Secrétariat en charge de ces opérations et de la gestion politique des conflits armés, sans oublier les multiples organisations qui gravitent autour de ces opérations sur le terrain.

Quitte à ces « utilisateurs » initiaux du levier onusien de conserver un certain degré de contrôle sur l’opération. Par les choix que sa direction sera amenée à prendre dans la réalisation des tâches de maintien de la paix, une telle opération affectera nécessairement les ressources à disposition des forces politico-militaires en présence sur le terrain, donc leurs chances de succès dans la négociation politique ou dans la guerre. Les objectifs politico-militaires sur le terrain se trouvent désormais tributaires des capacités d’influencer l’organisation multilatérale au siège et dans ses différents services.

Les priorités et urgences que porte la diplomatie française dans le cas rwandais en 1993 viennent ainsi en partie s’imbriquer avec celles reconnues par ces multiples agents, des agents dont l’importance respective dépend des ressources qu’ils apportent dans la réalisation de l’opération défendue par Paris. En conséquence, les représentants de la France à l’ONU se doivent d’allier les attentes qui animent le « patron » élyséen, l’entourage du président Mitterrand depuis 1990, à celles des agents influents du maintien de la paix onusien.

En 1993, la diplomatie française se voit reconnaître une position d’influence sur ce nouveau dossier rwandais, selon les usages maintes fois répétés entre membres du Conseil, les permanents surtout. Elle assure ce lead (selon la terminologie indigène) en veillant à ne pas occuper le devant de la scène et en recherchant le soutien permanent de ses partenaires, peu intéressés par le dossier.

Techniquement, cette position de leader répond à des logiques de division du travail entre membres du Conseil, fréquentes dans les arènes multilatérales. Mais d’un point de vue de sociologie politique, cette position présente, au niveau interindividuel à l’ONU, une réelle consistance institutionnelle et pratique qui mérite l’attention. En tant que diplomate représentant son État au Conseil de sécurité en charge d’un dossier donné, on est reconnu leader par ses pairs, de façon informelle, par petites touches immergées dans le travail quotidien des uns et des autres, et parfois sans le dire avec des mots.

Comme toute autre position sociale informelle, cette position de leader requiert, pour exister, que les autres agissent d’une certaine manière à l’égard de son détenteur. Elle peut donc être délaissée, ou perdue. Les comportements des uns et des autres qui font perdurer cette position dans un espace social précis répondent donc à des règles sociales communes, à des attentes communes.

Cette position de leader ne détermine pas seule le cours des décisions prises au Conseil de sécurité. Dans certains dossiers, elle occupe même une place négligeable. Cette simple position, bien circonscrite, offre toutefois l’opportunité de restituer les attentes sociales qui la régulent au quotidien, dans la pratique même des diplomates. À travers son examen, nous avons voulu sonder les voies par lesquelles se manifestent les enjeux de reconnaissance collective de l’influence, de crédibilité, d’acceptabilité, de légitimation, et la pression d’audiences plus larges dans le travail des décideurs diplomatiques à l’ONU, dans ses normalités, ses routines, ou au contraire ses urgences.

L’intérêt de la séquence étudiée est qu’elle permet de retracer une évolution qui a affecté cette position durant les années 1990, ou plus exactement qui a affecté les attentes collectives entretenues à l’égard des détenteurs de cette position. Cette évolution a comme noyau central le socle de légitimation que l’idée humanitaire a fourni à l’ONU, et en particulier le renouveau de ce socle à la fin des années 1980. Elle rappelle la valeur politique qui doit être reconnue aux pratiques de légitimation, ici la référence à l’idée humanitaire qui se répand comme une traînée de poudre, mais aussi à leurs conséquences parfois inattendues, comme nous allons le voir.

Au sein de la mission permanente de la France à l’ONU, comme dans les autres délégations du Conseil, les diplomates en situation de travail quotidien se saisissent toujours plus aisément et rapidement de l’idée humanitaire, alors que les activités développées au sein de l’ONU en son nom se multiplient. « Parler humanitaire » est devenu une pratique normale, une attente collective, y compris au Conseil. Depuis la fin des années 1980, on le sait, des décisions opérationnelles mais aussi doctrinales, juridiques et politiques renforcent ce mouvement à l’ONU. Côté français, cela n’en constitue pas moins un choc « culturel » entre milieux professionnels initialement très éloignés.

Le travail diplomatique, en particulier celui des représentants permanents de la France à l’ONU, repose traditionnellement sur un souci de prudence, sur un savoir-faire qui consiste à jouer le jeu multilatéral avec une relative discrétion, contre les tentations d’utiliser le Conseil de sécurité de l’ONU comme une tribune pour des postures de circonstance que l’on souhaiterait relayer bruyamment dans l’espace médiatique international. C’est là une sorte d’éthos spécifique au corps diplomatique, très opportun à propos d’une position – celle de membre permanent du Conseil de sécurité  – fortement convoitée et disputée par d’autres.

La dimension spectaculaire et médiatique qui accompagne le développement de l’humanitaire – en particulier sous l’impulsion d’un Bernard Kouchner – semble aux antipodes de cet ethos. Mais les ressources générées par cette idée humanitaire ont rapidement été perçues par les professionnels de la politique interétatique. Sans grand coût, de surcroît.

En effet, l’idée humanitaire peine à produire de véritables autocontraintes dans les pratiques violentes des combattants, étatiques ou non, et ce en dépit de son entrée dans le droit international (les espoirs entretenus à l’égard de la justice pénale internationale restent vifs chez certains dans ce domaine). Elle peine à produire de véritables attentes partagées par la plupart des décideurs politiques, diplomatiques et militaires, soumettant chacun d’entre eux – en cas d’infraction – à un réel risque de sanction sociale négative suivant des paramètres préétablis collectivement admis et systématiquement appliqués (mais est-ce seulement possible ?).

Le seul franc succès de l’idée humanitaire réside dans le domaine du geste secourable, volontaire, donc sélectif, via un accroissement quasi industriel des institutions et des moyens étatiques consacrés à cette assistance humanitaire. Un geste secourable qui s’est même transformé en action armée salvatrice, à la discrétion des États capables de l’assurer. Et avec bien peu de résultats probants en matière de résorption et de prévention des violences, au bout du compte.

Autrement dit, en cet immédiat après-guerre froide, la mobilisation du récit humanitaire à l’ONU ne vient pas contraindre sérieusement les marges de manœuvre des diplomaties dans les jeux concurrentiels qu’elles mènent autour des situations de conflit armé. L’humanitaire a même déjà souvent montré qu’il pouvait au contraire ouvrir de nouvelles marges de manœuvre diplomatiques, dès lors que les images existaient pour distinguer et médiatiser de pures victimes.

L’assistance humanitaire peut bien, à l’occasion, faire office de diplomatie interétatique parallèle dotée d’une signalétique propre, ou rendre possible un appui politique et matériel discret à un belligérant, qu’il soit gouvernement ou mouvement rebelle. Mais en l’absence de tels intérêts politiques, l’idée humanitaire n’a pas réussi à fournir une ligne d’action opérationnelle capable d’atteindre les objectifs pacificateurs qu’on tend parfois à lui associer. Ce n’est d’ailleurs peut-être pas sa vocation.

De fait, la diplomatie française a pris soin d’accompagner rapidement ce mouvement humanitaire à l’ONU, sur le terrain rhétorique mais aussi juridictionnel (beaucoup moins au plan opérationnel et budgétaire).

La rencontre du monde humanitaire avec le monde politique et diplomatique français a déjà eu lieu dans les années 1980, timidement, notamment par la cooptation de grandes figures issues du premier par le second. Dans le multilatéralisme, le sens politique conduit à saisir rapidement au vol des mouvements idéels et discursifs qui peuvent ouvrir de nouveaux chantiers de coopération, avec de nouvelles ressources à la clef, donc de nouvelles compétitions exigeant un positionnement précoce pour la captation de ces ressources.

Quand les États-Unis du président G. Bush franchissent un nouveau cap en décembre 1992 en décidant une intervention armée multilatérale en Somalie avec mandat de l’ONU sous chapitre VII sous le seul sceau de l’urgence humanitaire (après l’opération Provide Comfort en avril 1991 dans le Kurdistan irakien), Paris est prêt à suivre cette innovation doctrinale, en adjoignant à cette opération Restore Hope sa propre opération Oryx sur le terrain.

Les représentants diplomatiques français à l’ONU ont donc payé à temps leur ticket d’entrée dans le monde enchanté de l’humanitaire. Ce faisant, ils disposent eux aussi de la crédibilité nécessaire pour se saisir de cette ressource de mobilisation internationale afin d’obtenir le soutien opérationnel d’organisations spécialisées de l’ONU et de réclamer l’attention de leurs partenaires à l’ONU sur une « crise humanitaire » en cours. C’est ce qu’ils feront en 1993 à propos du dossier périphérique que constituent le conflit rwandais et ses centaines de milliers de déplacés.

Cette entrée française dans le monde de la diplomatie humanitaire évoluera vers un usage tonitruant de cette rhétorique humanitaire à propos du Rwanda. Mais il ne s’agissait pas là de soutenir l’ONU, ou de promouvoir quelque modèle de gestion armée d’un Nouvel ordre mondial en construction. Il s’agissait d’échapper autant que possible au discrédit au cœur d’un fiasco des plus honteux : l’inaction internationale au beau milieu d’un génocide parfaitement prévisible.

Discrédit et sanction sociale entre pairs : une évolution des risques
attachés à la régulation internationale des conflits à l’ONU

À l’ONU, les décideurs diplomatiques ont mobilisé le récit humanitaire à mesure qu’ils identifiaient « dans le feu de l’action » les réactions de leurs pairs à cette rhétorique, et les opportunités et les risques qui en résultaient. Essentiellement verbales, ces pratiques ont permis l’entrée en force de la considération humanitaire dans le jeu diplomatique onusien. Utiliser l’ONU dans cette première moitié de la décennie 1990 suppose, pour le représentant d’un État membre du Conseil de sécurité plaidant pour une opération de paix, de répondre à certaines attentes collectives liées à cette idée (en termes de manifestation de compassion et de mobilisation de moyens d’assistance humanitaire pour les déplacés et réfugiés de guerre, par exemple).

Le génocide des Rwandais Tutsis du printemps 1994 a néanmoins cruellement montré combien cette montée en force du récit humanitaire n’avait pas généré de nouveaux risques pour les professionnels de la gestion des conflits à l’ONU, diplomates du Conseil et fonctionnaires du Secrétariat confondus.

L’incapacité à faire cesser de telles violences de masse et surtout à en prévenir l’irruption ne constitue aucunement une « faute » professionnelle ou politique négativement sanctionnée collectivement, à cette date (h). Présente sur les lieux mêmes du génocide en avril 1994, la Mission de l’ONU au Rwanda est en effet paralysée par sa hiérarchie du fait de la fronde anti-ONU apparue au Congrès et dans les médias américains à la suite de l’échec américano-onusien en Somalie en octobre 1993. Nous sommes à une époque où Washington assume 30 % du budget des opérations de paix de l’ONU (arriérés de paiement mis à part), au grand dam de nombreux membres du Congrès américain.

Le département d’État est alors déterminé à réduire le nombre d’opérations de paix en Afrique subsaharienne, et à ne les maintenir que lorsque les belligérants font preuve de bonne volonté dans l’application des accords de paix, une façon de punir les mauvais élèves, fussent-ils victimes d’une campagne d’extermination systématique (i) .

La leçon du département d’État s’adresse également aux autres « utilisateurs » du maintien de la paix à l’ONU. Il pourrait se résumer comme suit : « aidez-nous à protéger l’ONU face à la fureur du Congrès en évitant à tout prix les déroutes militaires de l’ONU hautement médiatisées, et ce en ne soutenant que des opérations qui aient toutes les chances de succès (malgré les faibles moyens disponibles), et s’il le faut, en volant vous-même au secours de ‘votre’ opération de paix en cas de rebondissement et de risque d’humiliation ».

Transparaissant assez clairement dans le rapport Brahimi de réforme du maintien de la paix onusien en juillet 2000, cette demande insistante du principal soutien diplomatique et financier des opérations de l’ONU se manifeste également dès l’irruption du génocide rwandais, puis dans l’évolution rapide des attentes entretenues à l’égard du leader d’une opération de paix au Conseil de sécurité.

Avec l’opération française Turquoise en juin-août 1994, on assiste en effet à une nouveauté significative. En 1993, la délégation française à l’ONU s’était vue reconnaître le lead diplomatique à propos du Rwanda grâce à une action prudente et soucieuse des attentes de ses partenaires au Conseil de sécurité. Avec le génocide de 1994, preuve patente de l’échec de la ligne suivie par le Conseil, la pression médiatique internationale s’accroît de façon exponentielle. Les autorités politiques françaises défendent une position beaucoup plus médiatique et « salvatrice ».

Le lead français n’est pas assuré à la seule lumière des efforts patiemment fournis pour rassembler les membres du Conseil autour d’une action consensuelle, mais également en vertu des efforts de positionnement de la France au centre de la scène médiatique internationale, en tant que bras armé de l’esprit humanitaire. Une telle position de leader conquise dans l’espace médiatique à coups d’images et de bruyantes déclarations salvatrices, Washington l’a déjà expérimentée lors de son intervention avec l’ONU en Somalie, avant de l’endosser à nouveau en Bosnie (1995) puis au Kosovo (1999) par le biais de l’OTAN.

Cet « exhibitionnisme » médiatique militaro-humanitaire inspire toutefois des critiques acerbes à certains partenaires diplomatiques. Plus que le génocide lui-même, ces diplomaties semblent reprocher à la délégation française d’avoir laissé l’ONU se diriger dans une telle impasse, vers un tel affront à l’idée humanitaire, menaçant la crédibilité même du récit humanitaire construit autour de l’action de l’ONU, surtout lorsqu’ils rappellent l’appui militaire constant apporté par la France au régime rwandais et une tendance de sa part à minimiser les signaux contredisant les intentions pacificatrices de ce régime. On le sait, le Rwanda a rapidement constitué en France un sujet polémique à ce sujet.

Lors du conflit dans les Kivus (Zaïre / RDC) en octobre 1996, un conflit qui résulte en partie des effets du génocide rwandais de 1994 dans la région, Paris peine à se faire entendre de ses partenaires occidentaux au Conseil. Le nouvel ambassadeur français à l’ONU n’a ni l’intention, ni les moyens de placer la France dans cette position de sauveur ultime des réfugiés rwandais Hutus du Zaïre, alors victimes des massacres organisés par la nouvelle armée rwandaise issue de la victoire du FPR en juillet 1994 à Kigali. Il sait en particulier que les autorités françaises ne sont pas les mieux placées pour prétendre devenir la tête d’affiche d’une action internationale humanitaire en Afrique des Grands Lacs, vu les critiques inspirées par Turquoise et vu l’hostilité du nouveau pouvoir à Kigali à leur égard.

Mais l’éclairage humanitaire demeure le seul levier à sa disposition qui conserve une portée relative au Conseil. Lui seul semble en effet à même de contrer les réticences des diplomaties (britannique et américaine) et des organisations non gouvernementales et médiatiques qui font confiance au nouveau régime rwandais pourtant responsable de ces violences de masse, deux ans après l’abandon international honteux des Rwandais Tutsis victimes du génocide.

Cet argument humanitaire sert ainsi à inspirer une nouvelle fois la figure du sauveur humanitaire armé. Le Canada s’engouffre dans la brèche, en octobre-novembre 1996, avec le soutien de la délégation française et de la plupart des membres du Conseil.

Cette fois encore, l’ONU réalise la prouesse qui consiste à réaffirmer la priorité absolue que ses États membres accordent à l’idée humanitaire tout en abandonnant des dizaines de milliers de personnes à leur sort, sans mettre en péril le récit humanitaire qu’elle mobilise. L’issue s’est en partie jouée devant les écrans de télévision, par le recours du pouvoir rwandais à des stratégies médiatiques visant à faire disparaître cette « crise humanitaire » de l’agenda des organes de presse (j).

Dans cette bataille de l’image, Kigali bénéficie du soutien d’organisations humanitaires occidentales qui portent la culpabilité de l’inaction internationale pendant le génocide de 1994. Il bénéficie également de la protection des diplomaties américaine et britannique dans les instances de l’ONU, nouant avec elles une forme renouvelée de relation de clientèle protectrice.

Le gouvernement canadien abandonne finalement son projet d’intervention armée multinationale en novembre 1996. Perdu dans les médias, ce combat est perdu à l’ONU, où la mobilisation s’effondre. Dans cette séquence, la délégation française demeure dans une position d’isolement à propos de cette région, devant le refus de ses partenaires occidentaux de la suivre.

Le jeu de l’influence se joue désormais devant de nouvelles audiences, médias internationaux et organisations non gouvernementales, porteuses d’attentes en partie nouvelles. Socialisée initialement dans le strict cadre diplomatique confiné du Conseil de sécurité, la diplomatie française a progressivement appris à domestiquer les attentes portées par ces audiences (qui demandent des pures victimes, des purs sauveurs armés, du spectacle), quand d’autres partenaires-rivaux (Américains en tête) savaient les exploiter de longue date.

Elle a également intégré les nouvelles attentes nées de l’utilisation intensive du récit humanitaire au Conseil de sécurité de l’ONU. Jusqu’où pouvait-on laisser vaciller le principal récit auquel l’ONU adosse son action ? Ce récit humanitaire se devait d’être protégé vis-à-vis des audiences plus larges qui, de loin, soutiennent l’organisation. Ces audiences ne sauraient soutenir n’importe quelle pratique au nom de l’humanitaire, sans égard aucun pour la crédibilité de ceux qui portent ce récit.

Qui prétendait assurer une position d’influence prédominante sur une opération de paix de l’ONU devait offrir les garanties minimales contre les scénarios-catastrophe du type Somalie (humiliation militaire et redéploiement honteux) ou Rwanda (refus d’agir au cœur du mal humanitaire absolu), et devait se tenir prêt à engager ses propres ressources diplomatiques, budgétaires et militaires pour empêcher la survenue de tels échecs fragrants aux yeux des profanes (k).

Bien sûr, si des violences de masse sont commises sans être relevées par aucun des porte-parole légitimes de l’idée humanitaire, ou alors sans mettre irrémédiablement en cause les convictions humanitaires des organisations qui s’appuient le plus fréquemment sur cette idée, l’urgence politique risque fort de ne pas se cristalliser autour de ces violences.

Avec le renforcement de l’action de l’ONU en Sierra Leone en 2000-2002 grâce au soutien des Britanniques, puis en RDC en 2003 grâce au soutien de la diplomatie et des armées françaises, une inflexion normative s’est dessinée, dans le sens d’un engagement politique et militaire important des délégations diplomatiques les plus intéressées par les opérations de paix de l’ONU. Ces nouvelles attentes informelles ont permis à la diplomatie française un retour à l’influence à l’ONU sur les dossiers des Grands Lacs en 2001-2002, grâce à une implication diplomatique discrète mais tenace portée par l’ambassadeur de France à l’ONU, Jean-David Levitte.

Conformément à l’évolution décrite ici, un tel engagement diplomatique a donné lieu à un engagement militaro-humanitaire français lorsque la mission de l’ONU en RDC a frôlé le fiasco médiatique (l). L’accord de l’Union européenne d’assumer en son nom ces opérations (Artémis et EUFOR-RDC), avec le soutien unanime du Conseil de sécurité de l’ONU, a ici constitué des ressources de choix en appui au lead français.

David Ambrosetti est chercheur au CNRS en science politique, à l’Institut des sciences sociales du politique / Université Paris Ouest Nanterre. Il est l’auteur de « Normes et rivalités diplomatiques à l’ONU. Le Conseil de sécurité en audience », Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, 2009.

a) En aucun cas la notion de récit ne s’oppose à la « réalité ». Dès qu’elle est répétée institutionnalisée, l’activité humaine s’accompagne d’une construction discursive, idéelle, visant à lui donner un sens dans le groupe social où elle prend place. Sans l’idée humanitaire, des activités similaires auraient peut-être existé, mais à l’ombre d’une tout autre « couverture légitimatrice ». Mais c’est bien cette idée qui les a rendues socialement acceptables dans des groupes sociaux précis à un moment précis. Voir le classique Peter Berger et Thomas Luckmann, La construction sociale de la réalité, Paris, Méridiens-Klincksieck, 1986. Raisonner en termes de récit ne nie aucunement la possibilité d’une adhésion sincère des individus engagés dans ces activités, ni ne conteste l’utilité sociale ou le bien-fondé éthique de ces dernières. Cela permet toutefois de s’affranchir, au moins dans un premier temps, de ces questions de la sincérité, de l’utilité sociale et du bien-fondé éthique, particulièrement glissantes en sciences sociales.

b) Norbert Elias, La civilisation des mœurs, Paris, Calmann-Lévy, 1973, et La société de cour, Paris, Flammarion, Champs, 1985.

c) La dévaluation du franc CFA en janvier 1994 a représenté un jalon essentiel dans ce mouvement de « liquidation » de la politique africaine de la France héritée de la Résistance en France et des décolonisations en Afrique. Jean-Paul Ngoupandé, L’Afrique sans la France : histoire d’un divorce consommé, Paris, Albin Michel, 2002, p. 73-78 et p. 124-128.

d) Daniel Bach, « Le Général de Gaulle et la guerre civile au Nigeria », Revue Canadienne des Études Africaines, vol. 14, n° 2, 1980, p. 259-272, p. 265 en particulier.

e) Olivier Lanotte, La France au Rwanda. Entre abstention impossible et engagement ambivalent, Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, 2007, p. 150-151 et p. 190-193.

f) C’est là une leçon de la sociologie de la pratique, à l’origine des courants de pensée dit « constructivistes », que nous développons et discutons dans l’ouvrage.

g) Jean-François Obiang décrit ainsi une relation de clientèle où le chef de l’État supposé client parvient progressivement à transformer les élites de l’État-patron en une clientèle politique pour lui. Jean-François Obiang, France-Gabon : pratiques clientélaires et logiques d’État dans les relations franco-africaines, Paris, Karthala, 2007.

h) Par exemple, le responsable hiérarchique des directives opérationnelles qui furent adressées au commandement politique et militaire de la Mission de l’ONU au Rwanda au cours du génocide de 1994, Kofi Annan, alors chef du Département des opérations de maintien de la paix à l’ONU, pourra être promu Secrétaire général de l’Organisation en 1997 sans la moindre polémique relative à cet échec rwandais.

i) Michael N. Barnett, “UN Security Council, Indifference, and Genocide in Rwanda”, Cultural Anthropology, vol. 12, n° 4, 1997, pp. 551-578.

j) Et ce en organisant un retour spectaculaire des réfugiés au Rwanda – en partie en trompe-l’œil – et en suggérant dans le même élan que ceux qui refusaient ce retour au pays avouaient par là même leur culpabilité dans l’exécution du génocide de 1994. La poursuite et le massacre de ces réfugiés en fuite par les troupes rwandaises ont ainsi pu se poursuivre des mois durant dans un silence international quais complet.

k) L’Angola semble constituer un échec davantage reconnu par les observateurs familiers des enjeux du maintien de la paix à l’ONU. Il n’a pas produit de grands épisodes médiatiques symbolisant l’échec auprès de larges publics. Il survient en outre en 1998-1999, en pleine période de repli du maintien de la paix à l’ONU.

l) Cela ne revient pas à dire que, hors de ces moments critiques au plan médiatique, la MONUC donne entière satisfaction.

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