A l’heure de la crise en Europe et des financements qui se tarissent, les réseaux sociaux constituent une opportunité d’idées originales pour lever des fonds. Ainsi, à Cissé Yargo au Burkina Faso, une école accueillant plus de 200 enfants n’aurait jamais vu le jour sans le réseau Facebook.
« Je me suis rendu compte qu’on a tendance à sous-estimer le pouvoir du réseau à l’ère de l’internet. » C’est en effet le moins que puisse dire aujourd’hui Frédéric Colas. Ce Francilien a réalisé avec sa femme et sa fille un tour du monde solidaire d’un an de ses contacts Facebook. Ces derniers et certains de leurs amis le cas échéant les ont hébergés : l’argent économisé – une centaine de dollars par nuit – ainsi que celui collecté tout au long du voyage a été reversé à l’association « La voix de l’enfant » et a permis de construire une école au Burkina Faso, à Cissé Yargo. Un tour du monde qui permet de montrer que possible rime avec utopique.
Alors que les ONG en Afrique ont du mal en cette période à réunir les fonds pour certains projets – quand ils ne sont pas supprimés ! – certaines initiatives et les succès qu’elles rencontrent donnent de l’espoir aux protagonistes du développement. Dans un monde saturé d’annonces et de sollicitations en tout genre, Internet, à condition de s’y démarquer, est une caisse de résonances pour les ONG africaines, ainsi que les causes qu’elles défendent ou veulent faire connaître. Les récentes campagnes « Kony2012 » ou encore « Africa for Norway » – même si les avis divergent sur le fond – ont fait parler d’elles. Et c’est ce que certains retiennent : la puissance de ces nouveaux canaux pour diffuser un message.
Pour David Barnard, le directeur du Réseau des ONG sud-africaines (Sangonet), le potentiel de financement est réel. Il relève pourtant que peu d’organisations de son pays s’y sont mises. « Toutes les ONG d’Afrique du Sud, surtout les plus modestes, n’utilisent pas encore les réseaux sociaux. Elles n’en sont qu’au début du financement par Internet. Je pense aussi que l’arrivée de l’Internet haut-débit, avec des prix à la baisse, permettra le développement de l’utilisation des réseaux sociaux par les ONG. »
Les ONG évoluent pourtant rapidement et des changements sont visibles depuis deux ou trois ans. « Nous organisons tous les ans les Trophées de l’Internet pour les ONG. Nous pouvons voir que nous recevons toujours plus de candidatures et les stratégies s’élaborent pour lever des fonds via Internet et les réseaux sociaux » fait remarquer David Barnard. Sangonet livre aussi un pack Internet, avec des conseils pour utiliser les réseaux sociaux, aux ONG qui en font la demande. « J’ai pu constater une hausse depuis quelques années », glisse David Barnard. Selon lui, l’une des campagnes les plus réussies ces derniers mois en Afrique du Sud sur les réseaux sociaux est celle menée par Save Mapungubwe, qui milite contre l’exploitation d’une mine de charbon près du parc national du même nom, figurant au Patrimoine mondial de l’humanité de l’Unesco. A travers sa page Facebook qui compte plus de 5 600 soutiens, Save Mapungubwe a pu booster le nombre de signataires de sa pétition et récolter de l’argent.
Signe de l’intérêt croissant que portent les ONG du continent au numérique, des formations aux réseaux sociaux en visioconférence fleurissent sur Internet. Proposées par des consultants, les tarifs varient au sein d’une fourchette de prix assez grande. Sans doute conscients qu’un marché s’ouvre à eux, ils diversifient leurs offres afin d’intégrer la demande des émergents, et des pays africains notamment. Les prix ne sont en effet pas les mêmes, si l’on se trouve en France ou au Sénégal par exemple. En septembre dernier, le site Fundsforngos.org proposait ainsi un web séminaire d’une heure trente sur le thème de « Comment utiliser Facebook et les réseaux sociaux pour promouvoir davantage une cause ». Le prix de cette mini-formation était de 70 dollars pour les ressortissants de pays développés et de 50 dollars pour ceux de pays émergents.
La famille Colas, elle, n’a pas eu besoin de ça puisque tout est parti de la page Facebook intitulée « We like the world », du nom de leur association créée pour bâtir l’école au Burkina Faso. Ils ont pu effectuer un tour du monde complet sur les cinq continents, visitant dix-sept pays, grâce aux contacts noués sur Facebook. Ils ont été hébergés les deux-tiers du voyage, par des contacts ou des connaissances de ces mêmes contacts soit une cinquantaine de familles au total. Ce tour du monde assez insolite leur aura permis de récolter 65 000 euros, soit un montant suffisant pour mener à bien leur projet. Le tiers de la somme provient de la famille Colas elle-même.
Sur les 7 000 personnes qui avaient cliqué sur le « J’aime » de la page « We like the world », près d’un millier a ainsi participé activement à la réalisation du voyage et au financement de l’école. « Un réseau d’amis est une vraie mine d’or de contacts et de rencontres possibles pour nous aider à vivre nos rêves, analyse Frédéric Colas. Les réseaux sociaux tels que Facebook mettent cet or à portée de main dans la vie réelle, pour peu que le projet intéresse et porte des valeurs positives. »
Pour la famille Colas, ce tour du monde et la construction de l’école n’est certainement pas la fin de l’engagement avec les enfants de l’établissement de Cissé Yargo. En incitant d’autres familles à faire comme eux, ils espèrent pouvoir financer le transport des jeunes filles du village au collège voisin. « La plupart arrêtent leurs études après la primaire faute de transport pour aller au collège », souligne ainsi Frédéric Colas. Pour Estelle, sa femme, c’est la finalité qui est même la plus importante. « L’éducation des filles est l’un des meilleurs investissements que l’on puisse faire pour aider les pays en voie de développement. Scolariser les petites filles d’aujourd’hui, c’est sauver les femmes de demain », conclut-elle.
Arnaud Bébien
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