Rapport mondial 2016 : La « politique de la peur » constitue une menace pour les droits humains

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rapport mondial droits humains 2016

Les attaques terroristes, la crise des réfugiés et une vague de répression à travers le monde ont marqué l’année 2015.

La propagation des attaques terroristes au-delà du Moyen-Orient ainsi que les flux massifs de réfugiés cherchant à fuir la répression et les conflits ont conduit de nombreux gouvernements à restreindre les droits humains dans un effort peu judicieux visant à protéger la sécurité de leurs pays.

Dans le même temps, des gouvernements autoritaires partout dans le monde, craignant la contestation pacifique dont l’effet est souvent amplifié par les médias sociaux, ont entamé à l’encontre d’organisations indépendantes la plus intense vague de répression de ces dernières années.

L’afflux important de réfugiés en Europe, généré en grande partie par le conflit en Syrie, conjugué à la multiplication des attaques perpétrées à l’encontre de civils au nom du groupe extrémiste État islamique (EI, aussi connu sous le nom de Daech), a débouché sur une augmentation des discours de peur et de l’islamophobie, a expliqué Human Rights Watch.

Mais en fermant leurs frontières, les gouvernements européens renouent avec de vieux schémas consistant à se soustraire à leurs responsabilités envers les réfugiés, renvoyant le problème aux pays de la périphérie de l’Europe, moins bien outillés pour accueillir ou protéger les réfugiés. L’accent mis sur la menace potentielle posée par les réfugiés détourne également les gouvernements européens de la lutte contre les menaces terroristes qui ont éclos sur leur propre sol ainsi que des actions nécessaires pour éviter la marginalisation sociale de populations désabusées.

Aux États-Unis, les responsables politiques ont utilisé la menace terroriste pour tenter de lever les modestes restrictions récentes limitant les agences de renseignement en matière de surveillance de masse, tandis que le Royaume-Uni et la France ont pour leur part cherché à étendre les pouvoirs de contrôle. Cela porterait considérablement atteinte au droit à la vie privée sans renforcer de manière manifeste la capacité à endiguer le terrorisme. De fait, dans un certain nombre d’attentats commis récemment en Europe, les auteurs étaient connus des autorités, mais la police était trop débordée pour assurer un suivi. Cela laisse à penser que ce qui est nécessaire n’est pas un surcroît de données de masse mais une plus grande capacité à suivre des pistes ciblées, a relevé Human Rights Watch.

« Stigmatiser l’ensemble des immigrées ou des minorités est non seulement une erreur, c’est aussi dangereux », selon Kenneth Roth, directeur exécutif d’Human Rights Watch. « Vilipender des communautés entières pour des actes commis par quelques-uns génère précisément le type de divisions et d’animosité que les recruteurs de terroristes aiment exploiter. »

La réponse de l’Europe face à l’afflux de réfugiés a aussi été contre-productive. Le fait de ne guère laisser à la plupart des demandeurs d’asile d’autre choix que de risquer leur vie en mer à bord d’embarcations de fortune pour rejoindre l’Europe a engendré une situation chaotique que des terroristes potentiels peuvent aisément exploiter.

« Créer un moyen sûr et ordonné permettant aux réfugiés de rejoindre l’Europe réduirait le nombre de vies perdues en mer tout en aidant les services d’immigration à réduire les risques en matière de sécurité, améliorant dès lors la sécurité de tout un chacun », a ajouté Kenneth Roth.

Les mouvements populaires initiés par des organisations de la société civile avec l’aide des médias sociaux ont suscité la peur de nombreux gouvernements autoritaires. Les précédents créés par les soulèvements arabes, la « révolution des parapluies » à Hong Kong et le mouvement de la place Maidan en Ukraine ont déclenché chez de nombreux autocrates une volonté d’empêcher les citoyens de s’unir pour faire entendre leur voix.

Les gouvernements répressifs ont essayé d’étouffer les groupes de la société civile en promulguant des lois qui limitent leurs activités et suppriment le financement international dont ils ont besoin. La Russie et la Chine figurent parmi les pays ayant le plus porté atteinte aux libertés. Une répression d’une telle intensité – notamment la dissolution de groupes critiques en Russie et l’arrestation d’avocats et de militants des droits humains en Chine – n’avait plus été constatée depuis des décennies, a relevé Human Rights Watch. Le parti au pouvoir en Turquie s’est livré à une intense répression, ciblant les militants et les médias critiques à l’égard du gouvernement.

L’Éthiopie et l’Inde, recourant souvent à la rhétorique nationaliste, ont restreint les financements étrangers pour empêcher tout contrôle indépendant des violations des droits humains par le gouvernement. La Bolivie, le Cambodge, l’Équateur, l’Égypte, le Kazakhstan, le Kenya, le Maroc, le Soudan et le Venezuela ont promulgué des textes de loi vagues et d’une portée trop générale dans le but de contrôler les activistes et de saper la capacité d’action des groupes indépendants. Les gouvernements occidentaux ont tardé à s’élever contre ces menaces planant à l’échelle mondiale.

En dépit de ces énormes menaces pesant sur les droits humains, 2015 a également enregistré certaines évolutions positives. Les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT), qui sont souvent soumises à des lois répressives et à de violentes attaques, ont avancé à pas de géant vers l’égalité avec la légalisation du mariage entre personnes de même sexe en Irlande, au Mexique et aux États-Unis, et la dépénalisation de l’homosexualité au Mozambique. Au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, une déclaration de 72 pays a affirmé l’engagement de ces nations à mettre un terme à la violence et à la discrimination basées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre.

Les élections historiques organisées en novembre en Birmanie se sont déroulées pacifiquement et les citoyens du Nigeria ont également pu célébrer le transfert pacifique du pouvoir à l’opposition. En septembre, l’ONU a adopté 17 objectifs de développement ambitieux qui, pour la première fois, sont universels et fondés sur les droits humains : parvenir à l’égalité des sexes et assurer l’accès de tous à la justice constituent deux de ces objectifs. Lors du sommet de l’ONU sur le climat organisé à Paris, les gouvernements ont convenu pour la première fois de « respecter, promouvoir et prendre en considération » les droits humains dans la réponse qu’ils apporteront au changement climatique, en particulier les droits des peuples autochtones, des femmes, des enfants, des migrants et d’autres personnes en situation vulnérable.

L’échec des approches punitives pour lutter contre la consommation de drogues a conduit à un renforcement du dialogue et à des avancées sur la voie de la dépénalisation dans de nombreux pays, dont le Canada, le Chili, la Croatie, la Colombie, la Jamaïque, la Jordanie, l’Irlande, la Tunisie et les États-Unis. Par ailleurs, les victimes de Hissène Habré ont pu se réjouir de la tenue du procès de l’ancien dictateur du Tchad, poursuivi au Sénégal pour des crimes contre l’humanité perpétrés sous son régime dans les années 1980. Il s’agit du premier procès d’un ancien chef d’État devant les tribunaux d’un autre pays que le sien.

« La sagesse inscrite dans le droit international relatif aux droits humains donne la direction indispensable aux gouvernements qui cherchent à assurer la sécurité de leur nation et à servir leur peuple le plus efficacement possible », a conclu Kenneth Roth. « C’est à nos risques et périls que nous l’abandonnons. »

 

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La rédaction de Grotius International.

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