Revue Tiers monde : « Protestations sociales, révolutions civiles »

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Couverture de la revueLa Revue Tiers monde vient de publier un numéro spécial intitulé: « Protestations sociales, révolutions civiles – Transformations du politique dans la Méditerranée arabe » (Hors série 2011), sous la direction de Sarah Ben Néfisssa, Blandine Destremau.

Les pays arabes du pourtour méditerranéen ont longtemps été l’objet de perceptions schématiques alimentées par l’exceptionnelle longévité de l’autoritarisme politique, la présence de courants politiques se réclamant de l’islam, ainsi que de multiples conflits régionaux.

Deux images tenaces collaient à ces sociétés : l’absence de sociétés civiles et de mobilisations sociales et politiques ; l’attribution de la contestation aux seuls courants islamistes. Or, depuis quelques années, comme l’a récemment révélé leur cristallisation en « révolutions », des mobilisations collectives, des protestations sociales, voire des émeutes émanant des catégories les plus diverses de la population s’y développent.

Cet ouvrage propose d’analyser ces mouvements à la lumière des mutations sociales et politiques de ces sociétés : diminution des capacités distributives des Etats, fin de l’émigration massive, érosion des solidarités traditionnelles et du modèle patriarcal de la famille, urbanisation, éducation, participation accrue des femmes à l’activité sociale et économique et, enfin, révolution des moyens de communication. Les mobilisations politiques s’imbriquent ainsi avec des revendications catégorielles et sociales relatives au chômage, aux conditions du travail, au niveau de vie, au logement et à l’accès aux services et équipement collectifs, et avec des mobilisations « identitaires », notamment liées aux appartenances religieuses et communautaires.

L’argument principal des auteurs est de mettre en cause l’existence d’une différence ontologique entre les pays démocratiques et les pays non démocratiques en ce qui concerne les mobilisations et les protestations sociales. Ils montrent également l’importance d’intégrer, dans l’analyse des mouvements protestataires et révolutionnaires, le rôle des médias : les acteurs mobilisés dans la scène protestataire de ces pays ont eu recours à des formes et des répertoires de l’action collective existants sur le plan international. La recherche de la « visibilité » sur les plans interne et international montre la conscience que les acteurs ont du poids des médias internes et externes comme force de pression sur les régimes.

Pendant longtemps, l’impact politique et social des collectifs de défense des droits de l’homme a été peu perceptible sur le plan interne à cause de la faiblesse, voire de l’inexistence de communication avec leurs propres sociétés, de la limitation de leur dialogue avec les seuls pouvoirs publics et avec les organisations étrangères et internationales. Mais ces dernières années ont montré comment ces acteurs peuvent également jouer un rôle important sur le plan interne à ces pays à cause justement de leurs connexions internationales : le renforcement de leur rôle et de leur poids politique est apparu plus important que celui des partis politiques de l’opposition reconnue. La diffusion du répertoire international des droits de l’homme et de la citoyenneté a eu pour conséquence de concurrencer le répertoire normatif islamiste. Le langage protestataire parle de justice sociale et de « lutte pour la dignité ». En Tunisie comme en Egypte, ces catégories ont permis une opération de montée en généralité et d’alliance entre les différentes catégories sociales.

Toutefois, en l’absence de « leadership politique, idéologique et humain », peut-on parler de « vraies » révolutions et si oui, quelle est donc leur « nature » : sociale, politique ou civile ? Les travaux de recherche que présente ce numéro, et qui portent sur l’Egypte, la Tunisie, le Maroc et le Liban, montent qu’il est légitime d’analyser les mobilisations dans les pays de la région comme des formes d’expression politique et de rappeler ainsi que la dépolitisation des institutions politiques ne signifie pas forcément la dépolitisation sociale.

Site : Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman

 

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La rédaction de Grotius International.

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