Ni indépendantes, ni impartiales…
Les 13 principales ONG internationales qui travaillaient au Soudan –parmi lesquelles la Britannique OXFAM, l’Américaine Mercy Corps ou encore Médecins sans Frontières, représentaient environ 50% du personnel humanitaire présent au Darfour. Soit 250 internationaux et environ 7000 locaux… Les 250 ont été expulsés, les autres ont perdu leur travail.
Pour justifier sa décision, et malgré le risque évident de crise humanitaire, le régime de Khartoum a brandi des soupçons de collusion entre ces 13 organisations et la CPI, et a affirmé que leur action humanitaire n’était pas neutre et impartiale. En fait, bon nombre des ONGI expulsées ne cachaient nullement leur double action : action humanitaire et action de plaidoyer. Des plaidoyers très politiques pour certaines d’entre elles. Pour un observateur de la vie politique soudanaise, ces organisations avaient donné depuis longtemps à Khartoum le bâton pour se faire battre…
Autre facteur aggravant, selon le régime soudanais, le financement des opérations menées par les ONGI. Nombre d’entre elles ne sont plus que des prestataires de service des agences onusiennes, comme le Programme alimentaire mondial, le PAM. Elles sont considérées, depuis Khartoum, comme étant pieds et poings liés aux Etats occidentaux, Etats-Unis et Union européenne en tête. Ces ONGI ne sont pas considérées comme impartiales et indépendantes, mais comme politiquement engagées puisque soutenues financièrement.
Les conséquences du bras de fer entre Khartoum et la communauté internationale étaient prévisibles et les expulsions annoncées depuis des mois. Depuis la requête présentée le 14 juillet 2008 par le Procureur Luis Moreno-Ocampo aux fins de la délivrance d’un mandat d’arrêt contre le président soudanais Omar Al Bachir. beaucoup d’ONGI avaient déjà préparé leur valise « au cas où ». Dans le même temps les Nations unies étaient passées au niveau de sécurité 4. Au niveau 5 les forces onusiennes restent retranchées derrière « des sacs de sable » et préparent leur départ…
Pas si non gouvernementales que ça…
Le choix des organisations visées par la mesure d’expulsion n’a pas été fait au hasard. La Grande-Bretagne, les Etats-Unis, la France et la Norvège ont été jugés par le Soudan comme les pays les plus activistes sur la scène internationale, les plus favorables au mandat d’arrêt. Et pour les autorités soudanaises, ces organisations humanitaires n’étaient que les dignes représentants de cette communauté internationale.
De nombreuses ONGI expulsées, il est vrai, faisaient partie de la coalition pro-ingérence Responsability to protect qui, dès 2005, a appelé à une action de la Cour pénale et qui a soutenu ouvertement ces derniers temps le travail du procureur Moreno-Ocampo, Save the Children, Oxfam International, Mercy Corps – International Rescue Committee (IRC), CARE, CHF-Partners in Rural Development, World Vision font partie de Responsability to protect.
Le président d’IRC a par ailleurs participé à de nombreuses conférences de presse organisées par Save the Darfur qui appelait à une action judiciaire internationale… Sans doute les organisations humanitaires devront-elles s’interroger sur une action humanitaire qui mêle, mélange assistance et plaidoyer… Le régime soudanais a eu « la partie facile » en dénonçant ce qui constituait, à ses yeux, le double-jeu des ONG internationales, qui n’étaient peut-être pas si non gouvernementales que ça.
Stéphane Aubouard
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