Le retour des doctrines de la guerre juste dans les discours des grandes puissances pourrait suffire à en condamner le concept. Ces doctrines ne servent-elles pas de masque aux puissances qui tentent de justifier leurs entreprises impérialistes sous prétexte d’interventions armées faites au nom du droit, de l’humanitaire ou de la démocratie ?
Si vouloir la justice au prix de la guerre revient souvent à imposer sa propre conception du juste, la réalité même de la guerre -l’usage de la violence armée à des fins politiques -la couperait néanmoins du droit comme de la morale. Du droit, dès lors que ce dernier se réduit à l’expression des rapports de force qu’il entérine et demeure incapable de faire respecter les principes sur lesquels il se fonde, surtout au niveau international où règne la lutte de chacun contre tous. De la morale, comprise comme un discours inapte à expliciter la politique et à la transformer.
Faut-il alors condamner d’emblée toute réflexion sur la guerre juste ? Une telle condamnation de principe récuserait toute forme d’examen philosophique de notions morales dès lors que des crimes ont été commis en leur nom. Toute évaluation normative, comme toute critique politique, deviendrait impossible.
Et comment blâmer le mauvais usage des concepts moraux sans en connaître d’abord le sens ? Dénoncer une guerre comme injuste, ou refuser les usages politiques qu’on peut en faire, suppose des catégories morales et juridiques permettant de dégager des critères de justice applicables à la guerre.
À partir de leur histoire intellectuelle, de leurs argumentaires contemporains et d’une comparaison avec les normes du droit international public, cet ouvrage entend exposer les doctrines de la guerre juste afin d’en évaluer les arguments et d’offrir des outils conceptuels permettant un point de vue critique sur les guerres. Trois grands axes de la théorie sont présentés : le droit de la guerre (jus ad bellum), le droit dans la guerre (jus in bello) et le droit d’après-guerre (jus post bellum).