Né de l’analyse des besoins des acteurs humanitaires en termes d’outils de gestion, de méthode d’assurance qualité et de redevabilité, Sigmah est un peu un OVNI dans le secteur et ceci pour plusieurs raisons :
L’émergence d’une gouvernance originale : le projet Sigmah, mis en place opérationnellement par le Groupe URD est par essence un projet collectif. Géré et piloté par une coopérative d’ONG, dont parmi les plus grandes humanitaires françaises (ACF, MDM, la Croix Rouge Française, Handicap International) mais aussi les ONG de taille moyenne mais très actives et dynamiques sur le terrain (Secours Islamique, Solidarités International, Première Urgence-Aide Médicale Internationale, Comité d’Aide Médicale, COSI, Triangle). Dans le paysage des ONG françaises, si souvent décrit comme pavé d’individualisme et de compétition inter-ONG, l’esprit qui anime les membres de la coopérative est au contraire un esprit de coopération effective et de mise en commun.
L’expression d’une responsabilité assumée : L’analyse des besoins avait fait ressortir celui d’un logiciel offrant un certain nombre de fonctionnalités : suivre l’état d’avancement des projets et des financements ; définir, suivre et cartographier des indicateurs à différents niveaux (projet, pays, région, institution) ; centraliser les documents de projets ; améliorer la gestion de calendriers et l’anticipation avec alerte ; opérationnaliser une démarche d’assurance qualité, en définissant des critères et des points critiques liés aux projets.
Cette analyse de facto démontre l’importance accordée par les ONG aux enjeux de responsabilité qu’elles ont tant face aux populations qu’elles soutiennent, toujours plus exigeantes en terme de qualité du service, que face aux donateurs du public et aux financeurs qui leurs accordent les deniers publics.
Un mariage innovant de la communauté humanitaire et de celle du logiciel libre : Les évolutions de l’humanitaire ont vu des développements importants dans les interactions entre ce secteur et les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). Utilisation des Systèmes d’Information Géographique (SIG) et de l’imagerie satellitaire, implication de plus en plus forte de la téléphonie mobile (avec Frontline SMS, Ushahidi), etc. Mais s’il existe déjà des logiciels de gestion de projet développés pour le secteur commercial, rien n’a été réellement conçu pour le secteur humanitaire et ses contraintes.
C’est autour de cette thématique que la Coopérative de Pilotage du projet Sigmah s’est mise en contact avec des développeurs de la communauté du logiciel libre. Avec un soutien de la DG ECHO, des régions Ile de France et Rhône-Alpes, de la Fondation pour le Progrès de l’Homme et d’un vrai engagement des futurs usagers, Sigmah a donc été développé et continuera de l’être dans cet esprit ouvert et un peu libertaire du « Libre ».
Un premier résultat, la version 1.0 du logiciel Sigmah : Méthodologies dites « agiles », interaction permanente entre les utilisateurs et les développeurs impliqués, tout un fourmillement d’idées, des mois de travail ont conduit à la sortie le 14 Juin 2011 de la v1.0 du logiciel Sigmah. Cette version a été présentée par les membres de la Coopérative de Pilotage dans la salle de Conférence du Centre Convention du Ministère Français des Affaires étrangères et européenne (plus d’information sur cette conférence de lancement à http://www.urd.org/spip.php?article741).
L’aventure continue : Une version 1.0, c’est un pas énorme, mais ce n’est que le premier d’un chemin. Les évolutions déjà identifiées (besoin de mode déconnecté), les spécificités de chaque organisation (besoin d’adaptation pour les paramétrages), renforcement souhaité avec des systèmes SIG et d’expression des besoins par les populations, mise en place d’un « business model » qui permettra la maintenance et le partage des adaptations.
De nouveaux défis attendent les explorateurs de ces nouveaux espaces entre populations dans la détresse, virtualité Internet et réalité des responsabilités d’un secteur qui doit faire le bien, le faire bien mais aussi rendre compte de l’utilisation des ressources souvent rares qui lui sont accordées.
Site URD : http://www.urd.org/
François Grünewald
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